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22/02/2022 | FRANCE | N°21MA00949

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 22 février 2022, 21MA00949


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général des ressources humaines de la Banque de France a rejeté sa demande du 15 mars 2019 tendant à sa réintégration dans l'établissement après sa radiation des effectifs et, par voie de conséquence, la procédure d'abandon de poste, ainsi que d'enjoindre à la Banque de France de procéder à cette réintégration dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement.
>Par un jugement n° 1906690 du 11 janvier 2021, le tribunal administratif de Marseille...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général des ressources humaines de la Banque de France a rejeté sa demande du 15 mars 2019 tendant à sa réintégration dans l'établissement après sa radiation des effectifs et, par voie de conséquence, la procédure d'abandon de poste, ainsi que d'enjoindre à la Banque de France de procéder à cette réintégration dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement.

Par un jugement n° 1906690 du 11 janvier 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mars 2021, M. A..., représenté par Me Wahed, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 janvier 2021 ;

2°) d'annuler la décision implicite rejetant sa demande de réintégration dans les effectifs de la Banque de France et par voie de conséquence la procédure d'abandon de poste dont il a été l'objet ;

3°) d'enjoindre à la Banque de France de le réintégrer dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la Banque de France et/ ou de l'Etat la somme de

3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- la décision prononçant sa radiation des effectifs pour abandon de poste est entachée d'un vice de procédure, faute pour lui d'avoir été dûment mis en demeure de reprendre son poste et convoqué pour une visite médicale de reprise, à la bonne adresse, alors qu'il était en congé de maladie et qu'une telle visite s'imposait, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ;

- la décision de radiation est entachée d'erreur de fait, en l'absence de volonté de sa part de rompre tout lien avec son employeur, compte tenu de son placement en congé de maladie à compter du 3 janvier 2019 en vertu d'avis d'arrêt de travail dûment communiqués et compte tenu du contact téléphonique qu'il a eu avec l'un des agents du service le 21 décembre 2018.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2021, la Banque de France, représentée par la SCP Delvolvé-Trichet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de son auteur la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le requérant ne peut pas reprocher au tribunal de ne pas avoir opéré des recherches, qu'il ne lui a pas demandées, relativement à l'exactitude de l'adresse à laquelle a été expédiée la mise en demeure de reprendre son poste ;

- les moyens de la requête ne sont en tout état de cause pas fondés.

Par ordonnance du 23 décembre 2021 la clôture d'instruction a été fixée au

11 janvier 2022, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code monétaire et financier ;

- le statut du personnel de la Banque de France ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Wahed, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., adjoint de direction de 3ème classe au sein de la Banque de France, avait obtenu le 6 septembre 2016 un congé pour création d'entreprise, jusqu'au 4 octobre 2017, renouvelé un an. Par décision du 2 novembre 2018, il a bénéficié d'un congé sans solde jusqu'au 2 janvier 2019. M. A... n'ayant pas repris son service le 3 janvier 2019, la direction des ressources humaines de la Banque de France l'a mis en demeure le 23 janvier 2019 de gagner son nouveau poste le 4 février 2019, à défaut de quoi il serait considéré comme n'appartenant plus aux effectifs de l'établissement à compter du 23 janvier 2019. Par décision notifiée le

11 février 2019, le gouverneur de la Banque de France a prononcé la radiation de M. A... des effectifs de l'établissement à compter du 23 janvier 2019. Par jugement du 11 janvier 2021, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande qu'il a regardée comme tendant à l'annulation de cette décision de radiation et du rejet tacite de son recours gracieux formé le 15 mars 2019.

Sur le droit applicable :

2. Aux termes de l'article 102-2 du statut du personnel de la Banque de France : " Tout agent qui abandonne son poste est mis en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception, de le rejoindre. / S'il ne défère pas à cette mise en demeure, il cesse d'office d'appartenir aux effectifs de la Banque ". L'article 225 du même statut précise quant à lui que : " Tout agent qui, à l'expiration de l'un des congés prévus aux trois articles précédents, ne s'est pas remis à la disposition de la Banque, est mis en demeure, par lettre recommandée avec avis de réception, de reprendre son service. S'il ne défère pas à cette mise en demeure, il cesse d'office d'appartenir aux effectifs de la Banque ".

3. Une mesure de radiation des effectifs pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Dans le cas des agents titulaires du personnel de la Banque de France, une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé par lettre recommandée avec accusé de réception, l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est ni présenté ni n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

Sur la légalité des décisions litigieuses :

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, par lettre datée du 23 janvier 2019 et adressée en recommandé avec demande d'avis de réception, la directrice générale adjointe des ressources humaines de la Banque de France a mis en demeure M. A... de reprendre son service et de se présenter à la direction générale de la stabilité financière et des opérations

le 4 février 2019, en précisant que s'il ne déférait pas à cette mise en demeure, il cesserait d'office d'appartenir aux effectifs de la banque à compter du 23 janvier 2019. Il résulte des mentions portées en en-tête de cette lettre, comme de celles de l'avis de réception, que cette mise en demeure, dont le contenu et la portée ne sont pas discutés par l'appelant et dont le pli n'a pas été remis à M. A..., non pas au motif que le destinataire n'habitait pas à l'adresse indiquée, mais pour la raison que dûment avisé de sa présentation le 25 janvier 2019, il ne l'avait pas réclamé auprès des services postaux, a été expédiée à l'adresse exacte de l'intéressé, contrairement à ce qu'il affirme. La circonstance que d'autres correspondances de son employeur qui lui étaient destinées ont été libellées à des adresses partiellement erronées demeure sans incidence sur la régularité de la notification faite par celui-ci de la mise en demeure de reprendre le service. Le moyen tiré par M. A... C... la notification irrégulière de cette mise en demeure ne peut donc qu'être écarté.

5. D'autre part, il ne résulte ni des dispositions citées au point 2, ni d'aucune autre du statut du personnel de la Banque de France que, pour prononcer la radiation des effectifs pour abandon de poste d'un agent titulaire après vaine mise en demeure de reprendre le service, même après l'expiration d'un congé de maladie, le gouverneur de la Banque de France serait tenu de convoquer cet agent à une visite médicale de reprise. La circonstance que, par courriel du

28 décembre 2018, produit par la Banque de France et dont l'appelant ne se prévaut pas, le service des ressources humaines l'a convoqué pour une visite médicale le 3 janvier 2019 n'est pas à elle seule de nature à révéler que son employeur aurait entendu se soumettre à cette formalité supplémentaire avant d'engager la procédure d'abandon de poste. M. A... ne peut donc utilement invoquer un défaut de convocation à une visite médicale pour soutenir que la décision de radiation litigieuse serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière.

6. Enfin, s'il est constant que M. A... a été placé, par trois médecins différents, en arrêts de travail du 3 janvier 2019 au 18 avril 2019, il ne ressort pas des pièces du dossier que les avis d'interruption de travail correspondants auraient été dûment portés à la connaissance de son employeur avant la mise en demeure de reprendre son service, comme avant la signature de la décision de radiation en litige. Sa lettre du 1er mars 2019, adressée par voie de recommandé avec avis de réception, dont la Banque de France ne conteste pas la réception et dont il ne se prévaut d'ailleurs pas en appel, par laquelle il a indiqué transmettre à nouveau les avis d'arrêts de travail des 1er, 11 et 31 janvier 2019, selon lui déjà expédiés par courrier simple dans les

quarante-huit heures, et communiquer pour la première fois son avis d'arrêt du 28 février 2019, ne saurait à elle seule établir, eu égard à sa date d'établissement, la réception des premiers arrêts de travail du requérant par la Banque de France. Il en va de même de son courriel du

18 mars 2019 faisant référence à une conversation téléphonique en février 2019 avec l'un des agents du service des ressources humaines, au cours de laquelle il aurait indiqué être souffrant et ne pas être en situation d'abandon de poste. Si le requérant se prévaut d'une prétendue conversation téléphonique avec le service des ressources humaines le 21 décembre 2018, comme preuve de son intention de maintenir le lien avec son service, une telle circonstance à la supposer avérée, antérieure à la mise en demeure de reprendre son poste, est sans incidence sur la rupture de son lien avec le service. Dans ces conditions, M. A..., qui n'était pas en position de congé de maladie tant au jour de la mise en demeure qu'à la date de la décision de radiation en litige, qui n'avait pas repris son service au 4 février 2019, date fixée par cette mise en demeure, et qui ne soutient pas avoir été dans l'impossibilité médicale de le faire, n'est pas fondé à soutenir qu'en décidant de le radier des effectifs pour abandon de poste, le gouverneur de la Banque de France aurait commis une erreur de fait ou une erreur d'appréciation.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et ses prétentions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de

M. A..., en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme au titre des frais exposés par la Banque de France et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la Banque de France sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la Banque de France.

Délibéré après l'audience du 1er février 2022, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2022.

N° 21MA009492


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00949
Date de la décision : 22/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-04 Fonctionnaires et agents publics. - Cessation de fonctions. - Abandon de poste.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SCP DELVOLVE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-22;21ma00949 ?
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