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24/02/2022 | FRANCE | N°21MA03722

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 24 février 2022, 21MA03722


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... et F... C... et autres ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 5 mars 2018 par lequel le maire de Ceillac a accordé à M. A... B... et M. E... B... un permis de construire en vue de la réhabilitation d'une maison existante et la surélévation par création de deux logements sur un terrain situé lieu-dit La Clapière, et la décision du 11 mai 2018 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1805521 du 7 juillet 2021, le tribunal administratif de

Marseille a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... et F... C... et autres ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 5 mars 2018 par lequel le maire de Ceillac a accordé à M. A... B... et M. E... B... un permis de construire en vue de la réhabilitation d'une maison existante et la surélévation par création de deux logements sur un terrain situé lieu-dit La Clapière, et la décision du 11 mai 2018 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1805521 du 7 juillet 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 30 août 2021 et le 7 janvier 2022, 21 janvier 2022 M. et Mme C..., représentés par Me Ducrey-Bompard, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté du 5 mars 2018 et cette décision du 11 mai 2018 ;

3°) de mettre conjointement à la charge de la commune de Ceillac et de M. A... B... et M. E... B... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de viser un mémoire enregistré avant la clôture de l'instruction ;

- en outre, la demande de première instance était recevable dès lors qu'ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir, eu égard à la diminution de la vue sur le paysage résultant du projet, la gêne pour la circulation automobile et piétonne et l'aggravation du risque d'inondation ;

- l'arrêté méconnaît l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté méconnaît les articles R. 431-5 et suivants du code de l'urbanisme en ce que la demande ne portait pas sur la régularisation de l'ensemble de la construction ;

- l'arrêté méconnaît les articles R. 431-5 et R. 431-6 du code de l'urbanisme eu égard à l'insincérité des surfaces de plancher indiquées ;

- l'arrêté méconnaît les articles R. 431-7 et R. 431-8 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté ne délivre pas le permis de démolir qui s'imposait ;

- l'arrêté méconnaît les articles R. 431-9 et R. 431-10 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté méconnaît les articles UA1 et UA2 du règlement du plan local d'urbanisme et les dispositions du plan de prévention des risques naturels applicables à la zone rouge R2 ;

- l'arrêté méconnaît l'article UA6 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- l'arrêté méconnaît l'article UA7 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- l'arrêté méconnaît l'article UA12 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- l'arrêté méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- les travaux irrégulièrement réalisés n'ont pas été régularisés.

Par des mémoires en défense enregistrés le 15 octobre 2021 et le 7 janvier 2022, M. A... B... et M. E... B..., représentés par Me Hachem, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 7 janvier 2022, M. A... B... et M. E... B... demandent à la cour de condamner M. et Mme C... à leur verser la somme totale de 157 363 euros en application de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.

Ils soutiennent que :

- l'action introduite par les requérants traduit un comportement abusif de leur part du fait de son caractère manifestement irrecevable et non fondé ;

- ils ont subi un préjudice matériel, une perte de revenus locatifs et un préjudice moral qui doivent être réparés à hauteur, respectivement, de 72 563 euros, 79 800 euros et 5 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 janvier 2022, la commune de Ceillac, représentée par Me Neveu, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise solidairement à la charge de M. et Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 10 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 janvier 2022 à 12 h 00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Ducrey-Bompard, représentant M. et Mme C..., G..., représentant la commune de Ceillac, et de Me Hachem, représentant M. A... B... et M. E... B....

Une note en délibéré, présentée pour M. A... B... et M. E... B..., a été enregistrée le 4 février 2022.

Une note en délibéré, présentée pour la commune de Ceillac, a été enregistrée le 7 février 2022.

Une note en délibéré présentée pour M. D... C... et Mme F... C..., a été enregistrée le 7 février 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 5 mars 2018, le maire de Ceillac a accordé à M. A... B... et M. E... B... un permis de construire en vue de la réhabilitation d'une maison existante et la surélévation par création de deux logements sur un terrain situé lieu-dit La Clapière, cadastré section A n° 316. M. et Mme C... et autres ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler cet arrêté et la décision du 11 mai 2018 rejetant leur recours gracieux. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 7 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Sur la recevabilité de la demande de M. et Mme C... devant le tribunal administratif de Marseille :

2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'une décision de non-opposition à déclaration préalable, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C... sont propriétaires au lieu-dit " La Clapière " d'un appartement situé au 3ème étage d'un immeuble composant avec deux autres immeubles et quelques espaces verts un ensemble soumis au régime de la copropriété. Ils ont depuis le balcon de leur appartement une vue directe sur la maison appartenant à MM. B..., dont la hauteur avant travaux est de 5,85 mètres au faîtage, dont le permis de construire litigieux a autorisé la surélévation d'un étage, soit jusqu'à 9,35 mètres, et qui se situe à une trentaine de mètres. Alors même que les travaux litigieux n'emportent aucune modification de l'emprise au sol de la construction et que l'église Sainte-Cécile ne peut être aperçue de cet appartement, le projet masquera, presqu'entièrement, la vue sur le village de Ceillac et en arrière-plan de celui-ci, amputera sensiblement la vue sur les cols et les montagnes. En outre, l'aménagement de deux emplacements de stationnement à l'angle sud-ouest de la parcelle A 316 aura pour effet de rétrécir le passage sur la voie en provenance du village et desservant toutes les habitations situées à La Clapière, notamment la copropriété précitée, dans la mesure où les véhicules circulant sur cette voie empiètent actuellement en pratique sur l'angle de cette parcelle. Dès lors, à supposer que les requérants ne puissent se prévaloir de la qualité de voisin immédiat du projet et en dépit de ce que l'aggravation alléguée du risque d'inondation n'est pas établie, ces atteintes que M. et Mme C... invoquent et qui affectent directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien, leur permettent de justifier, pour l'application de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, d'un intérêt pour demander l'annulation de l'arrêté du 5 mars 2018.

5. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a estimé que leur demande était irrecevable. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen portant sur la régularité du jugement attaqué, celui-ci doit être annulé.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Marseille pour qu'il statue à nouveau sur la demande de M. et Mme C....

Sur les conclusions de MM. B... tendant à l'application de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme :

7. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. ".

8. Il ne résulte pas de l'instruction que le recours de M. et Mme C... aurait été mis en œuvre dans des conditions traduisant un comportement abusif de leur part. Dans ces conditions, les conclusions indemnitaires présentées par MM. B... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de M. et Mme C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que MM. B... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la même demande présentée par M. et Mme C....

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 juillet 2021 est annulé.

Article 2 : M. et Mme C... sont renvoyés devant le tribunal administratif de Marseille pour qu'il soit statué sur leur demande.

Article 3 : Les conclusions des parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles de MM. B... au titre de ces dispositions et de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... et F... C..., à M. A... B..., à M. E... B... et à la commune de Ceillac.

Délibéré après l'audience du 3 février 2022, où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 février 2022.

N° 21MA03722 2

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03722
Date de la décision : 24/02/2022
Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : ALPAVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-24;21ma03722 ?
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