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15/03/2022 | FRANCE | N°21MA02019

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 15 mars 2022, 21MA02019


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 21 avril 2021 par lequel la préfète du Gard lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par l'article 2 du jugement n° 2101405 du 7 mai 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté. >
Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 mai 2021, la préfète du Gard...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 21 avril 2021 par lequel la préfète du Gard lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par l'article 2 du jugement n° 2101405 du 7 mai 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 27 mai 2021, la préfète du Gard demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 mai 2021 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de rejeter la demande de M. C... B....

Elle soutient que l'obligation de quitter le territoire français en litige ne méconnaît pas les articles L. 511-3-1 et L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'intéressé n'établit pas sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans.

La requête a été transmise à M. C... B... qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné par décision du 24 août 2021 M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Carassic a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par l'arrêté en litige du 21 avril 2021, la préfète du Gard a fait obligation à M. C... B..., de nationalité espagnole, né le 31 août 1999, de quitter le territoire français sans délai sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à destination de son pays d'origine et a prononcé à son encontre une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée de trois ans. Saisi par M. C... B..., le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes, par le jugement dont la préfète du Gard relève appel, a annulé l'arrêté du 21 avril 2021.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Pour annuler l'arrêté en litige de la préfète du Gard, le premier juge a estimé que cette décision méconnaissait l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que le requérant établissait sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans.

3. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans. ".

4. Pour établir être entré en France, aux côtés de sa mère, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans, soit avant le 31 août 2012, M. C... B... a produit en première instance une copie de la carte nationale d'identité de sa mère, qui n'établit pas cette date d'entrée en France. La seule production d'un certificat de scolarité pour l'année scolaire 2012-2013 n'établit pas la date précise de son arrivée en France y compris pendant l'année scolaire. Il en est de même s'agissant du premier contrat de bail de ses parents signé le 2 septembre 2013 pour la location d'un appartement à Beaucaire. Les attestations de proches, rédigées en des termes stéréotypés, témoignant avoir fait sa connaissance en 2012 sans précision ne sont pas probantes. En tout état de cause, l'intéressé ne produit aucun certificat de scolarité pour les années 2013-2014 et 2014-2015. Il a interrompu son certificat d'aptitude professionnelle de vente au cours de l'année scolaire 2015-2016. Le seul dépôt d'un dossier de candidature le 1er août 2016 pour une formation Action Cap Avenir n'établit pas qu'il a suivi effectivement cette formation. Il n'établit qu'une présence ponctuelle en France par des bulletins de salaire en tant qu'ouvrier agricole pour quatre mois en 2018, cinq mois en 2019 et quatre mois en 2020. Dans ces conditions, M. C... B... ne peut être regardé comme justifiant résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la préfète du Gard est fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler l'arrêté en litige.

5. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... B... devant le tribunal administratif de Nîmes.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par arrêté n° 30-2020-01-22-01 du 22 janvier 2020, accessible sur le site internet de la préfecture du Gard, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 22 janvier 2020, le préfet du Gard a donné délégation de signature à M. A... D..., sous-préfet d'Alès, signataire de la décision en litige, à l'effet de signer les décisions dans les limites de son arrondissement, qui comprennent nécessairement les obligations de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté.

7. En deuxième lieu, l'arrêté en litige vise les textes applicables à la situation de M. C... B.... Il mentionne notamment les conditions d'entrée et de séjour en France et des éléments de sa vie familiale. Par suite, la décision en litige est suffisamment motivée. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète n'aurait pas procédé à un examen individualisé de sa situation.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : (...) 3° que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. ".

9. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, qui ne saurait se fonder sur la seule existence d'une infraction à la loi, d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société française, ces conditions étant appréciées en fonction de sa situation individuelle, notamment de la durée de son séjour en France, de sa situation familiale et économique et de son intégration.

10. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été condamné le 28 mars 2018 par le tribunal correctionnel de Nîmes à deux mois d'emprisonnement pour outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique et pour violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique et rébellion, puis le 14 juin 2019 à une peine de six mois d'emprisonnement pour usage illicite de stupéfiants et port sans motif légitime d'arme blanche ou incapacitante de catégorie D et récidive de violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique et enfin, le 14 mai 2019 à une suspension de son permis de construire pendant trois mois pour conduite d'un véhicule en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants. Le demandeur ne fait état d'aucune intégration sociale en France et n'a pas de ressources. S'il se prévaut d'un concubinage avec une ressortissante française, la seule attestation de cette dernière ne permet pas d'établir leur communauté de vie. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de l'absence de preuve d'une résidence habituelle en France depuis 2012 comme mentionné au point 4, du caractère récent et répété des faits délictueux commis en France, de l'absence d'intégration professionnelle et d'insertion sociale en France, la préfète du Gard n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées du 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'obligeant à quitter le territoire français.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

12. Ainsi qu'il a été dit au point 4, M. C... B... n'établit ni sa date d'entrée en France en 2012, ni sa résidence habituelle en France depuis cette date. Ainsi qu'il a été dit au point 10, le demandeur ne fait état d'aucune intégration sociale en France, n'a pas de ressources et n'établit pas sa communauté de vie depuis 2020 avec une ressortissante française. Le couple n'a pas d'enfants. Dans ces conditions, M. C... B... n'établit pas avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Par suite, la préfète n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M.Garcia B... au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, l'obligation de quitter le territoire français en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la préfète n'a pas entaché la décision en litige d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

13. La décision en litige mentionne que, eu égard à la nature et à la gravité des faits commis par l'intéressé et du risque de récidive, il y a lieu d'éloigner sans délai M. C... B... du territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté.

14. La décision en litige d'obligation de quitter le territoire français sans délai est fondée sur la circonstance établie, ainsi qu'il a été dit au point 10, que le comportement de M. C... B... constitue une menace pour l'ordre public au sens du 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce motif est par lui-même de nature à justifier le refus de lui accorder un délai de départ volontaire. Par suite, cette décision n'est pas dépourvue de base légale et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

15. En se bornant à soutenir qu'il ne peut être reconduit en Espagne où il aurait vécu très jeune de 2007 à 2012 ou en Colombie où il est né, M. C... B... n'établit pas, eu égard à sa résidence non établie en France depuis 2012, que cette décision serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de trois ans :

16. La décision en litige mentionne que, eu égard à la vie familiale du requérant et au trouble à l'ordre public qu'il représente, M. C... B... peut faire l'objet d'une interdiction de circulation en application de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, elle est suffisamment motivée en droit et en fait.

17. En l'absence d'argumentation spécifique du requérant à l'encontre de l'interdiction de circulation sur le territoire français, les moyens tirés de ce que la préfète aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12 en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français.

18. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Gard est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a annulé son arrêté du 21 avril 2021. Il convient en conséquence d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande présentée par M. C... B... devant le tribunal administratif de Nîmes.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 7 mai 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... B... devant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie pour information sera adressée à la préfète du Gard.

Délibéré après l'audience du 1er mars 2022, où siégeaient :

- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Carassic, première conseillère,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2022.

2

N° 21MA02019


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02019
Date de la décision : 15/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-15;21ma02019 ?
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