Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 5 mars 2021 par lequel le préfet de l'Aude a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2101594 du 28 mai 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 septembre 2021, Mme B..., représentée par Me Bidois, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 mai 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 mars 2021 par lequel le préfet de l'Aude a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ou parent d'enfant malade ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les décisions ont été prises par une autorité incompétente ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et son droit d'être entendu, et les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaissent la directive 2008/115/CE ;
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation des faits ainsi qu'une erreur de droit et a porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;
- le préfet a méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants ;
- le préfet a commis un détournement de procédure.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 janvier 2022, le préfet de l'Aude conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens d'appel sont infondés.
Le mémoire présenté pour Mme B... le 21 février 2022, après clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.
Mme B... a été admise a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 septembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
-la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 208/115/CE ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Baizet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... relève appel du jugement du 28 mai 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 mars 2021 par lequel le préfet de l'Aude a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté pour les motifs exposés au point 2 du jugement en litige, qui n'appellent pas de précisions en appel.
3. En deuxième lieu, il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment de son article L. 512-1, alors en vigueur, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à un étranger l'obligation de quitter le territoire français. Dès lors, les articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions administratives devant être motivées, ne sauraient être utilement invoqués à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En troisième lieu, si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre. (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant. Le moyen tiré de non-respect du droit d'être entendu sur le fondement de ces dispositions doit être écarté.
5. Par ailleurs, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
6. Ainsi, d'une part, le moyen tiré de l'inconventionnalité des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec les stipulations de la directive 2008/115/CE du conseil européen du 16 décembre 2008 ne peut qu'être écarté. D'autre part et en l'espèce, Mme B..., qui a sollicité la délivrance d'un titre de séjour, a nécessairement été mise en mesure de présenter des observations. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait été privée de la possibilité de présenter des observations écrites ou orales ou qu'elle aurait demandé en vain un entretien avec les services préfectoraux. Il suit de là que le moyen tiré du non-respect du droit d'être entendu doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ". La consultation obligatoire de la commission du titre de séjour, telle qu'elle est prévue par les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a pour objet d'éclairer l'autorité administrative sur la possibilité de régulariser la situation administrative d'un étranger et constitue pour ce dernier une garantie substantielle. Le préfet n'est tenu de saisir cette commission que si l'étranger sollicitant un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions justifie d'une présence continue de dix ans sur le territoire français.
8. D'une part, Mme B... n'a pas sollicité du titre de séjour sur le fondement des dispositions précités. D'autre part et en tout état de cause, si Mme B... justifie d'une présence ponctuelle en France lors de la commission des infractions ayant donné lieu à de multiples condamnations pénales et lors de la naissance de ses enfants, elle ne justifie pas d'une présence continue de 10 ans sur le territoire français. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
10. Si Mme B..., née en Macédoine, soutient être apatride, elle ne l'établit pas. Elle n'établit pas plus résider en France de manière continue depuis 2002 comme dit précédemment. Mme B... a été condamnée à de multiples reprises entre 2003 et 2019 pour des infractions commises entre 2002 et 2018, concernant des vols aggravés, usage illicite de stupéfiants, conduite d'un véhicule sans permis, dégradation ou détérioration d'un bien, et enfin détention en vue de la mise en circulation de monnaie ayant cours légal contrefaisante ou falsifiée. Elle ne peut se prévoir d'aucune insertion ou intégration dans la société française. La circonstance qu'elle ait suivi une formation civique et signé un contrat d'intégration est à cet égard insuffisante au vu de son parcours judiciaire. La circonstance qu'elle ait travaillé entre 2016 et 2018, percevant de très faibles revenus ne lui permettant pas de subvenir aux besoins de sa famille, ne lui permet pas de se prévaloir d'une insertion professionnelle. Mme B... est mère de quatre enfants, dont trois nés en France, qui sont scolarisés. Elle se prévaut également de la circonstance qu'une de ses filles est handicapée et bénéficie d'un accompagnement et d'une aide financière. Elle n'établit pas toutefois que sa fille ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié en Macédoine ou au Kosovo, pays d'origine de son conjoint. Mme B... ne justifie d'aucune insertion sociale ou familiale en France, et il ressort des pièces du dossier que son conjoint, de natalité kosovare, est en situation irrégulière et a également fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Elle n'établit pas que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer dans l'un ou l'autre des pays d'origine des parents ou que les demandes de reconnaissance de la nationalité française pour ses enfants ne pourraient aboutir du fait de son éloignement. Dans ces conditions, l'arrêté du préfet de l'Aude n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Cette décision n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de l'intéressée ni commis d'erreur de droit.
11. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10 du présent arrêt, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
12. En septième lieu, si Mme B... soutient que le préfet a commis un détournement de procédure en l'éloignant alors qu'une de ses filles est handicapée, elle n'établit pas avoir déposé une demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant malade. Le moyen ne peut par suite qu'être écarte.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en litige, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
14. Par voie de conséquence du rejet des conclusions aux fins d'annulation, les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme B... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. L'Etat n'étant pas partie perdante à la présente instance, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Bidois et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022 où siégeaient :
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Quenette, premier conseiller,
- Mme Baizet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mars 2022.
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N° 21MA03990
hw