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28/02/2022 | FRANCE | N°20MA00707

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 28 février 2022, 20MA00707


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les associations " collectif de l'eau - usagers d'Avignon ", " le collectif eau de Caumont ", " usagers de l'eau de Morières ", " gérons l'eau autrement à Vedène ", " des usagers de l'eau du Grand Avignon gardois ", " des usagers de l'eau du Pontet " et " pour l'information et la défense des usagers de l'eau d'Entraigues-sur-la-Sorgues " ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la délibération n° 5 du 17 juillet 2017 par laquelle le conseil de la communauté d'agglomération du Grand Avign

on a approuvé le principe d'une délégation comme mode de gestion du servic...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les associations " collectif de l'eau - usagers d'Avignon ", " le collectif eau de Caumont ", " usagers de l'eau de Morières ", " gérons l'eau autrement à Vedène ", " des usagers de l'eau du Grand Avignon gardois ", " des usagers de l'eau du Pontet " et " pour l'information et la défense des usagers de l'eau d'Entraigues-sur-la-Sorgues " ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la délibération n° 5 du 17 juillet 2017 par laquelle le conseil de la communauté d'agglomération du Grand Avignon a approuvé le principe d'une délégation comme mode de gestion du service public de l'assainissement, et la décision du 10 novembre 2017 du président de la communauté d'agglomération rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1800068 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 février et le 17 décembre 2020, les associations " collectif de l'eau - usagers d'Avignon ", " le collectif eau de Caumont ", " usagers de l'eau de Morières ", " gérons l'eau autrement à Vedène ", " des usagers de l'eau du Grand Avignon gardois ", " des usagers de l'eau du Pontet " et " pour l'information et la défense des usagers de l'eau d'Entraigues-sur-la-Sorgues ", représentées par Me Durand, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 décembre 2019 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler la délibération du 17 juillet 2017 et la décision du 10 novembre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Grand Avignon la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la délibération a été irrégulièrement votée au scrutin secret ;

- la commission consultative des services publics locaux a été irrégulièrement consultée ;

- le comité technique de la communauté d'agglomération a été irrégulièrement consulté ;

- l'information des conseillers communautaires a été insuffisante ;

- le bureau d'études ayant rédigé certains documents de travail n'était pas indépendant ;

- le choix de recourir à une délégation de service public est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la condamnation prononcée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est inéquitable.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 10 avril 2020 et le 21 janvier 2021, la communauté d'agglomération du Grand Avignon, représentée par Me Laridan, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par l'association " collectif de l'eau - usagers d'Avignon " et autres ;

2°) de mettre à leur charge la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par l'association " collectif de l'eau - usagers d'Avignon " et autres ne sont pas fondés.

Par des observations en défense, enregistrées le 9 juin 2020, la société avignonnaise des eaux, représentée par Me Frêche et Me Dourlens, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par l'association " collectif de l'eau - usagers d'Avignon " et autres ;

2°) de mettre la somme de 1 000 euros à la charge de chaque association en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par l'association " collectif de l'eau - usagers d'Avignon " et autres ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné M. Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Mérenne,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Ratouit, substituant Me Laridan, avocat de la communauté d'agglomération du Grand Avignon, et de Me Benzakki, pour la société avignonnaise des eaux.

Considérant ce qui suit :

1. Les associations " collectif de l'eau - usagers d'Avignon ", " le collectif eau de Caumont ", " usagers de l'eau de Morières ", " gérons l'eau autrement à Vedène ", " des usagers de l'eau du Grand Avignon gardois ", " des usagers de l'eau du Pontet " et " pour l'information et la défense des usagers de l'eau d'Entraigues-sur-la-Sorgues " font appel du jugement du 19 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération n° 5 du 17 juillet 2017 par laquelle le conseil de la communauté d'agglomération du Grand Avignon a approuvé le principe d'une délégation comme mode de gestion du service public de l'assainissement, et de la décision du 10 novembre 2017 par laquelle le président de la communauté d'agglomération a rejeté leur recours gracieux.

Sur la légalité de la délibération du 17 juillet 2017 :

2. En premier lieu, le comité technique de la communauté d'agglomération n'était pas appelé à donner un avis sur la question du choix entre régie et délégation de service public, mais, conformément à l'article 33 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, sur l'incidence du projet de délibération sur l'organisation et le fonctionnement des services et sur la situation des personnels. Cette incidence était d'ailleurs mineure, dès lors que l'ensemble des communes de la communauté d'agglomération avaient précédemment eu recours à des délégations de service public, à l'exception d'une commune de petite taille employant un agent, dont les détails de la situation ont été présentés. Il ressort des pièces du dossier que les membres du comité technique ont reçu une information suffisante. Si certains représentants du personnel ont exprimé des positions hésitantes, ils étaient, quoi qu'il en soit, mis à même d'exprimer un éventuel avis. Le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation du comité technique doit donc être écarté.

3. En second lieu, l'article L. 1411-4 du code général des collectivités territoriales prévoit, à sa première phrase, que : " Les assemblées délibérantes des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics se prononcent sur le principe de toute délégation de service public local après avoir recueilli l'avis de la commission consultative des services publics locaux prévue à l'article L. 1413-1. "

4. Il ressort des pièces du dossier que les membres de la commission consultative des services publics de la communauté d'agglomération d'Avignon ont disposé des informations, notamment financières, leur permettant de se prononcer en toute connaissance de cause. Les tarifs applicables aux usagers relèvent des caractéristiques et des modalités de mise en œuvre ultérieure de la délégation, que la délibération sur le principe de celle-ci n'a pas pour objet d'arrêter. Dès lors, les informations communiquées n'avaient pas à être complétées par un " comparatif des tarifs entre régie et gestion déléguée ". En outre, les associations requérantes ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance des stipulations d'un marché public conclu avec un cabinet d'études pour contester la légalité d'un acte administratif. Le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation de la commission consultative des services publics doit donc être écarté.

5. En troisième lieu, le premier alinéa de L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales prévoit que : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. " S'agissant de la délibération se prononçant sur le principe d'une délégation, l'article L. 1411-4 du même code ajoute, à sa seconde phrase, que l'assemblée délibérante statue " au vu d'un rapport présentant le document contenant les caractéristiques des prestations que doit assurer le délégataire. "

6. Les conseillers d'agglomération ont été destinataires de la note de synthèse prévue à l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, jointe à la convocation. Ils ont en outre été destinataires du rapport prévu à l'article L. 1411-4 du même code, présenté par l'un des vice-présidents de la communauté d'agglomération. Les associations requérantes en critiquent le contenu. Il résulte de l'article L. 1411-4 qu'un tel rapport porte sur les " caractéristiques des prestations que doit assurer le délégataire ", et non sur les choix de gestion s'offrant à la communauté d'agglomération, l'analyse des contrats en cours, ou l'inventaire des biens affectés au service public de l'eau potable. Le rapport ne peut donc être insuffisant sur ces derniers points. En outre, en l'absence d'exercice par un conseiller du droit d'information qu'il tient de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, les dispositions citées au point 5 imposent seulement la transmission des deux documents déjà mentionnés aux membres de l'organe délibérant. L'absence de transmission d'autres documents, tels que ceux établis par un cabinet d'études, n'est pas constitutive d'une irrégularité. L'information des membres du conseil d'agglomération n'a donc pas été insuffisante.

7. En quatrième lieu, l'article L. 2121-21 du code général des collectivités territoriales prévoit que " Le vote a lieu au scrutin public à la demande du quart des membres présents. " mais qu'il peut être voté au scrutin secret " lorsqu'un tiers des membres présents le réclame ".

8. Il ressort du registre des délibérations que le scrutin secret a été demandé par vingt-et-un conseillers communautaires sur les cinquante membres présents. Il a ainsi été légalement procédé à un scrutin secret, en application des dispositions citées au point précédent. Si les associations requérantes font valoir que le président n'a pas fait préalablement l'appel des présents, qu'il n'en a pas transmis la liste à un conseiller, qu'il n'a pas formellement vérifié si le quorum était atteint, que le registre des délibérations n'indique pas que la demande a été votée à main levée, et que le président s'est borné à indiquer que le vote aurait lieu à bulletin secret sans annoncer " le résultat du vote ", aucune de ces circonstances ne procède d'une règle dont la méconnaissance serait constitutive d'une irrégularité.

9. En cinquième lieu, la société IRH Ingénierie Conseil, bureau d'études et d'ingénierie spécialisé l'eau potable et l'assainissement, a, dans le cadre d'un marché d'assistance technique, juridique et financière, remis à l'exécutif de la communauté d'agglomération une analyse des contrats en cours dans plusieurs communes de la communauté d'agglomération, d'une part, et une note d'aide à la décision sur les modes de gestion, l'organisation des services et les orientations futures de l'agglomération, d'autre part. Les associations requérantes soulignent la pertinence de l'analyse des contrats en cours, critique à l'égard des différents délégataires, et s'appuient à plusieurs reprises sur ses conclusions dans leurs écritures. Elles font toutefois valoir que la société IRH Ingénierie Conseil n'était pas indépendante du fait de sa participation et de celle de sa société mère, le groupe Antea, à plusieurs projets réalisés avec les sociétés Veolia, Suez et Saur, ainsi que leurs filiales, y compris dans le cadre de marchés publics passés par les collectivités. La diversité de la clientèle et des autres interlocuteurs du bureau d'études dans le secteur de l'eau potable et de l'assainissement contredit l'existence de liens d'intérêts particuliers avec une société déterminée, de nature à rejaillir, le cas échéant, sur l'impartialité de l'autorité administrative. Il en va de même de l'adhésion de ces sociétés au pôle de compétitivité " Hydreos ", qui comprend cent cinquante adhérents. Enfin, les associations requérantes font valoir que la société IRH Ingénierie Conseil est favorable par principe au recours aux délégations de service public. A regarder cette allégation comme avérée, une telle circonstance ne révèle pas une absence d'indépendance. Aucune règle ni principe ne fait obstacle à ce qu'une autorité administrative prenne l'attache d'une personne, physique ou morale, ayant une position déterminée sur un sujet donné. Le moyen doit donc être écarté.

10. Enfin, si les associations requérantes, qui contestent les propos tenus par certains élus dans la presse et au cours des délibérations, discutent le statut juridique des agents des services publics industriels et commerciaux et le choix sémantique des termes " risque " et " responsabilité ", ces éléments, et aucun autre figurant aux pièces du dossier, ne sont de nature à établir que le recours à une délégation de service public serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

11. Il résulte de ce qui précède que l'association " collectif de l'eau - usagers d'Avignon " et autres ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 17 juillet 2017 et de la décision du 10 novembre 2017.

Sur les frais liés au litige devant le tribunal administratif :

12. L'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

13. L'article 2 du jugement attaqué met la somme de 1 200 euros à la charge des sept associations d'usagers de l'eau. Selon les éléments communiqués en réponse à une mesure d'instruction, l'association " collectif de l'eau - usagers d'Avignon " a exposé des dépenses à hauteur de 9 554 euros en 2020, dont 6 350 euros de frais d'avocat, et que son déficit de 6 560 euros sera comblé par le don d'une autre association cessant son activité. Les associations " le collectif eau de Caumont ", " usagers de l'eau de Morières ", " des usagers de l'eau du Grand Avignon gardois ", " des usagers de l'eau du Pontet ", disposent en 2020, après l'exécution des condamnations, de soldes positifs sur leurs comptes bancaires s'élevant respectivement à 380,14 euros, 2 079,45 euros, 236,90 euros et 422 euros. L'association " gérons l'eau autrement à Vedène " présente un excédent de 439,60 euros en 2020. Selon les déclarations faites par sa présidente dans le cadre d'une procédure judiciaire, le collectif d'associations regroupe un millier d'adhérents, payant chacun une cotisation de dix euros. Leur action est essentiellement juridique. Compte tenu de ces éléments et du montant de la condamnation, la somme mise solidairement à la charge de ces six associations par le tribunal administratif n'est pas inéquitable.

14. En revanche, l'association " pour l'information et la défense des usagers de l'eau d'Entraigues-sur-la-Sorgues " présente un déficit de 584,45 euros en 2020, pour des recettes s'élevant à 140 euros. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'annuler l'article 2 du jugement attaqué en tant qu'il la condamne solidairement à verser la somme de 1 200 euros à la communauté d'agglomération du Grand Avignon.

Sur les frais liés au litige en appel :

15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais qu'elles ont exposés en appel.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 2 du jugement du 19 décembre 2019 est annulé en tant qu'il condamne solidairement l'association " pour l'information et la défense des usagers de l'eau d'Entraigues-sur-la-Sorgues " à verser la somme de 1 200 euros à la communauté d'agglomération du Grand Avignon.

Article 2 : Le surplus de la requête de l'association " collectif de l'eau - usagers d'Avignon " et autres est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération du Grand Avignon et par la société avignonnaise des eaux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux associations " collectif de l'eau - usagers d'Avignon ", " le collectif eau de Caumont ", " usagers de l'eau de Morières ", " gérons l'eau autrement à Vedène ", " des usagers de l'eau du Grand Avignon gardois ", " des usagers de l'eau du Pontet " et " pour l'information et la défense des usagers de l'eau d'Entraigues-sur-la-Sorgues ", à la communauté d'agglomération du Grand Avignon et à la société avignonnaise des eaux.

Délibéré après l'audience du 7 février 2022, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Mérenne et Mme A..., premiers conseillers.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 février 2022.

2

No 20MA00707


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00707
Date de la décision : 28/02/2022
Type d'affaire : Administrative

Analyses

135-01-04 Collectivités territoriales. - Dispositions générales. - Services publics locaux.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : DURAND

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-28;20ma00707 ?
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