Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Hectare a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté non daté par lequel le maire de Carpentras a refusé de lui délivrer un permis d'aménager, ensemble la décision implicite de rejet née du silence gardé par le maire sur son recours gracieux du 31 décembre 2018 tendant au retrait de cet arrêté.
Par un jugement n° 1901422 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 janvier 2021, la société Hectare, représentée par la SCP d'avocats Bedel de Buzareingues-Boillot, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 24 novembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler l'arrêté non daté du maire de Carpentras, ensemble la décision implicite de rejet du maire de son recours gracieux;
3°) d'enjoindre au maire de Carpentras de lui délivrer le permis d'aménager sollicité, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Carpentras la somme de 3 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de statuer sur son moyen tiré de ce que le terrain d'assiette du projet est situé à proximité du réseau public d'électricité existant ;
- la commune ne pouvait pas opposer les dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité, dès lors qu'elle n'aura pas à supporter le coût des travaux de simple raccordement au réseau nécessaire pour la réalisation de ce projet.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 septembre 2021, la commune de Carpentras, représentée par la SCP d'avocats Territoires Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société requérante la somme de 2 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la Cour a décidé, par décision du 24 août 2021, de désigner M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carassic,
- les conclusions de M. Roux,
- et les observations de Me Chavrier représentant la SA Hectare et Me Dagot représentant la commune de Carpentras.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée Hectare a déposé le 30 juillet 2018 une demande de permis d'aménager pour la réalisation d'un lotissement de 36 lots à bâtir sur un terrain cadastré section AC n° 172, d'une superficie de 6 685 m², situé Chemin de la Peyrière sur le territoire de la commune. Par la décision en litige non datée et notifiée au pétitionnaire le 5 novembre 2018, le maire de Carpentras a refusé de lui délivrer ce permis d'aménager. En l'absence de réponse du maire au recours gracieux du 31 décembre 2018 de la société tendant au retrait de cet arrêté, une décision implicite de rejet est née. La société Hectare a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté en litige et cette décision implicite de rejet. Par le jugement dont la requérante relève appel, les premiers juges ont rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que soutient la société Hectare, les premiers juges ont répondu au point 6 du jugement attaqué à son moyen tiré de que le projet n'exigerait qu'une extension de moins de 40 m de longueur du réseau public d'électricité pour desservir le projet. La critique de la réponse apportée par le Tribunal à ce moyen relève du bien-fondé du jugement attaqué. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité pour ce motif.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Pour refuser de délivrer le permis d'aménager en litige, la commune s'est fondée sur le seul motif tiré de ce que le projet exige une extension supérieure à 100 m linéaire du réseau public d'électricité que le pétitionnaire ne peut pas prendre à sa charge et que la commune n'envisage pas l'extension de ce réseau.
4. D'une part, le 1er alinéa de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme prévoit que : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. ". Ces dispositions poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, sans prise en compte des perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité. Une modification de la consistance d'un des réseaux publics que ces dispositions mentionnent ne peut être réalisée sans l'accord de l'autorité administrative compétente. L'autorité compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité pour un projet qui exige une modification de la consistance d'un réseau public qui, compte tenu de ses perspectives d'urbanisation et de développement, ne correspond pas aux besoins de la collectivité.
5. D'autre part, l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme prévoit que : " L'autorité qui délivre l'autorisation de construire, d'aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l'alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l'évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l'éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés.(...) L'autorisation peut également, avec l'accord du demandeur et dans les conditions définies par l'autorité organisatrice du service public de l'eau ou de l'électricité, prévoir un raccordement aux réseaux d'eau ou d'électricité empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve que ce raccordement n'excède pas cent mètres et que les réseaux correspondants, dimensionnés pour correspondre exclusivement aux besoins du projet, ne soient pas destinés à desservir d'autres constructions existantes ou futures. ". Il résulte de cet article que, pour l'alimentation en électricité, relèvent des équipements propres à l'opération ceux qui sont nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction ou du terrain jusqu'au branchement sur le réseau public d'électricité qui existe au droit du terrain, en empruntant, le cas échéant, des voies privées ou en usant de servitudes, ou, en empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve, dans ce dernier cas, que ce raccordement n'excède pas cent mètres et que le réseau correspondant, dimensionné pour correspondre exclusivement aux besoins du projet, ne soit pas destiné à desservir d'autres constructions existantes ou futures. En revanche, pour l'application de ces dispositions, les autres équipements de raccordement aux réseaux publics d'électricité, notamment les ouvrages d'extension ou de branchement en basse tension, et, le cas échéant, le renforcement des réseaux existants, ont le caractère d'équipements publics.
6. Le projet en litige de 36 constructions individuelles exige une desserte au réseau électrique. La notice d'insertion du projet indique que, s'agissant du réseau basse tension, "le raccordement (au réseau public existant) se fera sur le point de livraison souhaité en limite en bordure du chemin de la Peyrière". Il ressort des pièces du dossier que la commune s'est fondée sur l'avis d'Electricité Réseau Distribution de France (ERDF) du 21 septembre 2018, saisie par le service instructeur qui a ainsi accompli les diligences nécessaires dans le cadre de l'instruction de la demande de permis d'aménager. Cet avis précise que la desserte du terrain d'assiette du projet nécessite des travaux d'extension du réseau public d'électricité supérieurs à 100 m, soit 220 m, lesquels ne peuvent pas être pris en charge par le pétitionnaire, qu'ils impliquent une contribution financière de la commune et que le coût de ces travaux s'élève à 41 635,77 euros HT. Si la société requérante soutient qu'elle a informé le maire par courrier du 16 octobre 2018 qu'elle acceptait de prendre à sa charge le coût total de ces travaux, elle n'est pas fondée à soutenir, eu égard à la longueur de ce raccordement qui excède la longueur de 100 m, que ces travaux nécessaires de raccordement du projet litigieux au réseau d'électricité devraient être qualifiés d'"équipements propres" dont le coût de réalisation peut être mis à la charge du pétitionnaire au sens du dernier alinéa de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme. Si la société conteste la longueur de 220 m indiquée dans l'avis d'ERDF du 21 septembre 2018, en produisant un devis d'ENEDIS du 6 décembre 2018 et un nouvel avis d'ENEDIS du 4 septembre 2019 qui concerne au demeurant un projet de lotir différent, elle n'apporte aucune précision sur l'état des réseaux publics à la date de prise de la décision en litige, qui doit être regardée comme intervenue au plus tard le 5 novembre 2018, date de sa notification à la société requérante. Si ces devis peuvent justifier une nouvelle demande de permis d'aménager, ils sont sans incidence sur la légalité du refus litigieux. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que ces travaux d'extension du réseau nécessaires au raccordement du projet en litige doivent être regardés comme des équipements publics à la charge de la commune, qui ne peuvent être réalisés qu'avec l'accord de la commune. Dès lors, le maire de Carpentras a pu légalement fonder son refus de délivrer le permis de construire sollicité pour ce projet qui exige une modification de la consistance du réseau public d'électricité qui, compte tenu de ses perspectives d'urbanisation et de développement, ne correspond pas aux besoins de la collectivité au sens du 1er alinéa de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme. Par suite, les premiers juges ont pu à bon droit estimer que le maire n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme en refusant pour ce motif de délivrer à la société Hectare le permis d'aménager en litige.
7. Il résulte de ce qui précède que la société Hectare n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'enjoindre au maire de Carpentras de lui délivrer le permis d'aménager sollicite doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Carpentras, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par la société Hectare et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Hectare la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Carpentras sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Hectare est rejetée.
Article 2 : La société Hectare versera la somme de 2 000 euros à la commune de Carpentras sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Hectare et à la commune de Carpentras.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2022, où siégeaient :
- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 15 mars 2022.
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N° 21MA00393