Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 7 octobre 2005, par laquelle " DCN Services Toulon " a procédé à sa radiation des contrôles pour abandon de poste.
Par un jugement n° 0700497 du 25 juin 2009, le tribunal administratif de Toulon a annulé cette décision du 7 octobre 2005 et a enjoint à la société DCN et au ministre de la défense, chacun pour ce qui le concerne, de procéder à la réintégration de M. A... dans l'entreprise nationale DCN, ou dans un service du ministère de la défense et de reconstituer sa carrière, dans un délai de deux mois après notification de ce jugement.
Par un arrêt n° 09MA03270 du 18 janvier 2011, la Cour a rejeté l'appel du ministre de la défense tendant à l'annulation du jugement du 25 juin 2009 du tribunal administratif de Toulon.
Procédure devant la Cour :
Par une lettre, enregistrée au service de l'exécution des décisions de justice du tribunal administratif de Toulon le 15 janvier 2020, M. A..., représenté par Me Esclapez, a saisi cette juridiction d'une demande tendant à obtenir l'exécution du jugement du 25 juin 2009 et, plus particulièrement, à ce qu'il soit enjoint à la société DCNS et le cas échéant, au ministre de la défense en application de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, de reconstituer définitivement ses droits à pension pour la période comprise entre le 1er juin 1999 et le 30 septembre 2011, sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Compte tenu de l'appel formé par le ministre de la défense contre ce jugement, le tribunal a, le 6 mai 2020, transmis cette demande à la Cour qui en a poursuivi l'instruction.
Il soutient que :
- l'état général des services du 8 juin 2016 ne comporte plus la validation de ses droits à pension pour la période du 1er juin 1999 au 30 septembre 2011, soit la période qui a bien été reconstituée en exécution du jugement du 25 juin 2009 ;
- la société DCNS ne peut retirer une décision antérieure qui revient en fait à refuser d'appliquer le jugement du 25 juin 2009 après l'avoir correctement appliqué.
Par un courriel, enregistré le 1er juillet 2021, la ministre des armées a fait valoir que :
- le jugement du 25 juin 2009 a été exécuté dès lors que M. A... a été réintégré au 2 juin 1999 et reclassé en TSO T4 échelon 8 au 1er juillet 2010 ;
- en l'absence de service fait, il n'a pas perçu de salaire du 2 juin 1999 à sa reprise d'activité ;
- cette période ne peut être prise en compte dans l'état général des services du fait de l'absence de rémunération et de cotisation au FSPOEIE et de l'existence de trimestres de retraite sur un autre régime.
Par une ordonnance du 16 juillet 2021, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a, en application des dispositions des articles L. 911-4, R. 921-1 et R. 921-6 du code de justice administrative, procédé à l'ouverture d'une procédure juridictionnelle sous le n° 21MA02865 en vue de d'examiner la demande de M. A....
Par un mémoire enregistré le 29 novembre 2021, M. A... demande à la Cour de fixer une astreinte qui ne saurait être inférieure à 1 000 euros par jour de retard.
Il soutient que le formulaire de liaison inter-régimes du service des retraites de l'Etat ne mentionnant pas la reconstitution de ses droits sociaux pour la période 1999-2011, l'administration a méconnu l'autorité de chose jugée par le jugement du 25 juin 2009.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Le mémoire présenté pour M. A..., enregistré le 27 janvier 2022, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a été engagé en tant qu'ouvrier de l'État par le ministère de la défense le 17 décembre 1982 à la direction des constructions navales de Toulon devenue la SA DCNS puis la société Naval Group. Il a bénéficié d'un congé sans salaire pour convenances personnelles entre le 2 juin 1990 et le 1er juin 1996, puis d'un congé sans salaire pour création d'entreprise du 2 juin 1996 au 1er juin 1998. Au terme de celui-ci, il a bénéficié d'un nouveau congé d'une année au titre de l'exercice d'une activité privée présentant un caractère d'intérêt public. Après un refus de renouvellement de congé pour une année supplémentaire, M. A... a opté pour sa réintégration au sein de la société DCN. Cette dernière a considéré, après lui avoir fait des propositions de postes, que M. A... était en situation d'abandon de poste et a prononcé, par une décision du 7 octobre 2005, sa radiation des contrôles. Par jugement du 25 juin 2009, le tribunal administratif de Toulon a annulé cette décision et a enjoint à la société DCN et au ministère de la défense de le réintégrer à la date de son éviction dans l'entreprise nationale DCN ou dans un service du ministère de la défense et de reconstituer sa carrière, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par un arrêt du 18 janvier 2011, la Cour a rejeté l'appel formé par le ministre de la défense contre ce jugement du 25 juin 2009 du tribunal administratif de Toulon.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. (...) / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 921-5 du code de justice administrative : " Le président de la cour administrative d'appel (...) saisi d'une demande d'exécution sur le fondement de l'article L. 911-4, ou le rapporteur désigné à cette fin, accomplissent toutes les diligences qu'ils jugent utiles pour assurer l'exécution de la décision juridictionnelle qui fait l'objet de la demande (...) ". L'article R. 921-6 du même code précise que : " Dans le cas où le président estime nécessaire de prendre des mesures d'exécution par voie juridictionnelle, et (...) en tout état de cause, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa saisine, le président de la cour (...) ouvre par ordonnance une procédure juridictionnelle (...). L'affaire est instruite et jugée d'urgence. Lorsqu'elle prononce une astreinte, la formation de jugement en fixe la date d'effet. ".
4. D'une part, en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'impliquent nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision. Si la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà de telles mesures en application de l'article L. 911-1 du même code, il peut, dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambigüité, en préciser la portée. Le cas échéant, il lui appartient aussi d'en édicter de nouvelles en se plaçant, de même, à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites, ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée. En particulier, la rectification des erreurs de droit ou de fait dont serait entachée la décision en cause ne peut procéder que de l'exercice, dans les délais fixés par les dispositions applicables, des voies de recours ouvertes contre cette décision.
5. D'autre part, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 d'apprécier l'opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou qu'il prescrit lui-même par la fixation d'un délai d'exécution et le prononcé d'une astreinte suivi, le cas échéant, de la liquidation de celle-ci, en tenant compte tant des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par les parties tenues de procéder à l'exécution de la chose jugée ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l'être.
6. En exécution d'un jugement annulant une décision illégale d'éviction d'un agent public, l'autorité administrative est tenue de procéder d'office, sans qu'il soit nécessaire que l'intéressé en fasse la demande, à sa réintégration juridique et à la reconstitution de sa carrière. Quels que soient les motifs d'annulation de la décision d'éviction, cette reconstitution de carrière, qui revêt un caractère rétroactif à compter de la date d'effet de l'éviction illégale, comprend la reconstitution des droits sociaux, notamment des droits à pension de retraite, que l'agent aurait acquis en l'absence de cette éviction illégale et, par suite, le versement par l'administration des cotisations nécessaires à cette reconstitution. Ainsi, sauf à ce que l'agent ait bénéficié d'une indemnité destinée à réparer le préjudice matériel subi incluant les sommes correspondantes, il incombe à l'administration de prendre à sa charge le versement de la part salariale de ces cotisations, au même titre que celui de la part patronale. Par ailleurs, il incombe également à l'autorité administrative, de sa propre initiative, de régler la situation de l'agent pour l'avenir, notamment en procédant, en principe, à sa réintégration effective ou, le cas échéant, en prenant une nouvelle décision d'éviction.
7. Il résulte de l'instruction qu'en exécution du jugement du 25 juin 2009 du tribunal administratif de Toulon, M. A... a été réintégré à la DCNS de Toulon à compter du 2 juin 1999, date à laquelle il avait été irrégulièrement considéré en abandon de poste et a repris son activité à temps complet à partir du 1er octobre 2011. Toutefois, il résulte de l'état général des services du 1er juillet 2021 que la période allant du 2 juin 1999 au 30 septembre 2011 n'a pas été prise en compte au titre des services effectifs de M. A... et donc pour la constitution de ses droits à pension. Sur ce point, par lettre du 19 avril 2017, la société DCNS l'a informé de ce que " la décision sous forme d'état de service du 8 juin 2016 vaut effectivement retrait des états de services produits antérieurement " et que " la période de suspension du 2 juin 1999 au 30 septembre 2011 est considérée comme non valide en constitution et liquidation, en absence de cotisations effectivement payées auprès du Fond spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, cette période étant par ailleurs prise en compte auprès du régime général ". Or, si la période d'éviction, au cours de laquelle, par définition, aucun service n'a e´te´ accompli, n'ouvre pas de droit a` traitement, en revanche, conformément au principe de la rétroactivité´ de l'annulation de l'éviction, elle est assimilée a` des services effectifs s'agissant du droit a` pension, que ce soit pour les cotisations, l'ouverture du droit a` pension ou la liquidation de la pension. Par ailleurs, la circonstance que M. A... aurait cotisé sur la même période au régime général de la Sécurité sociale est sans incidence sur l'obligation qui incombe à l'administration, en exécution du jugement du 25 juin 2009, de procéder à la reconstitution de ses droits sociaux, notamment de ses droits à pension de retraite. Ainsi, à la date du présent arrêt, la ministre des armées, qui seule peut en rapporter la preuve, n'établit pas avoir pris les mesures propres à assurer la complète exécution du jugement du 25 juin 2009 du tribunal administratif de Toulon, confirmé par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 18 janvier 2011, dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle aurait procédé au versement des cotisations destinées à assurer les droits à pension de M. A....
8. En conséquence, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre à la ministre des armées, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de reconstituer pour la période allant du 2 juin 1999 au 30 septembre 2011 les droits sociaux de M. A... auprès des organismes de sécurité sociale et de gestion de retraite auxquels il était affilié, en procédant au versement des cotisations patronales et salariales liées à la rémunération qui aurait dû normalement lui être versée. Il n'y a en revanche pas lieu d'assortir ces prescriptions d'une astreinte. Enfin, il appartiendra à la ministre des armées, dans le même délai, de communiquer à la Cour tous documents utiles justifiant de cette exécution.
D E C I D E :
Article 1er : Il est enjoint à la ministre des armées, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, de reconstituer pour la période allant du 2 juin 1999 au 30 septembre 2011 les droits sociaux de M. A... auprès des organismes de sécurité sociale et de gestion de retraite auxquels il était affilié, en procédant au versement des cotisations patronales et salariales liées à la rémunération qui aurait dû normalement lui être versée.
Article 2 : La ministre des armées communiquera à la Cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter l'injonction mentionnée à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 4 février 2022, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- Mme Ciréfice, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 février 2022.
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N° 21MA02865
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