Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Smurfit Kappa Papier Recycle France (SKPRF) a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2013 par lequel les préfets du Gard et de Vaucluse ont approuvé le plan de prévention des risques technologiques autour de l'établissement Eurenco à Sorgues.
Par un jugement n° 1400660 du 28 juin 2016, le tribunal administratif de Nîmes a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre l'arrêté du 13 décembre 2013 en tant qu'il édicte des prescriptions à l'encontre de la société SKPRF et a annulé cet acte dans toutes ses autres dispositions.
Le ministre de la transition écologique et solidaire a demandé à la Cour d'annuler ce jugement du 28 juin 2016 et de rejeter la demande présentée par la société Smurfit Kappa Papier Recycle France devant le tribunal administratif de Nîmes.
Par un arrêt n° 16MA03481 du 8 mars 2019, la Cour administrative d'appel de Marseille a rejeté ce recours.
Par un arrêt n°430592 du 17 décembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la Cour administrative d'appel de Marseille.
Procédure devant la Cour après cassation :
Par des mémoires, enregistrés les 22 janvier 2021 et 14 décembre 2021, la société Smurfit Kappa Papier Recycle France, représentée par Me Braud, conclut à titre principal au rejet de la requête et, dans le dernier état de ses écritures, à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2013 des préfets du Gard et de Vaucluse en ce qu'il prévoit un risque de l'aléa toxique F+ et " suppression les locaux " de la société SKPRF au Pontet, et en conséquence d'enjoindre aux préfets de Vaucluse et du Gard de ne pas appliquer les dispositions du PPRT aux locaux de la société SKPRF au PONTET et de modifier l'arrêté précité pour prendre en compte la suppression du risque affectant le site de la société SKPRF, et ce sous deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ; à titre infiniment subsidiaire d'annuler l'arrêté préfectoral du 13 décembre 2013 portant approbation du PPRT autour de l'établissement EURENCO à Sorgues en ce qu'il n'inscrit pas les locaux de la société SKPRF au PONTET exposés à un aléa toxique F+ et surpression Faible en secteur de délaissement, en conséquence d'enjoindre aux préfets de Vaucluse et du Gard de modifier l'arrêté précité afin d'inscrire les locaux de la société SKPRF au PONTET exposés à un aléa toxique F+ et surpression Faible en secteur de délaissement ou à défaut de prononcer l'abrogation immédiate du PPRT au regard des changements de circonstances de fait et de droit intervenus depuis sont édiction et demande que soit mise à la charge de l'Etat et de la société Eurenco France la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
La requête a été communiquée à la ministre de la transition écologique et solidaire et à la société Eurenco France qui n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'ordonnance n° 2015-1324 du 22 octobre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marcovici,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me Braud, représentant la société Smurfit Kappa Papier Recycle France.
Considérant ce qui suit :
1. La société Smurfit Kappa Papier Recycle France (SKPRF) exploite une activité de papeterie sur le territoire de la commune du Pontet, dans le Vaucluse, à proximité du site d'implantation d'une installation classée, exploitée par la société Eurenco France, de fabrication d'explosifs militaires et de liquides inflammables additifs des carburants sur le territoire de la commune de Sorgues. Les préfets de Vaucluse et du Gard ont prescrit, par arrêté du 6 juillet 2009, l'édiction d'un plan de prévention des risques technologiques pour ce site industriel au titre des dispositions de l'article L. 515-15 du code de l'environnement. Ce plan a été approuvé par arrêté pris par ces deux autorités le 13 décembre 2013. Saisi par la société SKPRF, le tribunal administratif de Nîmes a, par jugement du 28 juin 2016, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de sa demande dirigées contre cet arrêté du 13 décembre 2013 en tant qu'il édicte des prescriptions à son encontre et a annulé cet acte dans toutes ses autres dispositions. Le ministre de la transition écologique et solidaire a relevé appel de ce jugement excepté en tant qu'il a prononcé ce non-lieu à statuer. Par un arrêt n° 16MA03481 du 8 mars 2019, la Cour administrative d'appel de Marseille a rejeté ce recours. Par un arrêt n°430592 du 17 décembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la Cour administrative d'appel de Marseille.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions et contre-propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. (...) ". Si le commissaire-enquêteur n'est pas tenu de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête, il doit porter une analyse sur les questions soulevées par ces observations et émettre un avis personnel sur le projet soumis à enquête en indiquant les raisons qui déterminent le sens de cet avis.
3. Pour annuler l'arrêté du 13 décembre 2013 par lequel les préfets du Gard et de Vaucluse ont approuvé le plan de prévention des risques technologiques autour de l'établissement Eurenco à Sorgues, les premiers juges ont estimé qu'en se bornant à reprendre les étapes de la procédure et les objectifs du projet, le commissaire-enquêteur n'a pas suffisamment motivé ses conclusions dès lors qu'il n'est pas permis de connaître les raisons pour lesquelles il a formulé un avis favorable, alors même qu'aucune observation n'aurait été recueillie et ont ajouté qu'en l'espèce, cette irrégularité a eu pour effet de priver le public d'une garantie et a également été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision contestée.
4. Ils n'ont toutefois pas précisé de quelle garantie a été privé le public alors que ni les dispositions précitées de l'article R. 123-19 du code de l'environnement, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne prévoient la mise à disposition du public de cet avis que le commissaire-enquêteur doit seulement transmettre, au terme de l'enquête publique, à l'autorité administrative compétente et au président du tribunal administratif. Dès lors, le ministre appelant est fondé à soutenir qu'il n'a pas été mis à même de comprendre le raisonnement suivi par le tribunal et que, par suite, le jugement attaqué est insuffisamment motivé. Ce jugement doit par conséquent être annulé.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Smurfit Kappa Papier Recycle France devant le tribunal administratif de Nîmes.
Sur la légalité externe de l'arrêté du 13 décembre 2013 :
En ce qui concerne la concertation sur le projet :
6. Aux termes de l'article L. 515-22 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " Le préfet définit les modalités de la concertation relative à l'élaboration du projet de plan de prévention des risques technologiques dans les conditions prévues à l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme. / Sont notamment associés à l'élaboration du plan de prévention des risques technologiques les exploitants des installations à l'origine du risque, les communes sur le territoire desquelles le plan doit s'appliquer, les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d'urbanisme et dont le périmètre d'intervention est couvert en tout ou partie par le plan ainsi que la commission de suivi de site créée en application de l'article L. 125-2-1. / Le préfet recueille leur avis sur le projet de plan, qui est ensuite soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier. / Le plan de prévention des risques technologiques est approuvé par arrêté préfectoral. / Il est révisé selon les mêmes dispositions ". Aux termes de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Font l'objet d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées : / 1° L'élaboration ou la révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme ; / 2° La création d'une zone d'aménagement concerté ; / 3° Les opérations d'aménagement ayant pour effet de modifier de façon substantielle le cadre de vie ou l'activité économique, dont la liste est arrêtée par décret en Conseil d'Etat. / II. - Les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation sont fixés par : / 1° Le préfet lorsque la révision du document d'urbanisme ou l'opération sont à l'initiative de l'Etat (...). Ces modalités doivent, pendant une durée suffisante au regard de l'importance du projet, permettre au public d'accéder aux informations relatives au projet et aux avis requis par les dispositions législatives ou réglementaires applicables et de formuler des observations et propositions qui sont enregistrées et conservées par l'autorité compétente. (...) / III. - A l'issue de la concertation, l'autorité mentionnée au II en arrête le bilan. / Lorsque le projet fait l'objet d'une enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, le bilan de la concertation est joint au dossier de l'enquête. / IV. - Les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux I et II ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la décision ou la délibération prévue au II ont été respectées. (...) ".
7. L'article L. 515-22 du code de l'environnement renvoie la détermination des modalités de la concertation relative à l'élaboration des projets de plan de prévention des risques technologiques, à l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme dans son ensemble, y compris le IV de cet article, devenu l'article L. 600-11 du même code. Il suit de là que l'auteur d'un recours tendant à l'annulation de la décision préfectorale approuvant un plan de prévention des risques technologiques peut utilement invoquer l'irrégularité de procédure résultant de la méconnaissance des modalités de concertation définies le préfet, mais ne peut utilement exciper de l'illégalité de la décision par laquelle le préfet a fixé ces modalités.
8. Le moyen soulevé par la société Smurfit Kappa Papier Recycle France tiré de ce que l'arrêté du 6 juillet 2009 prescrivant l'élaboration du plan de prévention des risques technologiques en cause ne prévoit pas que les habitants et les personnes intéressées seront informés de l'existence de la phase de concertation, qui concerne la légalité de l'arrêté ayant fixé les modalités de la concertation est ainsi inopérant.
9. Si l'arrêté précité du 6 juillet 2009 prévoyait que les documents relatifs à l'élaboration du plan de prévention des risques technologiques en cause serait tenus à la disposition du public en mairie de Sorgues et accessibles sur les sites internet de la préfecture et de la DDEA de Vaucluse, il ne mentionnait aucune date pour cette mise à disposition. Le communiqué de presse annonçant la réunion de concertation du 18 décembre 2012, qui, en tout état de cause, n'a pas la nature d'un acte réglementaire pouvant être invoqué par voie d'exception, indiquait seulement que ces documents seraient mis à disposition du public dans les mairies " à l'issue de la réunion ", sans précision de date. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier et n'est pas contesté que les documents en question ont été transmis aux cinq communes concernées par le plan et que les services de l'Etat ont maintenu ces documents à disposition du public jusqu'au 29 mars 2013. Il ressort également des pièces du dossier que le bilan de la concertation, qui constitue l'annexe 3 de la note de présentation et qui était incluse dans le corps de cette note, a été publié sur le site internet de la DREAL Provence-Alpes-Côte d'Azur et sur celui de la préfecture de Vaucluse, en conformité avec les dispositions de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme et de ce que prévoyait l'arrêté du 6 juillet 2009. Dans ces conditions, la société Smurfit Kappa Papier Recycle France n'est pas fondée à soutenir qu'en ne mettant à disposition du public les documents composant le projet de plan et le registre de recueil des observations qu'un mois après la réunion publique, le préfet n'aurait pas respecté les modalités de la concertation et que le plan en litige aurait ainsi été pris au terme d'une procédure irrégulière.
10. Si cet arrêté ne précise pas la date à laquelle la ou les réunions de concertations envisagées seront organisées ni les modalités selon lesquelles le public en sera informé, ces circonstances ne sont pas de nature à faire regarder la concertation sur le projet comme ayant été insuffisante.
11. La société Smurfit Kappa Papier Recycle France soutient que la procédure est irrégulière dès lors que la réunion du 24 janvier 2013 au cours de laquelle a été présentée l'étude de vulnérabilité n'a pas associé les riverains concernés ni les communes de Sorgues et du Pontet, ni les autres personnes concernées. Toutefois, elle ne précise pas quelle obligation le préfet aurait méconnu et ne met ainsi pas la Cour à même d'apprécier le bien-fondé de son moyen.
En ce qui concerne l'enquête publique :
12. Aux termes de l'article R. 123-9 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête précise par arrêté, quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête (...) : / 1° L'objet de l'enquête, notamment les caractéristiques principales du projet, plan ou programme, la date à laquelle celle-ci sera ouverte et sa durée ; / 2° La ou les décisions pouvant être adoptée (s) au terme de l'enquête et les autorités compétentes pour prendre la décision d'autorisation ou d'approbation ; (...) / 4° Les lieux, ainsi que les jours et heures où le public pourra consulter le dossier d'enquête et présenter ses observations sur le registre ouvert à cet effet ; (...) / 5° Les lieux, jours et heures où le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête, représentée par un ou plusieurs de ses membres, se tiendra à la disposition du public pour recevoir ses observations ; (...) ". Aux termes de l'article R. 123-10 du même code : " Les jours et heures, ouvrables ou non, où le public pourra consulter un exemplaire du dossier et présenter ses observations sont fixés de manière à permettre la participation de la plus grande partie de la population, compte tenu notamment de ses horaires normaux de travail. Ils comprennent au minimum les jours et heures habituels d'ouverture au public de chacun des lieux où est déposé le dossier ; ils peuvent en outre comprendre des heures en soirée ainsi que plusieurs demi-journées prises parmi les samedis, dimanches et jours fériés. ".
13. D'une part, l'arrêté du 6 mai 2013 portant ouverture de l'enquête publique mentionne en son article premier que l'objet de cette enquête est le projet de plan de prévention des risques technologiques de l'établissement Eurenco à Sorgues, fait mention des textes applicables et fait état, dans ses motifs, de " la liste des phénomènes dangereux issus des études de danger du site Eurenco de Sorgues et la nécessité de limiter l'exposition des populations aux effets de ces phénomènes dangereux ". Ces indications étaient suffisamment précises pour permettre aux personnes intéressées de comprendre les enjeux de cette enquête.
14. D'autre part, les dispositions précitées de l'article R. 123-10 du code de l'environnement n'imposent pas que les jours et horaires de consultation comprennent des heures en soirée ou des demi-journées prises parmi les samedis, dimanches et jours fériés, mais ouvrent seulement à l'autorité chargée de l'organisation de l'enquête la faculté de le prévoir. Au surplus, il ressort des énonciations de l'article 3 de l'arrêté du 6 mai 2013 que le dossier soumis à l'enquête publique était accessible sur le site internet de la DREAL et sur celui de la préfecture de Vaucluse, également que le public pouvait se faire adresser ce dossier par courrier et que les personnes intéressées pouvaient transmettre leurs observations par courrier au commissaire-enquêteur. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la société Smurfit Kappa Papier Recycle France ou toute autre personne intéressée par le projet auraient été empêchées de présenter leurs observations. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du caractère insuffisant des horaires auxquels le dossier d'enquête publique pouvait être consulté par le public.
15. Si la société Smurfit Kappa Papier Recycle France relève que l'enquête publique a porté sur un projet inabouti dès lors que des études complémentaires portant sur la réduction du risque à la source étaient alors toujours en cours, rien ne faisait toutefois légalement obstacle à ce que l'administration se fonde sur les éléments disponibles pour engager la procédure d'enquête publique.
16. Aux termes de l'article R. 515-44 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Le projet de plan, éventuellement modifié pour tenir compte des résultats de la concertation et des avis émis par les personnes et organismes associés, est soumis à une enquête publique organisée dans les formes prévues par la section 2 du chapitre III du titre II du livre Ier. / Le dossier de l'enquête comprend les documents et informations mentionnés à l'article R. 515-41, les documents établis à l'issue de la concertation et les avis émis en application du II de l'article R. 515-43. (...) ".
17. Dans son rapport, le commissaire-enquêteur fait mention, parmi les documents composant le dossier soumis à l'enquête publique, de la " note de présentation ". Cette note, produite dans l'instance, indique qu'elle comporte le bilan de la concertation et les avis des personnes et organismes associés. Les dispositions précitées de l'article R. 515-44 du code de l'environnement n'imposent pas que ces avis soient joints dans leur intégralité et la société Smurfit Kappa Papier Recycle France n'allègue pas que la synthèse qui en a été faite serait erronée. Par suite, le moyen tiré de ce que ces éléments n'auraient pas été joints au dossier soumis à l'enquête publique manque en fait et doit être écarté.
18. L'ajout par l'administration, postérieurement à la restitution des avis des personnes et organismes associés, de la phrase " aucun phénomène dangereux ne conduit à des effets combinés " dans la synthèse de l'étude de dangers dans la note de présentation du projet jointe au dossier soumis à l'enquête publique, n'est pas de nature à faire regarder le projet soumis à cette enquête comme ayant été substantiellement modifié par rapport à celui sur lequel ces personnes et organismes ont émis un avis.
19. Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions et contre-propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. / (...) ".
20. Il ressort des énonciations du document établi par le commissaire-enquêteur au terme de l'enquête publique que celui-ci a rendu un avis favorable au projet de plan de prévention des risques technologiques en estimant que l'élaboration du plan est conforme aux textes, que les servitudes prévues sont adaptées, d'application modulée et préservant l'existant, que l'enquête publique s'est déroulée conformément aux textes, que le règlement, le cahier de recommandations et la carte de zonage produits répondent aux objectifs de maîtrise des risques à la source et de maîtrise de l'urbanisation autour de l'établissement d'Eurenco afin de limiter les effets d'accident pouvant entrainer des effets sur la salubrité, la santé et la sécurité publiques directement ou par pollution du milieu.
21. Les dispositions précitées de l'article R. 123-19 du code de l'environnement ne faisaient pas obligation au commissaire-enquêteur d'émettre un avis spécifique sur la délimitation des zones d'exposition au risque matérialisées par le plan de prévention des risques technologiques en litige, alors au surplus qu'aucune observation n'a été recueillie durant l'enquête publique. Le commissaire-enquêteur n'avait pas davantage à préciser les particularités du plan en cause notamment à l'égard des propriétés riveraines en l'absence de toute critique formulée sur cette question durant l'enquête. Par ailleurs, aucune observation n'a été recueillie durant l'enquête publique, qui concernait un nombre très faible de personnes, à savoir la société Smurfit Kappa Papier Recycle France, laquelle a été associée à l'élaboration de ce plan une autre entreprise ainsi qu'un particulier pour qui une mesure de délaissement a été prévue. Ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que le commissaire-enquêteur n'aurait pas émis un avis personnel et suffisamment motivé sur le projet de plan de prévention des risques technologiques.
Sur la légalité interne de l'arrêté du 13 décembre 2013 :
22. D'une part, aux termes du II de l'article 6 de l'ordonnance susvisée du 22 octobre 2015 : " Les zones où les plans de prévention des risques technologiques approuvés avant la publication de la présente ordonnance ont défini des prescriptions en application du IV de l'article L. 515-16 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance, sont désormais considérées comme étant des zones de prescription définies à l'article L. 515-16 du code de l'environnement dans sa rédaction issue de la présente ordonnance. / Les dispositions des articles L. 515-16-2 et L. 515-19 de ce code, dans leur rédaction issue de l'ordonnance, s'y appliquent. Toutefois, la formalité mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 515-16-2 est réputée déjà satisfaite. / Les prescriptions de travaux de protection prévues par ces plans ne s'appliquent qu'aux logements. L'échéance de réalisation prescrite par ces plans pour lesdits travaux est remplacée par celle mentionnée au deuxième alinéa de l'article L. 515-16-2. Les plafonds mentionnés aux quatrième et cinquième alinéas du IV de l'article L. 515-16 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance, et les dispositions prévues par ces plans faisant référence à ces plafonds ne s'appliquent plus ".
23. D'autre part, aux termes du I de l'article L. 515-16-2 du code de l'environnement dans sa rédaction résultant de l'ordonnance précitée du 22 octobre 2015 : " Dans les zones de prescription mentionnées à l'article L. 515-16, les plans de prévention des risques technologiques peuvent prescrire des mesures de protection des populations contre les risques encourus, relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des installations et des voies de communication existant à la date d'approbation du plan, qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants et utilisateurs dans les délais que le plan détermine. Ces mesures peuvent notamment être relatives aux mouvements et au stationnement des véhicules de transport de matières dangereuses et, pour les seuls logements, porter sur la réalisation de travaux de protection (...) Pour les biens autres que les logements, l'autorité administrative compétente informe leurs propriétaires ou gestionnaires, ainsi que les responsables des activités qui y sont implantées, du type de risques auxquels leur bien ou activité est soumis, ainsi que de la gravité, de la probabilité et de la cinétique de ces risques, afin que ceux-ci, chacun en ce qui le concerne, mettent en œuvre leurs obligations en matière de sécurité des personnes, dans le cadre des réglementations qui leur sont applicables. Ces mesures peuvent consister en des mesures de protection, de réduction de la vulnérabilité ou d'organisation de l'activité ".
24. Il résulte des dispositions précitées de l'article 6 de l'ordonnance du 22 octobre 2015 que les prescriptions de travaux de protection prévues par les plans de prévention des risques technologiques approuvés avant le 23 octobre 2015, date de publication de cette ordonnance, ne s'appliquent qu'aux logements. En vertu du même article, ni les plafonds antérieurement fixés pour les travaux de protection prescrits en application du IV de l'article L. 515-16 du code de l'environnement dans sa rédaction antérieure ni les dispositions prévues par ces plans et faisant référence à ces travaux ne trouvent désormais à s'appliquer.
25. D'abord, il ne ressort pas des pièces du dossier que la société Smurfit Kappa Papier Recycle France aurait mis en œuvre les prescriptions de travaux contenues dans le plan de prévention qu'elle conteste. Ces prescriptions, qui n'ont pas été appliquées, ne sont plus applicables qu'aux seuls logements et il ne ressort pas des pièces du dossier que les bâtiments de la société requérante seraient destinés à tel un usage. Ainsi, les prescriptions de travaux de protection prévues dans le plan en litige ne trouvent plus à s'appliquer à l'égard de cette société.
26. Ensuite, si à l'appui de sa contestation du plan en cause, la société Smurfit Kappa Papier Recycle France estime que l'administration aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en n'inscrivant pas ses locaux en secteur de délaissement alors que le coût des travaux de protection serait très supérieur à la proportion de 10% de la valeur vénale de ses biens, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que la société requérante, qui se voyait imposer, du fait notamment du zonage retenu par le plan attaqué et des limites arrêtées pour la zone R2, la réalisation d'un certain nombre de travaux de protection, n'y est plus astreinte par ce plan, rétroactivement devenu, à son endroit, informatif et non prescriptif. Le motif d'illégalité ainsi allégué ayant, en tout état de cause, disparu, il y a lieu d'écarter ce moyen.
27. La société Smurfit Kappa Papier Recycle France ne saurait utilement invoquer la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi en matière de droit de délaissement dès lors que, en raison des effets de l'ordonnance précitée du 22 octobre 2015, elle n'est plus soumise à l'obligation de procéder à des travaux de protection de ses locaux contrairement aux propriétaires de la maison d'habitation se situant dans le périmètre du plan, également au sein de la zone R2, du fait de la vulnérabilité du bâti.
28. Le moyen soulevé par la société requérante tiré de ce que le plan en litige porte une atteinte disproportionnée à son droit de propriété doit également être écarté comme étant inopérant eu égard à son caractère désormais seulement informatif.
Sur les conclusions subsidiaires présentées par la société Smurfit Kappa Papier Recycle France :
29. La société Smurfit Kappa Papier Recycle France demande, à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2013 des préfets du Gard et de Vaucluse en tant qu'il n'inscrit pas ses locaux exposés à un aléa toxique F+ et surpression faible en secteur de délaissement. Eu égard aux effets de l'ordonnance précitée du 22 octobre 2015 mentionnés au point 24, il y a lieu de rejeter ces conclusions qui sont devenues sans objet.
30. Dans son mémoire du 22 janvier 2021, la société Smurfit Kappa Papier Recycle France demande à la cour d'abroger l'arrêté attaqué dès lors que des circonstances ultérieures audit arrêté le rendent obsolète. Toutefois, la seule production par la société d'un permis de construire accordé à la société Eurenco et du compte rendu du comité de suivi du site en cause du mois de février 2020, dont les conclusions ne sont pas probantes à cet égard, ne permettent pas d'établir que les risques pesant sur la société requérante auraient disparus à la date de l'arrêt de la cour, ni que le PPRT seraient devenus sans objet. En conséquence, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
31. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de la société Smurfit Kappa Papier Recycle France, n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions aux fins d'injonction qu'elle présente doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
32. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
33. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Smurfit Kappa Papier Recycle France demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Smurfit Kappa Papier Recycle France une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Eurenco France et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 28 juin 2016 est annulé.
Article 2 : Les conclusions que la société Smurfit Kappa Papier Recycle France a présentées devant le tribunal administratif de Nîmes et la cour administrative d'appel de Marseille sont rejetées.
Article 3 : La société Smurfit Kappa Papier Recycle France versera à la société Eurenco France une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la transition écologique et solidaire, à la société Smurfit Kappa Papier Recycle France et à la société Eurenco France.
Copie en sera adressée aux préfets du Gard et de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 28 février 2022, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président-assesseur,
- M. Merenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2022.
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N° 20MA04698