Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 14 janvier 2019 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 1900995 du 17 septembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 14 janvier 2019 du préfet du Gard.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 octobre et le 28 décembre 2020, le préfet du Gard demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 septembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... en première instance.
Il soutient que :
- l'intéressé peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
- les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2020, M. A... B..., représenté par Me Viens, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par le préfet du Gard ;
2°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer le titre demandé, ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Viens sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le moyen soulevé par le préfet du Gard n'est pas fondé ;
- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence ;
- il est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation ;
- il aurait dû examiner l'offre de soins en Ukraine.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 janvier 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Mérenne a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet du Gard fait appel du jugement du 17 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 14 janvier 2019 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B....
2. Le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à " l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. "
3. M. B..., ressortissant arménien, est porteur du virus de l'immunodéficience humaine (VIH). Il bénéficie d'un traitement par trithérapie associant les molécules elvitégravir, cobicistat, emtricitabine et ténofovir disoproxil, sous la dénomination " Strigild ". Le préfet du Gard a produit des " fiches pays " établies par le bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO), le programme commun des Nations-Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) et une agence néerlandaise, ainsi que la liste des médicaments autorisés en Arménie. Bien que rédigés en langue anglaise, ces documents contiennent des informations pertinentes. Il en ressort notamment que 83% des personnes diagnostiquées positives au VIH en Arménie bénéficient d'un traitement par des médicaments anti-rétroviraux. De nombreuses molécules sont disponibles. 88% des personnes traitées ont une charge virale nulle. En outre, les traitements sont gratuits pour les personnes infectées. S'il est constant que l'interruption du traitement suivi par M. B... est susceptible d'entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, en revanche, le seul fait que ce traitement soit " plus approprié " que d'autres traitements existants, selon les termes du certificat médical produit, ne permet pas de caractériser de telles conséquences en cas de changement de traitement. Il suit de là que M. B... est susceptible de bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Arménie. C'est par suite à tort que le tribunal a considéré que le préfet du Gard avait fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, citées au point 2.
4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B....
5. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., le secrétaire général de la préfecture du Gard bénéficiait d'une délégation du préfet lui permettant de signer l'arrêté contesté.
6. En second lieu, l'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. B.... Le refus de séjour est par suite suffisamment motivé, conformément aux articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
7. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 14 janvier 2019 que le préfet du Gard a procédé à l'examen particulier de la situation de M. B....
8. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit, le préfet du Gard a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B... sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans édicter de mesure d'éloignement à l'encontre de laquelle M. B... pourrait invoquer les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du même code. Le préfet n'a pas commis d'erreur de droit en examinant s'il pouvait bénéficier d'un traitement approprié en Arménie, son pays d'origine, plutôt qu'en Ukraine, pays où il est également légalement admissible.
9. En cinquième lieu, M. B... déclare être entré le 23 juillet 2016 sur le territoire français, soit deux ans et demi avant l'arrêté contesté. Son épouse est également en situation irrégulière. La situation au regard du séjour des autres membres de sa famille dont il fait état n'est pas précisée. Il ne déclare pas d'activité professionnelle. Il a suivi des cours de français en 2017/2018. Ces éléments ne suffisent pas pour établir que M. B... aurait établi le centre de sa vie privée et familiale en France, dans des conditions de nature à lui ouvrir droit à la délivrance d'un titre de séjour. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste sur la situation personnelle de M. B... doivent être écartés.
10. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Gard est fondé à demander l'annulation du jugement du 17 septembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes. La demande présentée par M. B... en première instance et le surplus de ses conclusions d'appel doivent en conséquence être rejetés.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 17 septembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... B... et à Me Viens.
Copie en sera adressée pour information à la préfète du Gard.
Délibéré après l'audience du 28 février 2022, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Mérenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2022.
2
No 20MA03767