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24/02/2022 | FRANCE | N°21MA04274

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 24 février 2022, 21MA04274


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour " étudiant en recherche d'emploi ou création d'entreprise ", l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2102889 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :<

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Par une requête enregistrée le 29 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Mazas, demande à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour " étudiant en recherche d'emploi ou création d'entreprise ", l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2102889 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Mazas, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 septembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour " étudiant en recherche d'emploi ou création d'entreprise ", l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande ;

4°) dans l'attente, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur dans le champ d'application des dispositions des articles L. 313-8 et R. 313-11-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français :

- ces décisions ne sont pas suffisamment motivées en droit en l'absence de visa de l'accord franco-gabonais du 5 juillet 2007 applicable à sa situation ;

- le préfet n'a pas mis en œuvre son pouvoir de solliciter du requérant la justification de sa situation ni la procédure contradictoire prévue à l'article L. 313-5-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet ne pouvait fonder sa décision de refus de titre de séjour sur des dispositions qui ne sont pas prévues à cette fin ;

- le préfet a méconnu le champ d'application de la loi en faisant application des articles L. 313-8 et R. 311-11-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour instruire sa demande au lieu de l'article 2.2 de l'accord franco-gabonais dont les stipulations n'imposent pas à l'intéressé de déposer sa demande dans l'année qui suit l'obtention de son dernier diplôme ;

- le pouvoir réglementaire a excédé son domaine de compétence en fixant une règle d'obtention du diplôme dans l'année ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- cette décision est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les stipulations de l'article 2.2 de l'accord franco-gabonais du 5 juillet 2007 doivent être substituées aux dispositions de l'article L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour " recherche d'emploi ou création d'entreprise " ;

- le refus opposé à la demande du requérant ne constitue pas un retrait de la carte de séjour pluriannuelle qui lui avait été délivrée et aucune procédure contradictoire ne s'imposait en l'espèce ;

- aucun des autres moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise du 11 mars 2002 ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au co-développement du 5 juillet 2007 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Quenette,

- et les observations de Me Toumi substituant Me Mazas représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité gabonaise né le 23 avril 1992, a sollicité le 20 octobre 2020 auprès des services de la préfecture de l'Hérault la délivrance d'une carte de séjour temporaire mention " étudiant en recherche d'emploi ". Par un arrêté du 11 février 2021, le préfet de l'Hérault a refusé de faire droit à cette demande et a obligé l'intéressé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 30 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. En relevant que le préfet de l'Hérault a visé les textes dont il a été fait application et que la seule omission de l'accord franco-gabonais relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au co-développement dans les visas ne suffit pas à caractériser une insuffisance de motivation en droit, le jugement attaqué doit être regardé comme suffisamment motivé s'agissant du moyen tiré du défaut de motivation.

4. En second lieu, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, le requérant ne saurait utilement se prévaloir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, d'une méconnaissance du champ d'application de la loi que les premiers juges auraient commise.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, si le requérant soutient que le préfet de l'Hérault a omis de viser et de citer dans ses considérants l'accord franco-gabonais relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au co-développement, signé à Libreville le 5 juillet 2007 applicable à la situation du requérant, il ressort de l'arrêté attaqué que ce dernier a entendu se fonder uniquement sur la méconnaissance des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'agissant des conditions de délivrance d'un titre de séjour " recherche d'emploi ou création d'entreprise " qu'il a visé. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, les moyens tirés du défaut de procédure contradictoire et de l'erreur de droit au regard de l'article L. 313-5-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés par adoption des motifs du tribunal aux points 3 et 4 de son jugement qui n'appellent pas de précision en appel.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 2.2 de l'accord franco-gabonais susvisé, entré en vigueur le 1er septembre 2008 et complétant la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Paris le 2 décembre 1992 : " Une autorisation provisoire de séjour d'une durée de validité de neuf mois renouvelable une fois est délivrée au ressortissant gabonais qui, ayant achevé avec succès, dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, un cycle de formation conduisant à la licence professionnelle ou à un diplôme au moins équivalent au master, souhaite compléter sa formation par une première expérience professionnelle (...). A l'issue de la période de validité de l'autorisation provisoire de séjour, l'intéressé pourvu d'un emploi ou titulaire d'une promesse d'embauche, satisfaisant aux conditions ci-dessus, est autorisé à séjourner en France pour l'exercice de son activité professionnelle, sans que soit prise en considération la situation de l'emploi ". Aux termes de l'article 12 de la convention conclue le 2 décembre 1992 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République gabonaise : " Les dispositions de la présente convention ne font pas obstacle à l'application des législations respectives des deux Parties contractantes sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par la convention ".

8. Aux termes de l'article L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " I.- Une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " d'une durée de validité de douze mois, non renouvelable, est délivrée à l'étranger qui justifie : / 1° (...) avoir été titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " délivrée sur le fondement des articles L. 313-7, L. 313-18 ou L. 313-27 et avoir obtenu dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret (...) / II.- La carte de séjour temporaire prévue au I est délivrée à l'étranger qui justifie d'une assurance maladie et qui : / 1° Soit entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur. Pendant la durée de la carte de séjour temporaire mentionnée au premier alinéa du I, son titulaire est autorisé à chercher et à exercer un emploi en relation avec sa formation ou ses recherches, assorti d'une rémunération supérieure à un seuil fixé par décret et modulé, le cas échéant, selon le niveau de diplôme concerné. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-11-1 du même code alors applicable : " Pour l'application du 1° du I de l'article L. 313-8, l'étranger qui sollicite la délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " présente à l'appui de sa demande, outre les pièces prévues aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les pièces suivantes : 1° La carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant les mentions " étudiant " ou " étudiant-programme de mobilité " en cours de validité dont il est titulaire ; 2° Un diplôme, obtenu dans l'année, au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret. La présentation de ce diplôme peut être différée au moment de la remise de la carte de séjour temporaire. (...). ".

9. L'article 2.2 de l'accord franco-gabonais précité déroge à l'article L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en prévoyant une durée d'autorisation provisoire de séjour de neuf mois au lieu de douze mois ainsi que son caractère renouvelable. Ainsi, s'agissant d'un point traité par la convention, le préfet ne pouvait fonder sa décision de refus de titre de séjour sur les dispositions de l'article L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatives au séjour des étrangers qui suivent en France un enseignement.

10. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée et d'avoir, au préalable, mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

11. Ainsi que le fait valoir en défense le préfet de l'Hérault, la décision attaquée trouve son fondement légal dans les stipulations de l'article 2.2 de la convention franco-gabonaise qui peuvent être substituées aux dispositions de l'article L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet pouvait décider de refuser le titre de séjour sollicité sur le fondement de ces stipulations, que cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ce qui est le cas en l'espèce. Par suite, il y a lieu de procéder à cette substitution de base légale demandée.

12. L'article 2.2 de l'accord franco-gabonais précité n'énonce aucune modalité d'application quant aux demandes présentées sur son fondement. D'une part, aux termes de l'article 12 de la convention franco-gabonaise du 2 décembre 1992 que l'accord franco-gabonais relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au co-développement vient compléter, il convient de se reporter au droit national pour tous les points non traités par la convention. D'autre part, cet accord n'a pas entendu écarter, sauf dispositions contraires expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titre de séjour. Il convient dès lors de se référer à l'article R. 311-11-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur. Le moyen tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi doit dès lors être écarté.

13. En se bornant à fixer, à l'article R. 311-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une règle de présentation d'une demande de titre de séjour " recherche d'emploi ou création d'entreprise " l'année d'obtention du diplôme supérieur pour un étudiant étranger bénéficiant d'un titre de séjour étudiant pluriannuel, le pouvoir réglementaire ne saurait être regardé comme ayant excédé son domaine de compétence.

14. Il est constant que M. A... n'a présenté sa demande de titre de séjour que le 20 octobre 2020 alors qu'il avait obtenu un diplôme de master en management des ressources humaines à l'issue de l'année universitaire 2017-2018. En ne présentant pas sa demande l'année d'obtention de son diplôme, c'est à bon droit que le préfet a rejeté sa demande d'autorisation provisoire en application de l'article R. 311-11-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

15. M. A... n'ayant pas établi l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté.

16. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a refusé l'annulation de l'arrêté en litige. Par voie de conséquence, les conclusions du requérant à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 3 février 2022, où siégeaient :

- M. Chazan, président

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur ;

- M. Quenette, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 février 2022.

2

N° 21MA04274

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04274
Date de la décision : 24/02/2022
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Marc-Antoine QUENETTE
Avocat(s) : CABINET MAZAS - ETCHEVERRIGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-24;21ma04274 ?
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