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24/02/2022 | FRANCE | N°20MA00328

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 24 février 2022, 20MA00328


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Nataud Expertise a demandé au tribunal de Toulon d'annuler les titres exécutoires émis à son encontre le 16 février 2018 par le maire du Cannet-des-Maures pour un montant de 127 755,60 euros et 136 475,22 euros et de prononcer la décharge de l'obligation de payer les sommes exigées par ces titres.

Par un jugement n° 1800988 et 1800989 du 27 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête de la SARL Nataud Expertise.

Proc

édure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 24 ja...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Nataud Expertise a demandé au tribunal de Toulon d'annuler les titres exécutoires émis à son encontre le 16 février 2018 par le maire du Cannet-des-Maures pour un montant de 127 755,60 euros et 136 475,22 euros et de prononcer la décharge de l'obligation de payer les sommes exigées par ces titres.

Par un jugement n° 1800988 et 1800989 du 27 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête de la SARL Nataud Expertise.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 24 janvier 2020 et le 12 octobre 2020, la SARL Nataud Expertise, représentée par Me Masquelier, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800988 et 1800989 du tribunal administratif de Toulon en date du 27 décembre 2019 ;

2°) d'annuler des titres exécutoires d'un montant respectif de 127 755,60 et de 136 475,22 euros, émis le 16 février 2018 et de prononcer la décharge des titres exécutoires émis à son encontre le 16 février 2018 par le maire du Cannet-des-Maures pour des montants de 127 755,60 euros et 136 475,22 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Cannet-des-Maures la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- la requête est recevable ;

- le délai de prescription des titres était expiré dès lors qu'ils couraient à compter du 27 novembre 2009 ;

- les titres exécutoires sont illégaux pour défaut de mention des bases de liquidation.

Par des mémoires en défense enregistrés le 9 septembre 2020 et le 12 janvier 2021, la commune du Cannet-des-Maures représentée par Me Faure-Bonaccorsi conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SARL Nataud Expertise à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable ;

- les moyens invoqués sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n°2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Quenette,

- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Quema, substituant Me Masquelier, représentant la SARL Nataud Expertise et de Me Faure-Bonaccorsi représentant la commune du Cannet-des-Maures.

Considérant ce qui suit :

1. Le plan d'occupation des sols (POS) de la commune du Cannet-des-Maures approuvé le 6 novembre 2006 classe le secteur du Portaret, alors insuffisamment équipé en voirie et réseaux publics, en zone d'urbanisation future INAb et en zone d'urbanisation diffuse NBa, sur une superficie totale d'environ 27,2 hectares. Par une délibération en date du 25 mars 2009, le conseil municipal du Cannet-des-Maures a approuvé, sur ce secteur, un programme d'aménagement d'ensemble (PAE) en vue de réaliser divers travaux d'équipements publics, pour un coût total de 5 026 000 euros hors taxe (HT), incluant une somme de 2 237 250 euros HT mise à la charge des constructeurs, répartie entre ces derniers en fonction de la surface hors œuvre nette (SHON) prévue dans l'autorisation de construire qui leur serait délivrée. Le 14 avril 2009, la SARL La Grande Bastide a déposé une demande de permis de construire en vue de réaliser, sur un terrain situé dans ce secteur, d'une superficie de 15 575 m² et cadastré section F no 519, 522, 524 à 526 et 1201, une résidence para-hôtelière pour seniors pour une SHON créée de 5 312,24 m². Un permis de construire tacite est intervenu le 17 novembre 2009. Par un arrêté en date du 27 novembre 2009, le maire du Cannet-des-Maures a fixé à 264 230,82 euros le montant de la participation due par la SARL La Grande Bastide au titre de ce projet, en application de la délibération susmentionnée du 25 mars 2009. Par un arrêté du 20 septembre 2012, le même maire a prorogé, pour une année non renouvelable, la durée de validité du permis de construire tacite susmentionné. Par un arrêté du maire du 29 janvier 2014, ce permis de construire a été transféré à la SARL Nataud Expertise. Par un premier titre exécutoire émis le 16 juin 2014, portant le n° 207 du bordereau n° 51, le maire du Cannet-des-Maures a mis à la charge de la SARL Nataud Expertise une somme de 136 475,22 euros toutes taxes comprises (TTC) et, par un second titre émis le même jour, portant le n° 20 du bordereau n° 13, le maire a mis à la charge de cette société une somme de 127 755,60 euros TTC. Par un jugement no 1403164, 1403165 du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de Toulon a annulé ces deux titres exécutoires et a déchargé la SARL Nataud Expertise des sommes qui lui étaient réclamées par lesdits titres. Si, les 4 et 5 décembre 2017, deux nouveaux titres exécutoires de recettes ont été émis, pour le recouvrement de cette somme totale de 264 230,62 euros, le maire du Cannet-des-Maures les a retirés avant d'émettre, le 16 février 2018, deux nouveaux titres de recettes d'un montant respectif de 136 475,22 et de 127 755,60 euros. La SARL Nataud Expertise relève appel du jugement du 27 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a refusé d'annuler chacun de ces deux derniers titres de recettes et, par voie de conséquence, de lui accorder la décharge des sommes qui lui sont réclamées.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, l'article 24 du décret susvisé du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique dispose que : " Toute créance liquidée faisant l'objet (...) d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Ainsi, tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.

3. S'il est vrai que les deux titres exécutoires litigieux du 16 février 2018 ne comportent pas les bases de la liquidation et les éléments de calcul des créances afférentes, ils mentionnent, au titre des " références et pièces annexées ", la délibération du 25 mars 2009, le permis de construire tacitement délivré le 17 novembre 2009, l'arrêté du maire du Cannet-des-Maures du 27 novembre 2009 ainsi que le détail de la participation de la SARL Nataud Expertise (état du 5 décembre 2017). Il ressort des pièces du dossier que l'état de détail de la participation de la SARL Nataud Expertise a été adressé 17 janvier 2018 à la société requérante par lettre recommandée avec accusé de réception. Cet état précise la surface du projet hors d'œuvre nette de la société SARL Nataud Expertise, le montant de la participation au mètre carré tel que prévu par la délibération du 17 novembre 2009 par la commune à laquelle il est fait référence et la clef de répartition entre le budget principal et le budget d'assainissement qui fonde chacun des deux titres exécutoires. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas été régulièrement informée des bases et éléments de calcul de la dette dont il lui était demandé en règlement.

4. En deuxième lieu, et, tout d'abord, selon l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : / 1° Le versement (...) de la participation instituée dans les secteurs d'aménagement définis à l'article L. 332-9 (...) ". Cet article L. 332-9 dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que : " Dans les secteurs de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, il peut être mis à la charge des constructeurs tout ou partie du coût des équipements publics réalisés pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans le secteur concerné. Lorsque la capacité des équipements programmés excède ces besoins, seule la fraction du coût proportionnelle à ces besoins peut être mise à la charge des constructeurs. Lorsqu'un équipement doit être réalisé pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans plusieurs opérations successives devant faire l'objet de zones d'aménagement concerté ou de programmes d'aménagement d'ensemble, la répartition du coût de ces équipements entre différentes opérations peut être prévue dès la première, à l'initiative de l'autorité publique qui approuve l'opération. / Dans les communes où la taxe locale d'équipement est instituée, les constructions édifiées dans ces secteurs sont exclues du champ d'application de la taxe. / Le conseil municipal détermine le secteur d'aménagement, la nature, le coût et le délai prévus pour la réalisation du programme d'équipements publics. Il fixe, en outre, la part des dépenses de réalisation de ce programme qui est à la charge des constructeurs, ainsi que les critères de répartition de celle-ci entre les différentes catégories de constructions (...) ". Aux termes de l'article L. 332-10 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La participation prévue à l'article précédent est exigée sous forme de contribution financière ou, en accord avec le demandeur de l'autorisation, sous forme d'exécution de travaux ou d'apports de terrains, y compris au cas où le constructeur est une personne publique. / La mise en recouvrement de la participation sous forme de contribution financière se fait dans les délais fixés par l'autorité qui délivre l'autorisation de construire. Ces délais ne peuvent être décomptés qu'à partir du commencement des travaux qui ont fait l'objet de l'autorisation. "

5. Ensuite, l'article L. 332-28 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que : " Les contributions mentionnées (...) à l'article L. 332-9 sont prescrites, selon le cas, par le permis de construire, le permis d'aménager, les prescriptions faites par l'autorité compétente à l'occasion d'une déclaration préalable ou l'acte approuvant un plan de remembrement. Ces actes en constituent le fait générateur. Ils en fixent le montant, la superficie s'il s'agit d'un apport de terrains ou les caractéristiques générales s'il s'agit des travaux mentionnés au premier alinéa de l'article L. 332-10. "

6. Par ailleurs, selon l'article L. 424-6 du code de l'urbanisme : " Dans le délai de deux mois à compter de l'intervention d'un permis tacite (...), l'autorité compétente peut, par arrêté, fixer les participations exigibles du bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. ". L'article R. 424-7 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, précise que : " Lorsque la décision met à la charge du bénéficiaire du permis une ou plusieurs des contributions mentionnées à l'article L. 332-28, elle fixe le montant de chacune d'elles. / (...) Lorsqu'une de ces contributions prend la forme d'exécution de travaux en application de l'article L. 332-10, la décision précise les caractéristiques générales des travaux et l'estimation de leur coût. ". Aux termes de l'article R. 424-8 du même code : " En cas de permis tacite (...), la décision prévue par l'article L. 424-6 fixe les participations exigibles du bénéficiaire du permis (...) dans les conditions prévues par l'article précédent. "

7. Enfin, l'article 2224 du code civil dispose que : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. "

8. Si la société requérante soutient que l'exigibilité des créances litigieuses et donc le délai de prescription doivent être appréciés à compter de la date de délivrance du permis qui en constitue le fait générateur, il résulte toutefois des dispositions de l'article L. 332-10 du code de l'urbanisme que la mise en recouvrement de la participation sous forme de contribution financière se fait dans les délais fixés par l'autorité qui délivre l'autorisation de construire, qui ne peuvent être décomptés qu'à partir du commencement des travaux qui ont fait l'objet de l'autorisation, laquelle est intervenue, dans le cas d'espèce, le 8 novembre 2013. Par suite, aux termes des dispositions de l'article 2224 du code civil dont l'application n'est pas contestée, la commune disposait d'un délai de cinq années pour recouvrer la créance en litige qui n'a pu expirer antérieurement au 8 novembre 2018. Dès lors que les titres ont été émis le 16 février 2018, le moyen tiré de la prescription du délai du recouvrement ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Nataud Expertise n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la requête tendant à l'annulation des titres exécutoires d'un montant respectif de 127 755,60 et de 136 475,22 euros, émis le 16 février 2018, et à la décharge de l'obligation de payer les sommes exigées par ces titres.

Sur les frais liés au litige :

10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

11. Ces dispositions font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par la SARL Nataud Expertise soit mise à la charge de la commune du Cannet-des-Maures qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, et sur le fondement de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la société requérante la somme de 2 000 euros à verser à la commune défenderesse.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Nataud Expertise est rejetée.

Article 2 : La SARL Nataud Expertise versera une somme de 2 000 (deux mille) euros à la commune du Cannet-des-Maures au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée (SARL) Nataud Expertise et à la commune du Cannet-des-Maures.

Copie en sera adressée au directeur départemental des finances publiques du Var.

Délibéré après l'audience du 3 février 2022, où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 février 2022.

2

N° 20MA00328

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00328
Date de la décision : 24/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

18-03-02-01-01 Comptabilité publique et budget. - Créances des collectivités publiques. - Recouvrement. - Procédure. - État exécutoire.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Marc-Antoine QUENETTE
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : AARPI MASQUELIER-CUERVO AVOCATS et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-24;20ma00328 ?
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