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17/03/2022 | FRANCE | N°20MA00392

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 17 mars 2022, 20MA00392


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Faucon a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer, à titre principal, la restitution partielle du prélèvement prévu à l'article 244 bis A du code général des impôts qu'elle a acquitté à l'occasion de la cession le 30 septembre 2011 d'un immeuble lui appartenant, à hauteur de la somme de 601 612 euros, et, à titre subsidiaire, la restitution totale du prélèvement demeurant en litige, soit 4 043 325 euros.

Par un jugement n° 1302475 du 26 j

uin 2015, le tribunal administratif de Nice a prononcé la restitution totale du prélève...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Faucon a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer, à titre principal, la restitution partielle du prélèvement prévu à l'article 244 bis A du code général des impôts qu'elle a acquitté à l'occasion de la cession le 30 septembre 2011 d'un immeuble lui appartenant, à hauteur de la somme de 601 612 euros, et, à titre subsidiaire, la restitution totale du prélèvement demeurant en litige, soit 4 043 325 euros.

Par un jugement n° 1302475 du 26 juin 2015, le tribunal administratif de Nice a prononcé la restitution totale du prélèvement.

Par un recours, enregistré le 23 octobre 2015, le ministre des finances et des comptes publics a demandé à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 26 juin 2015 ;

2°) de remettre à la charge de la SCI Faucon le prélèvement dans la limite de 2 304 487 euros ;

3°) de réformer en ce sens le jugement entrepris.

Il soutenait que :

- les premiers juges, qui n'ont pas justifié l'interprétation du renvoi par l'article 244 bis A du code général des impôts aux dispositions du I de l'article 131 sexies du même code, qui prévoit une exonération automatique, plutôt qu'au II de cet article, qui prévoit une exonération sur agrément ministériel, ont insuffisamment motivé leur jugement ;

- la plus-value réalisée par la SCI Faucon à l'occasion de la cession d'un ensemble immobilier situé 455 Promenade des Anglais à Nice ne pouvait bénéficier de l'exonération du prélèvement prévue par l'article 244 bis A du code général des impôts, qui ne vise pas les sociétés civiles ayant leur siège en France, malgré leur détention majoritaire par un Etat étranger ;

- à titre subsidiaire, l'exonération n'aurait pu être accordée que sur agrément ministériel, conformément aux dispositions de l'article 131 sexies du code général des impôts, dès lors qu'il s'agit d'un investissement direct de l'Etat du Koweït en France ;

- dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, le taux du prélèvement doit être ramené de 33,1/3 % à 19 % et il doit être fait droit à la demande de la société s'agissant de l'admission de la facture émise par Plowman Craven en déduction du prix de cession pour son montant en livres sterling et non en euros, de sorte que le rétablissement n'est sollicité qu'à hauteur de 2 304 487 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2016, la SCI Faucon, représentée par Me de Bourmont, a conclu au rejet du recours, et à la mise à la charge de l'Etat du versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutenait que :

- le recours était tardif, dès lors que les dispositions de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales, qui sont contraires au principe d'unité de l'Etat et créent une rupture d'égalité non justifiée, sont illégales et entachées d'une incompétence négative contraire à l'article 34 de la Constitution ;

- les moyens soulevés par le ministre n'étaient pas fondés ;

- l'imposition de la plus-value était prescrite dès lors que l'immeuble avait été réévalué plusieurs fois, de sorte qu'au jour de la cession, aucune plus-value n'aurait pu en fait être dégagée ;

- l'application du prélèvement était contraire au principe de libre circulation des capitaux et la limitation du taux à 19 % n'était pas suffisante pour faire cesser l'atteinte à ce principe ;

- la plus-value soumise au prélèvement devait être calculée en tenant compte du prix de revient de l'immeuble, sans faire application de l'amortissement de 2 % par année de détention prévu par le III de l'article 244 bis A du code général des impôts.

Par un arrêt n° 15MA04148 du 27 juin 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté le recours du ministre.

Par une décision n° 423160 du 22 janvier 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, sur pourvoi en cassation formé par le ministre de l'action et des comptes publics a annulé l'arrêt du 27 juin 2018 et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.

Procédure devant la Cour après renvoi :

Les parties ont été informées, le 31 janvier 2020, de la reprise de l'instance après cassation et de la possibilité qui leur était offerte de produire, dans le délai d'un mois, de nouveaux mémoires ou observations.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2021, la SCI Faucon, représentée par la société d'avocats Sullivan et Cromwell LLP, conclut à nouveau au rejet du recours, ou à ce que le prélèvement soit limité, à titre subsidiaire, à la somme de 800 389 euros ou, à titre infiniment subsidiaire, à celle de 1 544 456 euros, et porte sa demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à la somme de 10 000 euros.

Elle confirme les moyens précédemment énoncés devant la Cour.

Un nouveau mémoire, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, enregistré le 30 mars 2021, qui se borne à se référer à ses précédentes écritures devant la Cour, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- l'arrêt C-322/11 de la Cour de justice de l'Union européenne du 7 novembre 2013 ;

- l'arrêt C-156/17 de la Cour de justice de l'Union européenne du 30 janvier 2020 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Bernabeu, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bernabeu,

- les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique,

- et les observations de Me Banluet, représentant la SCI Faucon.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Faucon, société régie par l'article 8 du code général des impôts, dont l'Etat du Koweït détient 99,99 % des parts, a cédé, le 30 septembre 2011, un ensemble immobilier dénommé " l'Aéropole " situé Promenade des Anglais à Nice. A la suite de cette cession, son représentant fiscal a déclaré la plus-value réalisée à cette occasion, qui a été soumise au prélèvement prévu à l'article 244 bis A du code général des impôts au taux de 33,1/3 %, pour un montant de 4 592 182 euros. Par des décisions du 12 et du 26 avril 2013, l'administration fiscale a partiellement fait droit à la réclamation présentée par la SCI Faucon, et prononcé des dégrèvements pour des montants respectifs de 514 967 euros et 33 891 euros. Par un arrêt du 27 juin 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel du ministre de l'action et des comptes publics présenté contre le jugement du 26 juin 2015 du tribunal administratif de Nice prononçant la restitution du montant du prélèvement restant en litige. Par une décision du 22 janvier 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, sur pourvoi en cassation du ministre de l'action et des comptes publics, a annulé, pour erreur de droit, cet arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Sur la recevabilité de l'appel du ministre :

2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. (...) ".

3. Aux termes de l'article R*. 200-18 du livre des procédures fiscales : " A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. / Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre ". Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de signification du jugement du tribunal administratif par le contribuable au ministre, le délai imparti à ce dernier pour interjeter appel est de quatre mois à compter de la notification de ce jugement au directeur du service de l'administration des impôts, sans qu'il y ait lieu de rechercher à quelle date le jugement lui a été transmis.

4. Les dispositions de l'article R*. 200-18 du livre des procédures fiscales tiennent compte des nécessités particulières du fonctionnement de l'administration fiscale qui la placent dans une situation différente de celle des autres justiciables, en ménageant au ministre chargé du budget un délai d'appel qui peut excéder celui dont le contribuable dispose, en application de l'article R. 811-2 du code de justice administrative, pour saisir la cour administrative d'appel territorialement compétente d'une requête tendant à l'annulation d'un jugement de tribunal administratif, même lorsque le tribunal en cause a statué sur des pénalités fiscales. Le contribuable conserve néanmoins la faculté, y compris lorsque le ministre a saisi la cour après l'expiration du délai de deux mois prévu par l'article R. 811-2 du code de justice administrative, outre de présenter des observations en défense, de former un appel incident en vue de contester les pénalités qui étaient en litige devant le tribunal, quand bien même le ministre ne contesterait que les impositions dont ce tribunal aurait déchargé le contribuable. Par ailleurs, le contribuable est en mesure d'écourter le délai ouvert à l'administration, en application de l'article R*. 200-18 du livre des procédures fiscales, en signifiant directement au ministre, seul compétent pour faire appel, le jugement dont il a lui-même reçu notification.

5. Il résulte de ce qui précède que le délai de recours supplémentaire de deux mois accordé au ministre par l'article R*. 200-18 du livre des procédures fiscales est justifié par les nécessités du fonctionnement de l'administration et, par suite, ne porte atteinte ni au principe constitutionnel d'égalité des armes entre parties à une instance juridictionnelle, ni au principe d'unité de l'Etat.

6. Par ailleurs, si l'article 34 de la Constitution réserve au législateur le soin de fixer, notamment, les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures et les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'Etat, les règles de procédure applicables devant les juridictions administratives relèvent de la compétence du pouvoir réglementaire, dès lors qu'elles ne mettent en cause aucune des matières réservées au législateur par ces dispositions constitutionnelles ou d'autres règles ou principes de valeur constitutionnelle. Il suit de là que le pouvoir réglementaire était compétent pour fixer, par les dispositions de l'article R*. 200-18 du livre des procédures fiscales, qui ne mettent en cause aucune des garanties fondamentales accordées aux citoyens dans l'exercice des libertés publiques, le délai d'appel du ministre, comme celui du contribuable, formé contre un jugement de tribunal administratif rendu dans un litige portant sur la contestation de l'assiette d'une imposition.

7. Par suite, la fin de non-recevoir, opposée par la SCI Faucon et tirée de la tardiveté de l'appel du ministre, ne peut qu'être écartée.

Sur la régularité du jugement :

8. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

9. Le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes a fait valoir, dans ses écritures en défense devant le tribunal administratif, une argumentation tirée, d'une part, de que ce qu'il n'était pas établi que l'opération d'investissement en cause relevait des dispositions du I de l'article 131 sexies du code général des impôts, et, d'autre part, de ce que la SCI Faucon ne bénéficiait pas de l'agrément exigé par le II de l'article 131 sexies, applicable pour l'exonération des produits de placement constituant un investissement direct. Au point 3 du jugement, les premiers juges, après avoir cité au point 2 les dispositions de l'article 244 bis A du code précité qui exonèrent du prélèvement qu'elles prévoient les Etats étrangers dans les conditions prévues à l'article 131 sexies du même code, ainsi que le I de ce dernier article, qui fixe une exonération de plein droit des produits de placement bénéficiant à des Etats étrangers sous réserve que ces placements ne constituent pas un investissement direct au sens de la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966 modifiée relative aux relations financières avec l'étranger et des textes réglementaires pris pour son application, se sont bornés à juger que la SCI Faucon, détenue essentiellement par l'Etat du Koweït, était fondée à soutenir qu'elle devait être exonérée de l'impôt sur la plus-value conformément à l'article 244 bis A précité. Ce faisant, ils n'ont pas indiqué les motifs pour lesquels la plus-value en litige entrait dans le champ d'application des dispositions combinées de l'article 244 bis A et du I de l'article 131 sexies du code général des impôts, et non dans celles du II de cet article. En statuant ainsi, le tribunal, ainsi que le soutient le ministre, a insuffisamment motivé son jugement, lequel est, pour ce motif, irrégulier et doit être annulé.

10. Il y a lieu de statuer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par la SCI Faucon devant le tribunal administratif de Nice.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes :

11. Il ressort des termes mêmes de la réclamation de la SCI Faucon, adressée au service des impôts des entreprises de Montreuil Ouest le 14 mars 2012, que la société a demandé le remboursement intégral de la somme de 4 592 182 euros qu'elle a acquittée au titre du prélèvement prévu à l'article 244 bis A du code général des impôts. Ainsi, et alors même que cette demande était présentée comme subsidiaire par rapport à une demande de remboursement partiel de la somme de 1 158 966 euros, les conclusions de sa demande tendant à la restitution du prélèvement demeurant en litige à l'issue de l'admission partielle de sa réclamation, soit la somme de 4 043 325 euros, n'excédaient pas les limites de la réclamation. Dès lors, le directeur départemental des finances publiques n'était pas fondé à soutenir devant le tribunal administratif que la requérante n'aurait pas été recevable à demander le remboursement de la totalité du prélèvement demeurant en litige.

Sur l'atteinte à la liberté de circulation des capitaux :

12. Aux termes de l'article 244 bis A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - 1. Sous réserve des conventions internationales, les plus-values, telles que définies aux e bis et e ter du I de l'article 164 B, réalisées par les personnes et organismes mentionnés au 2 du I lors de la cession des biens ou droits mentionnés au 3 sont soumises à un prélèvement selon le taux fixé au deuxième alinéa du I de l'article 219. / (...) Les organisations internationales, les Etats étrangers, les banques centrales et les institutions financières publiques de ces Etats sont exonérés de ce prélèvement dans les conditions prévues à l'article 131 sexies. / (...) 2. Sont soumis au prélèvement mentionné au 1 : (...) / c) Les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter dont le siège social est situé en France, au prorata des droits sociaux détenus par des associés qui ne sont pas domiciliés en France ou dont le siège social est situé hors de France (...) / 3. Le prélèvement mentionné au 1 s'applique aux plus-values résultant de la cession : a) De biens immobiliers ou de droits portant sur ces biens ; (...) ". Il résulte de la lettre même de ces dispositions que l'exonération du prélèvement prévu à l'article 244 bis A du code général des impôts bénéficie aux Etats étrangers mais qu'elle ne s'étend pas aux sociétés de personnes dont ils sont les associés.

13. En outre, en vertu de l'article 63, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatif à la liberté de circulation des capitaux, sont prohibées les restrictions aux mouvements de capitaux entre Etats membres ainsi qu'entre Etats membres et pays tiers. Est au nombre de ces mouvements de capitaux la cession d'un investissement immobilier, comme en a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-322/11 du 7 novembre 2013, K. Il résulte également de la jurisprudence de la Cour de justice, en particulier de son arrêt C-156/17 du 30 janvier 2020, Köln-Aktienfonds Deka, que les mesures interdites par l'article 63, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en tant que restrictions aux mouvements de capitaux, comprennent celles qui sont de nature à dissuader les non-résidents de procéder à des investissements dans un Etat membre, qu'elles introduisent une différence de traitement entre résidents et non-résidents (restriction directe), ou que, bien qu'indistinctement applicables aux résidents et aux non-résidents, elles défavorisent, de fait, les situations transfrontalières (restriction indirecte). De telles restrictions peuvent néanmoins être justifiées, et partant compatibles avec la liberté de circulation des capitaux, lorsqu'elles s'appliquent à des situations qui ne sont pas objectivement comparables, ainsi qu'il résulte de l'article 65, paragraphe 1, du même traité, tel qu'interprété par une jurisprudence constante de la Cour de justice, notamment les deux arrêts mentionnés ci-dessus.

14. Enfin, lorsqu'un contribuable non-résident conteste, au regard de la libre circulation des capitaux, l'imposition à laquelle il a été assujetti sur ses revenus de source française, il convient de comparer la charge fiscale supportée respectivement par ce contribuable et un contribuable résident de France placé dans une situation comparable. Lorsqu'il apparaît que le contribuable non-résident a été effectivement traité de manière défavorable, il appartient à l'administration fiscale et, le cas échéant, au juge de l'impôt, de dégrever l'imposition en litige dans la mesure nécessaire au rétablissement d'une équivalence de traitement. Le constat d'une incompatibilité de la loi française avec le droit de l'Union doit par ailleurs entraîner la décharge totale lorsque c'est le principe même de l'imposition qui est remis en cause - par exemple lorsqu'un contribuable étranger est soumis à une retenue à la source ou un prélèvement alors qu'un contribuable français placé dans une situation similaire, au regard de l'objet de la loi fiscale, en est totalement exonéré.

15. Si, en vertu des dispositions précitées de l'article 244 bis A du code général des impôts, une société relevant de l'article 8 du même code dont le siège social est situé en France et dont un Etat étranger est associé à 99,99 % du capital se voit appliquer le prélèvement qu'elles prévoient au prorata des droits sociaux détenus par l'Etat étranger, il résulte des dispositions combinées de l'article 150 U et du II de l'article 150 VF de ce code que la plus-value de cession d'un bien immobilier réalisée par une telle société dont l'Etat français serait associé dans les mêmes proportions ne serait pas imposable à l'impôt sur le revenu à hauteur du prorata de détention de son capital par l'Etat, dès lors que ce dernier, qui n'est pas une personne physique, n'entre pas de ce fait dans le champ d'application de cet impôt tel que défini par les dispositions de l'article 1 A du même code. Par suite, et dans cette hypothèse, l'application du prélèvement prévu par l'article 244 bis A du code général des impôts à une société relevant de l'article 8 du même code dont le siège social est situé en France au prorata des droits sociaux détenus par un Etat étranger, même ramené au taux de 19 % ainsi que le sollicite l'administration devant la Cour, constitue une restriction directe à la liberté de circulation des capitaux. En outre, le ministre, qui ne se prévaut pas de la " clause de sauvegarde " issue de l'article 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, n'établit ni même ne soutient que la différence de traitement résultant des dispositions de l'article 244 bis A concernerait des contribuables qui se trouvent dans des situations objectivement différentes, ou répondrait à une raison impérieuse d'intérêt général et n'excèderait pas ce qui est nécessaire pour que l'objectif poursuivi par ces dispositions soit atteint. Il n'invoque pas davantage la " clause de gel " figurant à l'article 64 du même traité. Dans ces conditions, dès lors que, dans une configuration comparable, la plus-value ne serait pas imposable à hauteur de la participation de l'Etat français au capital, alors que le prélèvement de l'article 244 bis A est dû par la SCI majoritairement détenue par un Etat étranger, à proportion de ses droits dans le capital, il convient d'écarter l'application des dispositions précitées à la SCI Faucon détenue essentiellement par l'Etat du Koweït au motif de leur incompatibilité avec la liberté de circulation des capitaux, telle qu'elle est protégée par l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

16. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés par la SCI Faucon, que cette dernière est fondée à demander la restitution du montant, demeurant en litige, du prélèvement auquel elle a été assujettie sur le fondement de l'article 244 bis du code général des impôts au titre de la cession du bien immobilier dénommé " l'Aéropole " situé Promenade des Anglais à Nice.

17. Par suite, il convient de rejeter en conséquence les conclusions du ministre tendant à ce que ce prélèvement soit remis à la charge de la SCI Faucon dans la limite de 2 304 487 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à la SCI Faucon d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1302475 du 26 juin 2015 du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 2 : Il est accordé à la SCI Faucon la restitution du prélèvement, demeurant en litige, auquel elle a été assujettie sur le fondement de l'article 244 bis du code général des impôts au titre de la cession du bien immobilier dénommé " l'Aéropole " à Nice.

Article 3 : Le surplus du recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à la SCI Faucon une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société civile immobilière Faucon.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 3 mars 2022, où siégeaient :

- Mme Bernabeu, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Carotenuto première conseillère,

- M. Sanson, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2022.

2

N° 20MA00392

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00392
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-08-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Plus-values des particuliers. - Plus-values immobilières.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : SELAS LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-17;20ma00392 ?
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