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11/03/2022 | FRANCE | N°20MA02615

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 11 mars 2022, 20MA02615


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Polonio a demandé au tribunal administratif de Marseille :

- d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2018 par lequel le préfet des Alpes de Haute-Provence l'a mise en demeure de régulariser sa situation administrative pour l'installation de stockage de déchets qu'elle exploite sur la commune d'Entrevaux, soit en déposant la demande d'enregistrement prévue à l'article R. 512-46 du code de l'environnement, soit en cessant ses activités et en procédant à la

remise en état des lieux prévue à l'article R. 512-46-25 ;

- d'annuler l'arrêté du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Polonio a demandé au tribunal administratif de Marseille :

- d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2018 par lequel le préfet des Alpes de Haute-Provence l'a mise en demeure de régulariser sa situation administrative pour l'installation de stockage de déchets qu'elle exploite sur la commune d'Entrevaux, soit en déposant la demande d'enregistrement prévue à l'article R. 512-46 du code de l'environnement, soit en cessant ses activités et en procédant à la remise en état des lieux prévue à l'article R. 512-46-25 ;

- d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2018 par lequel le préfet des Alpes de Haute-Provence lui a imposé des mesures conservatoires tendant à la sécurisation du site de l'installation de stockage de déchets qu'elle exploite sur la commune d'Entrevaux, à la fourniture d'éléments d'appréciation des travaux réalisés sur le site, notamment topographiques, à la fourniture des pièces administratives et éléments d'appréciation permettant de déterminer l'origine des matériaux utilisés en remblais et le lieu de stockage des terres excavées, et, le cas échéant, à la réalisation d'analyses de sol et à la prévention de la pollution des eaux et par l'amiante ;

- d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2018 par lequel le préfet des Alpes de Haute-Provence a décidé de suspendre son activité de stockage de matériaux dans le lit majeur du Var sur la commune d'Entrevaux près de la D 4202 et au niveau du site de " Glandèves ", parcelles C890, C891 et C931, jusqu'à la décision relative à la demande d'enregistrement d'activité si elle a lieu.

Par un jugement n° 1809603, 1809604, 189609 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2020 et des mémoires enregistrés le 12 mai 2021 et le 18 janvier 2022, la société à responsabilité limitée (SARL) Polonio, représentée en dernier lieu par Me Barbaro, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 juin 2020 ;

2°) d'annuler les trois arrêtés préfectoraux attaqués devant le tribunal administratif de Marseille ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les arrêtés préfectoraux attaqués ne sont pas motivés ;

- la procédure contradictoire particulière prévue par l'article L. 171-6 du code de l'environnement n'a pas été respectée ;

- l'action de l'administration a été mal dirigée, le GFA, propriétaire des parcelles est l'exploitant exclusif du site et non la SARL Polonio ;

- le préfet n'a pu à bon droit la mettre en demeure de régulariser sa situation pour l'exploitation d'une installation de stockage de déchets dès lors que la terre de chantier qu'elle excave dans le cadre de travaux d'affouillement et d'exhaussement en vue de l'aménagement d'une parcelle avant sa mise en culture et dans le cadre d'une convention de mise à disposition de parcelles conclue le 9 mai 2017 avec le GFA de Graviers, lequel a effectué des déclarations préalables, constitue un sous-produit et non un déchet au sens de la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets, de la jurisprudence de la CJUE et, dans l'ordre interne, des dispositions des articles L. 541-1-1 et L. 541-4-2 du code de l'environnement ;

- les terres déposées n'ont fait l'objet d'aucune transformation préalable et n'étaient pas polluées ;

- à titre subsidiaire, à supposer que les terres de chantier constituent des déchets, la mise en demeure n'est pas davantage justifiée dès lors qu'elle effectue des opérations de valorisation de ces déchets au sens des dispositions de l'article L. 541-32 du code de l'environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un mémoire enregistré le 15 février 2022 présenté pour la SARL Polonio n'a pas été communiqué.

Par un courrier en date du 21 février 2022, les parties ont été informées de ce que la Cour était susceptible, dans cette affaire, de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision litigieuse et de la méconnaissance de la procédure contradictoire, ceux-ci reposant sur une cause juridique différente de celle dont relevaient les moyens soulevés en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive n° 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Prieto,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me Copelovici, substituant le cabinet Me Barbaro et associés, représentant la SARL Polonio.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 19 septembre 2018, le préfet des Alpes de Haute-Provence a mis en demeure la SARL Polonio de régulariser sa situation administrative pour l'installation de stockage de déchets qu'elle exploite sur la commune d'Entrevaux, soit en déposant la demande d'enregistrement prévue à l'article R. 512-46 du code de l'environnement, soit en cessant ses activités et en procédant à la remise en état des lieux prévue à l'article R. 512-46-25. Par un arrêté du même jour, il lui a également été imposé des mesures conservatoires tendant à la sécurisation du site, à la fourniture d'éléments d'appréciation des travaux réalisés sur le site, notamment topographiques, à la fourniture des pièces administratives et éléments d'appréciation permettant de déterminer l'origine des matériaux utilisés en remblais et le lieu de stockage des terres excavées, et, le cas, échéant, à la réalisation d'analyses de sol et à la prévention de la pollution des eaux et par l'amiante. Enfin, par un troisième arrêté également daté du même jour, le préfet a décidé de suspendre l'activité de la SARL Polonio de stockage de matériaux dans le lit majeur du Var sur la commune d'Entrevaux près de la D 4202 et au niveau du site de " Glandèves " (parcelles C 890, C 891 et C 931), jusqu'à la décision relative à la demande d'enregistrement d'activité si elle a lieu.

2. La SARL Polonio relève appel du jugement du 29 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête visant à l'annulation des trois arrêtés du préfet des Alpes de Haute-Provence du 19 septembre 2018.

3. En premier lieu, pour contester les trois arrêtés attaqués, la société requérante n'avait invoqué, en première instance, que des moyens de légalité interne. Elle n'est donc pas recevable à invoquer, pour la première fois en appel, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de ces arrêtés et du non-respect de la procédure contradictoire prévue par l'article L. 171-6 du code de l'environnement, moyens qui mettent en cause leur légalité externe et, par suite, relèvent d'une cause juridique distincte.

4. En deuxième lieu, aux termes des dispositions des articles L. 511-1 et suivants du code de l'environnement, les " installations de stockage de déchets inertes " sont soumises à la législation des installations classées pour la protection de l'environnement et notamment à une procédure d'autorisation simplifiée. Aux termes de l'article L. 541-1-1 du même code pris pour la transposition de la directive n° 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008, le déchet est défini en ces termes : " toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire ". Aux termes de l'article L. 541-4-2 de ce code qui assure la transposition de l'article 5 de ladite directive : " Une substance ou un objet issu d'un processus de production dont le but premier n'est pas la production de cette substance ou cet objet ne peut être considéré comme un sous-produit et non comme un déchet au sens de l'article L. 541-1-1 que si l'ensemble des conditions suivantes est rempli : / - l'utilisation ultérieure de la substance ou de l'objet est certaine ;/ - la substance ou l'objet peut être utilisé directement sans traitement supplémentaire autre que les pratiques industrielles courantes ; / - la substance ou l'objet est produit en faisant partie intégrante d'un processus de production ;/ - la substance ou l'objet répond à toutes les prescriptions relatives aux produits, à l'environnement et à la protection de la santé prévues pour l'utilisation ultérieure ; / - la substance ou l'objet n'aura pas d'incidences globales nocives pour l'environnement ou la santé humaine./ Les opérations de traitement de déchets ne constituent pas un processus de production au sens du présent article ".

5. Il est constant que la société Polonio s'est défaite des terres de remblais qu'elle a prélevées sur chantiers pour les déposer sur les parcelles du GFA de Graviers contre une redevance financière dont elle s'est elle-même acquittée. Ces terres constituent donc nécessairement des déchets, au sens de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement, et non le " sous-produit " d'un " processus de production ", au sens de l'article L. 541-4-2 du même code, alors, au demeurant, que la convention conclue le 9 mai 2017 entre la société Polonio et le GFA des Graviers " de mise à disposition de parcelles pour travaux d'aménagement en affouillements et exhaussements " ne concerne qu'une des parcelles en cause et ne garantit ni la traçabilité des remblais déposés, ni la nature de leur composition. La SARL Polonio n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet des Alpes de Haute-Provence aurait inexactement qualifié les terres de chantier en cause en retenant leur qualité de déchets.

6. En troisième lieu, la société requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 541-32 du code de l'environnement qui fixent les obligations pesant sur les personnes valorisant des déchets, ni de la circonstance que les terres de remblais qu'elle a entreposées ne seraient pas polluées, pour contester la légalité des arrêtés attaqués qui se bornent à constater que son activité de stockage de déchets n'a pas fait l'objet de la demande d'enregistrement prévue par les dispositions du code de l'environnement. Elle ne peut davantage utilement se prévaloir des deux déclarations préalables des 22 mars 2017 et du 27 juin 2017 auprès du maire d'Entrevaux pour l'exhaussement de plus de deux mètres des parcelles C 891 et C 894, dès lors que ces déclarations relèvent du code de l'urbanisme, législation distincte de celle relative aux installations classées pour la protection de l'environnement.

7. En dernier lieu, aux termes du I de l'article L. 171-7 du code de l'environnement : " Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, (...) l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an ". Aux termes de l'article L. 541-2 du code de l'environnement : " Tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d'en assurer ou d'en faire assurer la gestion, conformément aux dispositions du présent chapitre. / Tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu'à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers. / Tout producteur ou détenteur de déchets s'assure que la personne à qui il les remet est autorisée à les prendre en charge ".

8. La société Polonio doit être regardée comme le " producteur " des terres de remblais qu'elle a déposées sur les parcelles du GFA de Graviers, au sens des dispositions précitées de l'article L. 541-2 du code de l'environnement. En cette qualité, elle demeure responsable de la gestion de ces déchets, en dépit de leur dépôt sur une propriété tierce. Par suite, le préfet des Alpes de Haute-Provence a pu légalement la regarder comme la personne intéressée par leur exploitation, au sens de l'article L. 171-7 du même code, quand bien même M. A... en faveur duquel les parcelles en cause ont été mises à disposition par le GFA de Graviers, en est désormais le détenteur.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Polonio n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande visant à l'annulation des trois arrêtés du préfet des Alpes de Haute-Provence portant mise en demeure de régulariser sa situation pour l'exploitation d'une installation de stockage de déchets, mesures conservatoires et suspension de cette activité jusqu'à la régularisation de sa situation. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société à responsabilité limitée Polonio est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Polonio et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 25 février 2022, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- M. Pocheron, président,

- M. Prieto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mars 2022.

N° 20MA02615 2

fa


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02615
Date de la décision : 11/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

44-02-02-005-02-01 Nature et environnement. - Installations classées pour la protection de l'environnement. - Régime juridique. - Actes affectant le régime juridique des installations. - Première mise en service.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Gilles PRIETO
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : PERALDI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-11;20ma02615 ?
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