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10/03/2022 | FRANCE | N°20MA00335

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 10 mars 2022, 20MA00335


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2017 par lequel le maire de Névache a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la réalisation d'une maison individuelle et d'enjoindre au maire de Névache, à titre principal, de lui délivrer le permis de construire qu'il sollicite ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, dans le délai de deux mois et sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1710099 du 21

novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté attaqué et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2017 par lequel le maire de Névache a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la réalisation d'une maison individuelle et d'enjoindre au maire de Névache, à titre principal, de lui délivrer le permis de construire qu'il sollicite ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, dans le délai de deux mois et sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1710099 du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté attaqué et a enjoint au maire de Névache de réexaminer sa demande dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 27 janvier 2020, le 27 janvier 2021 et le 6 mai 2021, M. B..., représenté par Me Gorand, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 novembre 2019 en tant qu'il enjoint au maire de Névache de réexaminer sa demande dans le délai de deux mois à compter de sa notification ;

2°) d'enjoindre au maire de Névache de lui délivrer le permis de construire qu'il sollicite dans le délai de deux mois et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Névache une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement contesté est insuffisamment motivé en ce qui concerne l'injonction ;

- le terrain d'assiette du projet se situe en continuité d'un hameau ou d'un groupe de constructions d'habitations existant au sens de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme en sorte que l'injonction de réexamen est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par des mémoires en défense enregistrés le 11 mars 2020, le 10 mars 2021 et le 30 mars 2021, la commune de Névache, représentée par Me Rouanet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés sont infondés.

Un mémoire, enregistré le 12 janvier 2022, présenté par Me Gorand pour M. B..., n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Quenette,

- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Wathle, substituant Me Gorand, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Le 24 août 2017, M. B... a présenté une demande de permis de construire portant sur la réalisation d'une maison individuelle sur les parcelles cadastrées C 1286, C 1287 et C 1296 situées lieudit " Salé " à Névache. Par un arrêté en date du 17 octobre 2017, le maire de Névache a refusé de délivrer le permis de construire sollicité. Par un jugement du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté attaqué. M. B... relève appel 2019 de ce jugement en tant qu'il enjoint au maire de Névache de réexaminer sa demande dans le délai de deux mois à compter de sa notification.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

2. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. "

3. Il résulte de ces dispositions que lorsque le juge annule un refus d'autorisation ou une opposition à une déclaration après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui, eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle. L'autorisation d'occuper ou utiliser le sol délivrée dans ces conditions peut être contestée par les tiers sans qu'ils puissent se voir opposer les termes du jugement ou de l'arrêt.

4. Le tribunal administratif a estimé que l'exécution de son jugement n'impliquait pas que le maire de Névache délivre à M. B... l'autorisation qu'il sollicitait, mais seulement qu'il statue à nouveau sur sa demande dans la mesure où l'application des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme interdisait au maire de Névache de faire droit à la demande de M. B....

5. Aux termes de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées. "

6. Par " groupe de constructions traditionnelles ou d'habitations existant " au sens de ces dispositions, il convient d'entendre un groupe de plusieurs bâtiments qui, bien que ne constituant pas un hameau, se perçoivent, compte tenu de leur implantation les uns par rapport aux autres, notamment de la distance qui les sépare, de leurs caractéristiques et de la configuration particulière des lieux, comme appartenant à un même ensemble. Pour déterminer si un projet de construction réalise une urbanisation en continuité par rapport à un tel groupe, il convient de rechercher si, par les modalités de son implantation, notamment en termes de distance par rapport aux constructions déjà présentes, ce projet sera perçu comme s'insérant dans l'ensemble existant.

7. Il est constant que le lieu-dit " Salé " comporte une trentaine de constructions pouvant être qualifiées de " groupe de constructions traditionnelles ou d'habitations existant " au sens et pour l'application de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme, qui se déploient d'est en ouest de part et d'autre d'une route communale dans une zone délimitée au sud par une route départementale. Il ressort des photographies aériennes jointes au dossier que certaines constructions sont desservies directement par la route départementale. Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige se situe entre la route communale et la route départementale qui la dessert, à une vingtaine de mètres d'une construction existante située sur les parcelles 1291 et 2203 et une quarantaine de mètres des autres constructions longeant la route communale. Le pétitionnaire fait valoir, sans être contesté, qu'il est desservi par l'eau, l'électricité et l'assainissement. Aussi, eu égard au nombre de constructions présentes dans le secteur et à leur implantation, et alors même que les parcelles voisines ne sont pas construites, le projet doit être regardé comme s'insérant en continuité du " groupe de constructions " existants au lieu-dit " Salé " au sens des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme.

8. Au regard de ce qui précède et dès lors qu'aucun autre motif de droit ou de fait n'y fait obstacle, le présent arrêt implique pour le maire de Névache de délivrer à M. B... le permis de construire sollicité. Il y a lieu d'adresser au maire de Névache une injonction en ce sens et de lui impartir pour s'exécuter un délai d'un mois, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

9. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif s'est borné à enjoindre à la commune de Névache de réexaminer sa demande de permis de construire.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune de Névache demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Névache une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Il est enjoint au maire de Névache de délivrer le permis de construire sollicité par M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 novembre 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1 ci-dessus.

Article 3 : La commune de Névache versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Névache au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Névache.

Copie du présent arrêt sera transmise sans délai au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Manosque, en application des dispositions de l'article R. 751-10 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022, où siégeaient :

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Quenette, premier conseiller,

- Mme Baizet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 mars 2022.

2

N° 20MA00335

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00335
Date de la décision : 10/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Conclusions - Conclusions irrecevables - Demandes d'injonction.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur ?: M. Marc-Antoine QUENETTE
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : LERABLE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-10;20ma00335 ?
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