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18/02/2022 | FRANCE | N°21MA00416

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 18 février 2022, 21MA00416


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de B... d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français.

Par un jugement n° 2006827 du 9 octobre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de B... a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2021, sous le n° 21MA00416, M. A..., représenté par Me Youchenko,

demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 octobre 2020 du magistrat désigné par la prés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de B... d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français.

Par un jugement n° 2006827 du 9 octobre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de B... a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 janvier 2021, sous le n° 21MA00416, M. A..., représenté par Me Youchenko, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 octobre 2020 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de B... ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, d'instruire sa demande, de lui délivrer un titre temporaire de séjour l'autorisant à travailler et de prendre une décision dans le délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions du 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° du même article ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'un vice de procédure tiré du défaut d'examen particulier des circonstances de l'espèce.

S'agissant de la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation avant de prendre cette décision;

- elle méconnaît l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de cette même convention.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Prieto a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien né le 28 février 2002, serait entré en France au cours du mois de juin 2017 selon ses déclarations. Par un jugement du 15 février 2018 du tribunal pour enfants D... B..., il a été confié en qualité de mineur isolé aux services de l'aide sociale à l'enfance du département des Bouches-du-Rhône pour une durée de six mois. Son placement a été renouvelé pour une durée de trois mois par un jugement de ce même tribunal du 23 juillet 2018 puis jusqu'à sa majorité par une décision de cette juridiction du 23 octobre 2018.

2. Par un arrêté du 4 septembre 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône a fait obligation à M. A... de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement en date du 9 octobre 2020 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de B... a rejeté sa demande dirigée contre ces décisions.

Sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français :

3. Ainsi que l'a relevé le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de B..., la décision attaquée vise les textes dont elle fait application, notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette décision comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet s'est fondé pour faire obligation à M. A... de quitter le territoire français et est ainsi suffisamment motivée. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier des termes de la décision en litige, que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier et complet de la situation personnelle de M. A... avant de lui faire obligation de quitter le territoire français.

4. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la mesure d'éloignement.

5. Aux termes de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit: / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. A... établit qu'il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance et a signé un contrat jeune majeur prolongé jusqu'en octobre 2020. Le requérant, qui est célibataire et sans enfant, est toutefois entré en France récemment, en juin 2017, et n'est pas dépourvu de toutes attaches familiales dans son pays d'origine, où réside notamment sa mère et où lui-même a vécu la majeure partie de sa vie. Il n'établit pas que la situation sanitaire en France l'aurait empêché de déposer une demande de titre de séjour dès l'âge de dix-huit ans qu'il a atteint le 28 février 2020. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et eu égard en particulier à la brève durée et aux conditions de séjour de l'intéressé en France, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, M. A... n'établit pas que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues. Pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

Sur les conclusions dirigées contre le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

7. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 / (...) / h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français (...) ". L'article L. 311-1 du même code prévoit que : " (...) tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : / (...) 3° Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont prévues au chapitre III du présent titre (...) ". Aux termes de l'article R. 311-2 du même code : " La demande est présentée par l'intéressé dans les deux mois de son entrée en France. S'il y séjournait déjà, il présente sa demande : / 1° Soit, au plus tard, avant l'expiration de l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, si l'étranger peut obtenir de plein droit un titre de séjour en application soit de l'article L. 313-7-2, soit des 1°, 2° ou 2° bis de l'article L. 313-11, soit de l'article L. 313-21, soit de l'article L. 313-24, soit des 8° ou 9° de l'article L. 314-11, soit de l'article L. 314-12 ; / 2° Soit au plus tard deux mois après la date de son dix-huitième anniversaire, si l'étranger ne peut obtenir de plein droit un titre de séjour dans les conditions prévues au 1° ci-dessus (...) ".

8. M. A... soutient qu'arrivé mineur en France et pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, il ne peut être regardé comme étant entré irrégulièrement sur le territoire national, qu'il dispose de garantie de représentation suffisante dès lors qu'il est hébergé dans une structure d'accueil gérée par une association mandatée par le département et dispose d'une carte consulaire délivrée par les autorités consulaires maliennes et qu'enfin il avait jusqu'à la veille de l'âge de dix-neuf ans pour déposer une demande de titre de séjour, comme le prévoit l'article R. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier des motifs de l'arrêté en litige, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressé avant de prendre la décision contestée.

9. Ainsi que l'a estimé le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de B..., M. A..., qui n'établit pas pouvoir obtenir de plein droit un titre de séjour en application des dispositions du 1° de l'article R. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'avait pas présenté dans les deux mois après la date de son dix-huitième anniversaire, ni même à la date de la décision attaquée, une demande de délivrance d'un titre de séjour, sans que la situation sanitaire en France ne puisse expliquer cette absence de dépôt d'une telle demande. En outre, au moment de son audition par les services de police, après avoir été avisé de ce qu'il pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement, M. A... a déclaré son intention de rester en France afin selon ses dires d'y étudier. De tels éléments caractérisent un risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français au sens de l'article L. 511-1 précité, alors même qu'il aurait disposé d'un lieu de résidence et de documents d'identité et ne se serait pas soustrait à une précédente mesure d'éloignement. Si M. A... invoque des circonstances particulières, tenant à ce qu'il est arrivé en France mineur et a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, qu'il était à la date de la décision attaquée jeune majeur et était dans l'attente d'un passeport, ces circonstances ne sont pas de nature à faire écarter la présomption de risque de fuite. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas commis d'erreur de droit ni fait une inexacte application des dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en refusant d'accorder à M. A... un délai de départ volontaire.

10. Pour les motifs indiqués au point 6, la décision de refus d'accorder à M. A... un départ volontaire n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. La décision refusant à M. A... un délai de départ volontaire n'a pas pour objet de fixer le pays à destination duquel il doit être éloigné. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté comme inopérant.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de B... a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Youchenko et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 4 février 2022, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente-assesseure,

- M. Prieto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 février 2022.

N° 21MA00416 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00416
Date de la décision : 18/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Gilles PRIETO
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : YOUCHENKO

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-18;21ma00416 ?
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