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09/02/2022 | FRANCE | N°21MA00516

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 09 février 2022, 21MA00516


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 mars 2020 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°2002172 du 23 septembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 février 2021, M. B... A..., représenté par Me Ru

ffel, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 septembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 9 mars 2020 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°2002172 du 23 septembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 février 2021, M. B... A..., représenté par Me Ruffel, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 septembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 mars 2020 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me Ruffel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ; le préfet n'a pas visé l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'a pas pris en compte l'intérêt supérieur de son enfant et du fils né du premier lit de son épouse dont il a également la charge ;

- il a été pris en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; il réside habituellement en France depuis mai 2018 auprès de son épouse, titulaire d'une carte de résident, qui réside en France depuis 1997, qu'il a épousé en 2017 et avec laquelle il a eu une fille née le 4 mars 2019 ; compte-tenu des ressources de son épouse, uniquement constituées des allocations versées par la caisse d'allocations familiales, il ne peut prétendre bénéficier de la procédure de regroupement familial ;

- il porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant du premier lit de son épouse, né en 2015, qui est scolarisé et dont toute la famille est en France ainsi qu'à celui de sa fille, née en 2019, qui sera séparée de sa mère ou de son père en cas de retour en Turquie de ce dernier ;

- il est entaché d'une erreur de droit, les dispositions de l'article R. 5221-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant à l'étranger en situation irrégulière détenteur d'un récépissé de demande de titre de déposer une demande d'autorisation de travail ;

- en outre, le préfet n'a pas tenu compte dans l'appréciation de l'opportunité de lui délivrer un titre de séjour " salarié " de ses liens privés et familiaux en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête n'est pas fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Par une décision du 11 décembre 2020, M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Balaresque a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 9 mars 2020, le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A..., l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 23 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, il ne ressort pas des pièces du dossier ni des termes de l'arrêté du 9 mars 2020, qui mentionne l'enfant de M. A... même s'il ne vise pas la convention internationale relative aux droits de l'enfant, que le préfet n'aurait pas pris en compte l'intérêt supérieur de cet enfant avant de procéder à l'édiction de l'arrêté litigieux. Si M. A... soutient en outre que le préfet n'a pas pris en compte l'intérêt supérieur du fils né du premier lit de son épouse alors qu'il en assure également la charge, il n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle doivent être écartés.

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Selon l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. M. A..., ressortissant turc né le 15 janvier 1997 à Saraykent (Turquie) fait valoir qu'entré en France en mai 2018, il y réside habituellement depuis lors auprès de son épouse, ressortissante turque titulaire d'une carte de résident, avec laquelle il s'est marié en Turquie le 14 septembre 2017 puis a eu une fille née à Béziers le 4 mars 2019. Il fait également valoir qu'il a à sa charge le fils de son épouse né en 2015 d'une première union, dont il déclare que le père est décédé. Toutefois, M. A..., qui est entré irrégulièrement sur le territoire français et a fait l'objet le 16 septembre 2018 d'une obligation de quitter le territoire français, n'établit pas par les pièces qu'il produit la réalité de sa vie commune avec son épouse, antérieurement au mois de février 2020. Si le requérant fait valoir que les revenus de son épouse seraient insuffisants pour lui permettre de bénéficier du regroupement familial, ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, le préfet dispose à cet égard d'un pouvoir d'appréciation et n'est donc pas lié par le montant des ressources du foyer. Au vu de l'ensemble de ces éléments, compte tenu notamment de la durée et des conditions du séjour de M. A... en France et du caractère récent de la constitution de sa cellule familiale, M. A..., qui n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Turquie, où résident ses parents et trois de ses frères et sœurs et où il a vécu la majeure partie de sa vie, n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

5. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

6. Si M. A... soutient que l'arrêté attaqué porte à l'intérêt supérieur de l'enfant du premier lit de son épouse, né en 2015, qui est scolarisé et dont il allègue avoir la charge ainsi qu'à celui de sa fille, née en 2019, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 4, M. A... n'établit pas, par les pièces qu'il produit, la réalité de sa vie commune avec son épouse, leur fille et le fils de son épouse né d'une première union, antérieurement au mois de février 2020. Dans ces conditions, eu égard au caractère très récent de la vie commune avec ces deux enfants, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.

7. D'une part, aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle (...) sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1. ". Aux termes de l'article L. 313-10 du même code : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. (...) ".

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Et aux termes de l'article R. 5221-14 de ce code : " Peut faire l'objet de la demande prévue à l'article R. 5221-11 l'étranger résidant hors du territoire national ou, lorsque la détention d'un titre de séjour est obligatoire, l'étranger résidant en France sous couvert d'une carte de séjour, d'un récépissé de demande ou de renouvellement de carte de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour ".

9. Il résulte de ces dispositions que le préfet régulièrement saisi d'une demande d'autorisation de travail est tenu de la faire instruire et ne peut refuser l'admission au séjour de l'intéressé au motif que ce dernier ne produit pas d'autorisation de travail ou de contrat de travail visé par l'autorité compétente. Toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet, saisi par un étranger déjà présent sur le territoire national et qui ne dispose pas d'un visa de long séjour, d'examiner la demande d'autorisation de travail ou de la faire instruire par les services compétents du ministère du travail, préalablement à ce qu'il soit statué sur la délivrance du titre de séjour.

10. Enfin, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ".

11. Contrairement à ce que soutient M. A..., il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté que, pour refuser son admission exceptionnelle au séjour et la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de ces dispositions, le préfet a tenu compte, outre la promesse d'embauche dont il se prévalait, de l'ensemble de la situation personnelle de l'intéressé. Le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié doit, dès lors, être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mars 2020 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

13. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que ses conclusions présentées en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2022, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président-assesseur,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2022.

2

No 21MA00516


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00516
Date de la décision : 09/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-09;21ma00516 ?
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