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28/02/2022 | FRANCE | N°20MA01388

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 28 février 2022, 20MA01388


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office.

Par un jugement n° 1903911 du 20 septembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure dev

ant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 mars 2020 et le 25 mai 2021, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office.

Par un jugement n° 1903911 du 20 septembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 mars 2020 et le 25 mai 2021, Mme A... épouse B..., représentée par Me Youchenko, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 septembre 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer le titre demandé, ou, à défaut de réexaminer sa demande et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Youchenko sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'incompétence du médecin instructeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- le préfet a implicitement examiné sa demande sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce qui constitue une erreur de base légale ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il fait une inexacte application de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les articles 9 et 10 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il méconnaît le 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant à l'appréciation des conséquences de l'arrêté sur sa situation personnelle ;

- le médecin instructeur de l'OFII était incompétent ;

- l'avis du collège de médecins de l'OFFI ne mentionne pas les éléments de procédure ;

- il n'a pas été précédé d'une délibération du collège.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit d'observations.

Mme A... Épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné M. Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Mérenne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... épouse B... fait appel du jugement du 20 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office.

Sur l'intérêt supérieur de l'enfant :

2. Le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant prévoit que : " dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. "

3. Mme A... épouse B..., ressortissante algérienne née en 1970, est entrée en France le 10 janvier 2017 sous couvert d'un visa de court séjour en compagnie de ses trois filles mineures. Le préfet des Bouches-du-Rhône lui a délivré deux autorisations provisoires de séjour, valables jusqu'au 25 juin 2018. La plus jeune de ses filles, née en 2011, souffre d'un retard sévère de développement relevant d'un trouble du spectre autistique. Reconnue handicapée par la maison départementale des personnes handicapées, l'enfant bénéficiait, à la date de l'arrêté contesté, d'un suivi psychothérapeutique bihebdomadaire à l'unité mobile de l'autisme (UMDA) du centre hospitalier Valvert de Marseille, ainsi que d'un suivi hebdomadaire par une psychomotricienne et une orthophoniste. L'enfant présente un âge où la réalisation des soins appropriés a une incidence décisive sur son développement futur. Compte tenu des conséquences particulièrement préjudiciable de l'interruption de ce parcours multidisciplinaire, mis en place sous couvert des autorisations provisoires de séjour initialement délivrées à cette fin par le préfet des Bouches-du-Rhône, celui-ci, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme A... épouse B..., n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, tenu suffisamment compte de l'intérieur supérieur de l'enfant. Il a ainsi méconnu le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant cité ci-dessus.

4. Il résulte de ce qui précède que Mme A... épouse B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

5. Il n'est dès lors pas nécessaire pour la cour de se prononcer sur les autres moyens invoqués par l'appelante.

Sur l'injonction :

6. L'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2018, implique nécessairement, compte tenu des motifs qui précèdent, la délivrance à Mme A... épouse B... d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer ce titre, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Mme A... épouse B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros à Me Youchenko, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 20 septembre 2019 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 13 novembre 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " à Mme A... épouse B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Youchenko la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse B..., à Me Youchenko et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 7 février 2022, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Mérenne et Mme D..., premiers conseillers.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2022.

2

No 20MA01388


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01388
Date de la décision : 28/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : YOUCHENKO

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-28;20ma01388 ?
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