La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2022 | FRANCE | N°21MA01624

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 21 mars 2022, 21MA01624


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2020 par lequel la préfète de l'Aude lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a informée qu'elle fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'inte

rdiction de retour.

Par un jugement n° 2100407 du 2 février 2021, le magistrat ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2020 par lequel la préfète de l'Aude lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a informée qu'elle fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour.

Par un jugement n° 2100407 du 2 février 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté les conclusions de Mme B... dirigées contre l'arrêté de la préfète de l'Aude du 15 décembre 2020 en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français sans délai, qu'il fixe le pays de destination et prononce une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2100163 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les conclusions de Mme B... dirigées contre l'arrêté de la préfète de l'Aude du 15 décembre 2020 en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour.

Procédure devant la Cour :

I- Sous le n° 21MA01624, par une requête, enregistrée le 30 avril 2021, Mme G... B... épouse H..., représentée par Me Paulet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 mars 2021;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2020 par lequel la préfète de l'Aude lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français sans délai ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me Paulet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente, en l'absence de délégation régulière de signature ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions du 4° et du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est mère de deux enfants français mineurs, scolarisés et résidant sur le territoire français ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, son droit d'être entendu n'ayant pas été respecté ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 6° et du 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2022, le préfet de l'Aude conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête n'est pas fondée dans les moyens qu'elle soulève.

II- Sous le n° 21MA02162, par une requête, enregistrée le 7 juin 2021, Mme G... B... épouse H..., représentée par Me Paulet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 février 2021;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2020 par lequel la préfète de l'Aude lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a informée qu'elle fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me Paulet au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente, en l'absence de délégation régulière de signature ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est mère de deux enfants français mineurs, scolarisés et résidant sur le territoire français ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, son droit d'être entendu n'ayant pas été respecté ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 6° et du 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2022, le préfet de l'Aude conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête n'est pas fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Par une décision du 23 avril 2021, Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Balaresque a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 15 décembre 2020, la préfète de l'Aude a refusé de délivrer le titre de séjour sollicité par Mme B..., l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a informée qu'elle fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour. Mme B... relève appel des jugements des 2 février 2021 et 30 mars 2021 par lesquels le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il lui refuse la délivrance d'un titre de séjour et l'oblige à quitter le territoire français sans délai.

Sur la jonction :

2. Les deux requêtes susvisées concernent la situation d'une même requérante et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu par suite d'y statuer par un même arrêt.

Sur le bien-fondé des jugements attaqués :

3. En premier lieu, par des motifs appropriés figurant respectivement au point 5 du jugement du 2 février 2021 et au point 3 du jugement du 30 mars 2021 et qu'il convient d'adopter en appel, le tribunal a écarté le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; ". Ces dispositions sont interprétées, en vertu d'une jurisprudence constante, en ce sens que si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., née le 13 janvier 1982, de nationalité marocaine, s'est mariée à Nîmes, le 22 février 2014, avec M. D... H..., ressortissant français. L'enfant C... H... est né le 23 novembre 2014 à Carcassonne. Mme B... a obtenu un premier titre de séjour en qualité de conjointe de français le 13 janvier 2015. L'enfant Moushin Lamouch est né au Maroc le 18 janvier 2017. Mme B... a obtenu un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, valable jusqu'au 11 février 2019, dont elle a sollicité le renouvellement auprès du préfet de l'Aude. A la suite d'un signalement effectué en janvier 2019 par le consulat général de France au Maroc à Fès auprès du préfet de l'Aude, lequel l'a transmis au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Carcassonne, une enquête pour suspicion de fraude à la nationalité a été ouverte. Il ressort des déclarations de Mme B... elle-même lors de son audition dans le cadre de cette enquête que précédemment à son mariage avec M. H..., elle vivait en concubinage avec M. A... F... et que, leur relation s'étant poursuivie postérieurement à ce mariage, elle n'est pas en mesure de déterminer lequel des deux est le père de son fils C... né en novembre 2014. Lors de cette audition le 20 mai 2019, Mme B... a également indiqué être repartie au Maroc en avril 2016, soit plus de 9 mois avant la naissance de son fils E... qui y est né en janvier 2017, et n'avoir plus eu de relations depuis cette date avec son mari, M. H.... Ce dernier a déclaré lors de son audition le 3 juin 2019 ne pas être le père des deux enfants de sa femme qui portent son nom. Il a en outre indiqué qu'ils n'ont vécu ensemble que trois jours entre leur mariage en février 2014 et le retour de sa femme au Maroc. S'il est par la suite revenu sur ses déclarations dans des attestations imprécises et manifestement rédigées pour les besoins de la cause, M. H... avait toutefois déjà déclaré, par une attestation signée en mairie de Carcassonne en septembre 2017, ne pas être le père de C... né en 2014, ne pas avoir revu Mme B... depuis 2015 et n'" avoir jamais eu de rapport " avec cette dernière. Au regard de ces éléments précis et concordants, et alors que Mme B... se borne à se prévaloir de la présomption de paternité prévue par l'article 312 du code civil, laquelle peut être écartée en cas de fraude, la préfète de l'Aude doit être regardée comme établissant que la reconnaissance de paternité des enfants C... et E... par M. H... présentait un caractère frauduleux. Par suite, la préfète de l'Aude, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude dès lors que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'était pas acquise, était légalement fondée à refuser, pour ce motif, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par Mme B..., alors même qu'à la date de ce refus, ses enfants n'avaient pas été déchus de la nationalité française. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 doit dès lors être écarté.

6. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, tant Mme B... que M. H... ont reconnu lors de leurs auditions respectives en mai et juin 2019 la rupture de toute vie commune après le départ de Mme B... au Maroc en avril 2016. Dès lors, Mme B... n'est pas fondée à invoquer la méconnaissance des dispositions précitées du 4° de l'article L. 313-11.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Par des motifs appropriés figurant aux points 4 et 5 du jugement du 30 mars 2021 et qu'il convient d'adopter en appel, le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu, soulevé par Mme B... dans les mêmes termes en première instance qu'en appel.

8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 6 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 6° et du 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 décembre 2020 par lequel la préfète de l'Aude lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français sans délai.

10. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que ses conclusions présentées en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de Mme B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... B... épouse H..., à Me Paulet et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 28 février 2022, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2022.

2

No 21MA01624 - 21MA02162


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01624
Date de la décision : 21/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : PAULET FANCHON CELINA

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-21;21ma01624 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award