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17/02/2022 | FRANCE | N°19MA03442

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 17 février 2022, 19MA03442


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes, Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 ou, à titre subsidiaire, d'ordonner la compensation entre les impositions contestées et les cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qu'elle a acquittées au titre des années 2009 et 2010 sur les plus-values r

alisées au titre de ces mêmes années.

Par un jugement n° 1607608, 1806559 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux demandes, Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2009 et 2010 ou, à titre subsidiaire, d'ordonner la compensation entre les impositions contestées et les cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qu'elle a acquittées au titre des années 2009 et 2010 sur les plus-values réalisées au titre de ces mêmes années.

Par un jugement n° 1607608, 1806559 du 10 avril 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2019, et un mémoire complémentaire enregistré le 1er juillet 2020, Mme A..., représentée par la Selarl Arbor, Tournaud et Associés agissant par Me Wolf, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 avril 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer en conséquence la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige ou, à défaut, d'ordonner la compensation sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions des articles L. 57 et L. 76 du livre des procédures fiscales ;

- les conséquences financières n'ont pas été correctement précisées en violation de l'article L. 48 du même livre ;

- la procédure est irrégulière dès lors qu'elle n'a pas eu communication, malgré une demande en ce sens, des pièces que l'administration a obtenues de tiers, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

Sur le bien-fondé des impositions :

- c'est à tort que l'administration a considéré qu'elle avait la qualité de marchand de biens sur le fondement du 1° de I de l'article 35 du code général des impôts, dès lors que l'intention spéculative à la date d'acquisition des biens en litige n'est pas démontrée ;

- la méthode de reconstitution des bénéfices industriels et commerciaux est erronée et excessivement sommaire ;

- les cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qu'elle a acquittées sur les plus-values réalisées en 2009 et en 2010 doivent être déduites des impositions contestées par compensation au titre de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales ;

Sur les pénalités :

- à titre subsidiaire, les pénalités de 80 % pour existence d'une activité occulte appliquées sur le fondement du c. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts ne sont pas justifiées ;

- l'administration a méconnu les dispositions de la documentation administrative de base publiée au bulletin officiel n° 29 du 19 février 2007 et reprise sous la référence BOI-CF-INF-10-20-10, et notamment ses paragraphes n° 73 et 74, ainsi que celle de l'instruction du 10 juillet 1998, 13 L-142 n° 9, reprise par la doctrine administrative de base référencée BOI-IOR-60-10 n° 180.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la requête de Mme A....

Il fait valoir que les moyens invoqués par l'appelante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 1er juillet 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 août 2020.

Par courrier du 15 décembre 2021, une pièce complémentaire a été demandée au ministre de l'économie, des finances et de la relance pour compléter l'instruction, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative. Cette pièce réceptionnée le 10 janvier 2022 a été communiquée le même jour.

Un nouveau mémoire en défense, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la relance et enregistré le 18 janvier 2022, après la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bernabeu,

- les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique,

- et les observations de Me Wolf, représentant Mme A....

Une note en délibéré présentée pour Mme A... a été enregistrée le 28 janvier 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle à l'issue duquel l'administration fiscale, considérant qu'elle avait exercé une activité de marchand de biens au cours des années 2009, 2010 et 2011, l'a notamment assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2009 et 2010 dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, étant précisé que le résultat reconstitué au titre de l'année 2011 était déficitaire. Mme A... relève appel du jugement du 10 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant, à titre principal, à la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions supplémentaires et, à titre subsidiaire, à ce que soit ordonnée la compensation entre les impositions contestées et les cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qu'elle a acquittées au titre des années 2009 et 2010 sur les plus-values immobilières réalisées au titre de ces mêmes années.

I. Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 22 octobre 2019, postérieure à l'introduction de la requête d'appel, l'administration, qui a tenu compte de l'argumentation de Mme A... laquelle soutenait qu'elle possédait en indivision avec son compagnon les parcelles vendues le 16 octobre 2009 et qu'il convenait ainsi de réduire de moitié le montant des bénéfices industriels et commerciaux résultant de cette vente, a prononcé un dégrèvement à hauteur de13 260 euros au titre des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu de l'année 2009 et des pénalités y afférentes. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

II. Sur le surplus des conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rehaussements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

4. D'autre part, aux termes de l'article 48 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu (...), lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 (...), le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. (...) ".

5. Il ressort des termes de la proposition de rectification du 25 septembre 2013, d'une part, qu'elle comporte la désignation de l'impôt concerné, des années d'imposition et des bases d'imposition et, d'autre part, qu'elle énonce les motifs sur lesquels l'administration a entendu se fonder pour notifier les rectifications envisagées à l'encontre de Mme A..., en explicitant en particulier les raisons pour lesquelles l'administration a considéré qu'elle s'était livrée à une activité de marchand de biens sur la période 2001-2012. En outre, si l'appelante soutient que l'administration n'a pas indiqué les modalités de détermination du prix d'achat des parcelles en litige, à partir du prix d'acquisition global d'un ensemble immobilier plus vaste, qui a ensuite fait l'objet d'une division parcellaire, il ressort toutefois des mentions de la proposition de rectification que ces parcelles étaient clairement identifiées, tout comme les modalités de détermination du bénéfice réalisé à l'occasion de leur cession, dont les éléments constitutifs ont été précisés, notamment le prix d'achat. La circonstance, à la supposer établie, que le prix d'acquisition mentionné par l'administration s'agissant des parcelles cadastrées section C n° 367 et 374 serait erroné est sans incidence sur la régularité de la motivation de cette proposition de rectification, dès lors que cette régularité ne dépend pas du bien-fondé des motifs sur lesquels celle-ci est fondée. Par ailleurs, si la requérante fait valoir que la proposition de rectification a omis de mentionner le montant des bénéfices industriels et commerciaux calculés après application du coefficient multiplicateur prévu au 1° de l'article 157-8 du code général des impôts, figurent cependant dans ce document, pour les deux années en litige, 2009 et 2010, les montants de bénéfices industriels et commerciaux retenus, soit respectivement 35 102 euros et 104 052 euros, et la mention selon laquelle le coefficient précité leur sera appliqué. Cette information est complétée par le tableau des conséquences financières qui y est annexé et où sont explicités, pour les années précitées, les revenus bruts " après contrôle " qui s'obtiennent en ajoutant au revenu " avant contrôle ", le montant des bénéfices industriels multiplié par le coefficient de 1,25. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que cette proposition de rectification ne satisfait pas aux exigences de motivation prévues par les articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales ni qu'elle ne préciserait pas suffisamment les conséquences financières au sens des dispositions précitées de l'article L. 48 du même livre.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".

7. Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

8. En outre, la demande du contribuable tendant à ce que les documents contenant les renseignements recueillis par l'administration auprès de tiers soient mis à sa disposition peut porter sur tout document utilisé pour établir l'imposition, et notamment sur un document dont l'administration n'a fait état que pour confirmer, dans une proposition de rectification ou une réponse aux observations du contribuable, une prise de position reposant sur d'autres éléments.

9. Contrairement à ce que soutient Mme A..., il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 25 septembre 2013 et de la réponse aux observations de la contribuable du 5 novembre 2013, que les rehaussements qui lui ont été notifiés résultent du seul examen des extraits d'achat et de vente de biens immobiliers enregistrés au service de la publicité foncière, qui sont des documents en possession du service et non des documents émanant de tiers. Si la décision de rejet de la réclamation préalable prise le 15 juin 2018 et le rapport effectué par l'administration devant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires indiquent que " les comptes bancaires examinés lors du contrôle ne font pas apparaître d'encaissement d'activité agricole au titre des années 2009, 2010 et 2011 ", Mme A... n'a, en toute hypothèse, pas valablement demandé communication de ces documents, dans la mesure où la seule demande qu'elle a présentée, par courrier réceptionné le 20 juin 2013 par les services fiscaux, l'a été à titre purement conservatoire, avant même la notification de la proposition de rectification, et à une date où elle n'était pas en mesure de savoir si l'administration s'était effectivement fondée sur des documents obtenus de tiers. Le caractère prématuré de cette demande, qui ne vise par conséquent aucun document précis, fait ainsi obstacle à ce qu'elle puisse se prévaloir d'une violation de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Par suite, un tel moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions en litige :

S'agissant de l'activité de marchand de biens :

10. Aux termes du I de l'article 35 du même code : " Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières (...). / 1° bis Personnes qui, à titre habituel, achètent des biens immeubles, en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre, en bloc ou par locaux. ".

11. L'activité de marchand de biens, regardée comme une activité commerciale en application de ces dispositions, est subordonnée à la double condition que les opérations d'achat en vue de la revente procèdent d'une intention spéculative et qu'elles présentent un caractère habituel.

12. D'une part, la condition d'habitude à laquelle est subordonnée l'application des dispositions précitées du I de l'article 35 du code général des impôts, s'apprécie en principe en fonction du nombre d'opérations réalisées et de leur fréquence. D'autre part, la condition d'intention spéculative, qui ne se présume pas du fait du caractère habituel de la pratique et présente un caractère objectif, doit être recherchée à la date d'acquisition des immeubles ultérieurement revendus, et non à la date de leur cession.

13. Il résulte de l'instruction que Mme A... a acheté et vendu, de 2001 à 2012, soit en indivision avec M. B..., soit par le biais de la société civile immobilière (SCI) Le Logis, dont elle est associée à 50 % de son capital social, soit individuellement, des biens immobiliers, tels que des propriétés et des terrains agricoles, des parcelles de terrain à bâtir ainsi que des maisons d'habitation, tous situés dans le département des Hautes-Alpes. L'administration fiscale a considéré que Mme A... avait eu, sur les années contrôlées, une activité de marchand de biens au sens du 1° du I de l'article 35 du code général des impôts, dont les bénéfices devaient être imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

14. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mme A... a réalisé dix-huit transactions immobilières entre 2001 et 2012, dont douze ventes de biens immobiliers. Dès lors, en raison de la continuité et du nombre de ces transactions et nonobstant leur étalement sur une longue période, la requérante doit être regardée comme ayant procédé de manière habituelle à des opérations d'achat et de revente de biens immobiliers.

15. En second lieu, la requérante soutient qu'aucune intention spéculative de sa part lors de l'acquisition de ces biens n'a été démontrée par l'administration fiscale, dès lors que l'ensemble de ces biens ont été acquis dans le cadre de la constitution de son activité agricole ou à titre de résidence principale. Il résulte de l'instruction que Mme A... et M. C., son compagnon, ont acquis le 22 novembre 2001 une propriété agricole sur la commune de Laragne-Montéglin de plus de vingt-huit hectares, dont certaines parcelles étaient recouvertes de terre, taillis, lande et verger, y compris la parcelle cadastrée C 114, qui se situe au lieudit " Lougres " et objet de la vente taxée en 2010. Si Mme A... soutient qu'elle a acquis les biens immobiliers précités dans le but d'y créer une exploitation agricole, les éléments produits à l'instance tels qu'une facture de prestations de création d'entreprise émise par la chambre d'agriculture des Hautes-Alpes en date du 3 décembre 2001, un crédit-bail de location de tracteur en 2002, diverses factures d'achat de matériel agricole, lesquels font figurer comme adresse de facturation la commune de Lazer ou celle de Trescléoux, ne permettent pas d'établir que les parcelles précitées, dont celle en litige, auraient été exploitées par l'intéressée au titre d'une activité agricole. Par ailleurs, le 27 juin 2003, Mme A... et son compagnon ont fait l'acquisition d'une exploitation agricole au lieudit " Le logis ", la destination des biens étant à la fois, agricole et à usage d'habitation. Elle soutient que les deux parcelles de terrain cadastrées section C n° 367 et 374 au lieudit " Le Logis " sur la commune de Laragne-Monteglin, acquises le 23 juin 2003 et objet de la vente taxée au titre de l'année 2009, complètent cet ensemble où elle a fixé sa résidence principale. Toutefois, les éléments versés au débat, tels que des avis d'échéance d'assurance, des courriers de mars et avril 2010 d'une assurance dans le cadre de la déclaration d'un sinistre, une facture de fuel de juin 2008, un contrat de France Télécom daté de 2005 avec comme titulaire M. C. dont l'adresse est située à Lazer alors que le lieu de l'installation est située au Lieudit " Le Logis " à Laragne-Montéglin, des factures EDF de 2006, 2008 et 2010, des titres exécutoires du réseau d'assainissement datés de 2007 et 2010, des factures de téléphone, ne sont pas suffisamment probants pour établir que Mme A... et son compagnon auraient fixé leur résidence principale dans cette propriété, alors même qu'il n'est pas contesté que les déclarations fiscales déposées au titre de ces années par l'intéressée mentionnaient une adresse différente et qu'elle ne s'est jamais acquittée de la taxe d'habitation afférente. La seule circonstance que les enfants du couple soient scolarisés sur la commune de Laragne-Montéglin ne démontre pas, en l'absence d'autres pièces en ce sens, que Mme A... et son compagnon résidaient bien dans la propriété concernée à titre de résidence principale. Enfin, la requérante, qui invoque la cessation de son activité agricole et un déménagement en Suisse pour justifier des ventes réalisées postérieurement les 23 avril 2012, le 24 mai 2012 et le 25 juin 2012, n'apporte aucun élément sur le motif de la cession des biens immobiliers en litige intervenue en 2009 et 2010. Au regard de l'ensemble de ces éléments, qui ne corroborent pas les motifs d'achat avancés par la requérante pour justifier l'acquisition des biens qu'elle a revendus en 2009 et 2010, et nonobstant les délais de six et neuf ans qui se sont écoulés entre leur acquisition et leur cession, il résulte de l'instruction que les opérations d'achat et de revente de ces derniers procédaient, dès l'origine, d'une intention spéculative.

16. Le caractère habituel et l'intention spéculative étant en l'espèce établis, c'est par suite à bon droit que l'administration a regardé Mme A... comme se livrant, au cours des années 2009 et 2010, à une activité commerciale de marchand de biens entrant dans les prévisions du 1° du I de l'article 35 du code général des impôts et a considéré que les bénéfices résultant de cette activité, afférents aux ventes réalisées le 16 octobre 2009 ainsi que les 16 et 18 décembre 2010, devaient être imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux sur le fondement de cet article.

S'agissant du calcul des bénéfices industriels et commerciaux :

17. En premier lieu, si Mme A... soutient que la méthode de reconstitution des bénéfices industriels et commerciaux est radicalement viciée en son principe dès lors qu'elle ne tient pas compte des règles de détermination de ces derniers telles que prévues par l'article 38 du code général des impôts, notamment en l'absence de respect du " principe de l'annualité de l'impôt " et de " la prise en compte de la valeur des stocks au début et à la fin de l'exercice ", elle n'assortit ce moyen d'aucune précision utile. A cet égard, Mme A... ne peut justifier d'un " stock au début et à la fin de l'exercice " dès lors qu'elle ne tenait aucune comptabilité au titre de son activité de marchand de biens et qu'en tout état de cause, elle n'apporte aucune information sur la valeur du supposé stock, ne pouvant se borner à soutenir à ce titre qu'une telle activité entraîne nécessairement l'exposition de charges.

18. En deuxième lieu, s'agissant de l'exagération du bénéfice résultant de la vente de parcelles intervenue le 16 octobre 2009, Mme A... soutient qu'elle possédait ces terrains en indivision avec M. C. son compagnon, de sorte que le bénéfice imposable ne pouvait représenter que la moitié de celui calculé par l'administration. Cependant, un tel moyen est inopérant dès lors qu'ainsi qu'il a été précédemment exposé au point 2 du présent arrêt, l'administration fiscale a tenu compte de cette circonstance pour procéder au dégrèvement correspondant en matière d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2009.

19. En dernier lieu, s'agissant de l'exagération du bénéfice résultant des ventes des 16 et 18 décembre 2010, Mme A... se plaint du défaut de prise en compte des travaux de construction supportés pour la réalisation d'une maison d'habitation et de dépendances agricoles. Cependant, l'intéressée n'établit pas la consistance exacte de la parcelle cadastrée section C n° 114 au lieudit " Lougres " sur la commune de Laragne-Montéglin, objet de la vente en litige. A cet égard, si l'intéressée produit un relevé cadastral et des photographies aériennes ainsi qu'un arrêté portant permis de construire - dont la date n'est pas lisible et sans précision de la ou les parcelles concernées par le projet-, en vue de l'édification de logements et locaux d'une surface nette de 297 m², ces éléments ne permettent pas d'en déduire que sur la parcelle précitée auraient été édifiés, avant leur cession en 2010, une maison d'habitation et des locaux agricoles. Par suite, la requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le prix d'acquisition du terrain aurait dû être majoré du coût de la construction, tel qu'il ressort du tableau de synthèse produit et qui s'élèverait à un montant total de 353 936,35 euros.

En ce qui concerne la demande de compensation :

20. Aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande. " Aux termes de l'article L. 205 du même livre : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition. ".

21. Si un contribuable peut à tout moment de la procédure, y compris devant les juges du fond, demander à bénéficier, en application des dispositions précitées des articles L. 203 et L. 205 du livre des procédures fiscales, d'une compensation, et ce alors même que le délai de réclamation serait expiré, ce n'est que dans la limite de l'imposition qu'il a régulièrement contestée et dès lors que la créance qu'il détient sur le Trésor est établie.

22. Si, à titre subsidiaire, Mme A... sollicite comme en première instance la compensation, sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 203 et L. 205 du livre des procédures fiscales, des impositions contestées avec les cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qu'elle aurait acquittées au titre des années 2009 et 2010 et afférentes aux mêmes plus-values immobilières sur la base des déclarations n° 2048 IMM qu'elle a déposées, elle ne justifie ni le montant de l'imposition qu'elle aurait déjà supporté au titre des plus-values réalisées ni même qu'elle aurait déclaré ces plus-values, l'administration fiscale niant avoir réceptionné les déclarations correspondantes. Cette demande de compensation présentée à titre subsidiaire ne peut par suite qu'être rejetée.

III. Sur les pénalités :

23. Mme A... reprend en appel le moyen déjà soulevé en première instance tiré de ce que l'administration fiscale n'établit pas le bien-fondé des pénalités de 80 % pour manœuvres frauduleuses qui ont été appliquées aux impositions en litige. Toutefois, elle ne se prévaut d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif. Il y a lieu ainsi d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges au point 12 du jugement attaqué.

24. Par ailleurs, Mme A... n'est, en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction référencée 13 L-142 reprise à la documentation administrative de base publiée sous la référence BOI-CF-INF-10-20-10, n° 73 et 74, qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application. Elle ne peut en outre utilement se prévaloir de l'instruction référencée 13 L-142 reprise dans la documentation administrative de base publiée sous la référence BOI-CF-IOR-60-10, n° 180, qui, traitant de questions relatives aux procédures de rectification et d'imposition d'office, ne peut être regardée comme comportant une interprétation de la loi fiscale au sens de cet article.

25. Il résulte de tout de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus de sa demande. Ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme A..., à concurrence du dégrèvement, en droits et pénalités, prononcé le 22 octobre 2019, d'un montant de 13 260 euros en matière d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2009.

Article 2 : Le surplus de la requête de Mme A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 27 janvier 2022, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Bernabeu, présidente assesseure,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 février 2022.

2

N° 19MA03442

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03442
Date de la décision : 17/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : SCP ARBOR - TOURNOUD et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-17;19ma03442 ?
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