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09/02/2022 | FRANCE | N°20MA04484

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 09 février 2022, 20MA04484


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Club seynois multi-sports a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la-Seyne-sur-Mer a refusé de soumettre au conseil municipal une délibération tendant à lui octroyer une subvention.

Par un jugement n° 1704202 du 2 octobre 2020, le tribunal administratif de Toulon a annulé cette décision et enjoint au maire de la-Seyne-sur-Mer de réexaminer la demande de l'association.

Procédure devant la cour :

Par une requ

te et un mémoire récapitulatif, enregistrés le 2 décembre 2020 et le 28 octobre 2021, la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Club seynois multi-sports a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la-Seyne-sur-Mer a refusé de soumettre au conseil municipal une délibération tendant à lui octroyer une subvention.

Par un jugement n° 1704202 du 2 octobre 2020, le tribunal administratif de Toulon a annulé cette décision et enjoint au maire de la-Seyne-sur-Mer de réexaminer la demande de l'association.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire récapitulatif, enregistrés le 2 décembre 2020 et le 28 octobre 2021, la commune de la Seyne-sur-Mer, représentée par MGR avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 octobre 2020 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'association Club seynois multi-sports en première instance ;

3°) de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de l'association en première instance était tardive ;

- l'article 9-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 s'oppose à toute subvention, dès lors que l'association gère dans les faits un service public ;

- la demande initiale de l'association était trop imprécise ;

- la décision contestée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les moyens soulevés par l'association Club seynois multi-sports ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense récapitulatif, enregistré le 10 novembre 2021, l'association Club seynois multi-sports, représentée par Me Bourrel, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par la commune de la Seyne-sur-Mer ;

2°) de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la commune de la Seyne-sur-Mer ne sont pas fondés ;

- les motifs de refus opposés par la commune sont infondés ;

- la décision contestée méconnaît le principe d'égalité ;

- elle constitue une sanction déguisée, qui méconnaît les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité des peines ;

- elle est entachée de détournement de pouvoir.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Mérenne,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Pillet, substituant Me Gravé, représentant la commune de la Seyne-sur-Mer, et de Me Bourrel, représentant l'association Club seynois multi-sports.

Une note en délibéré présentée par l'association Club seynois multi-sports a été enregistrée le 25 janvier 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 10 juillet 2017, l'association Club seynois multi-sports a demandé en substance au maire de la Seyne-sur-Mer de soumettre au conseil municipal une délibération tendant à lui octroyer une subvention supplémentaire, destinée à compenser la baisse des subventions annuelles de fonctionnement que la commune lui avait accordées pour la période 2014-2017.

2. La commune de la Seyne-sur-Mer fait appel du jugement du 2 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision implicite née du silence conservé par le maire sur cette demande.

Sur le bien-fondé du moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

3. Il ressort des pièces du dossier que le refus d'octroyer la subvention demandée par l'association Club seynois multi-sports est notamment fondé sur l'occupation sans titre d'un complexe sportif appartenant à la commune, la situation financière de l'association, la baisse générale de ses activités, et l'absence d'informations détaillées sur l'activité des différentes sections sportives.

4. En premier lieu, le maire de la Seyne-sur-Mer pouvait, sans commettre d'erreur de droit, tenir compte de ce qu'une partie de l'activité du Club seynois multi-sports était irrégulièrement exercée sur le domaine public communal pour considérer qu'elle ne répondait pas, dans cette mesure, à un intérêt public communal. L'association fait valoir que l'occupation ne concernait que sa section tennis, à laquelle la subvention n'aurait pas été destinée. Cette occupation était toutefois le fait de l'association elle-même, en tant que personne morale, qui demandait une subvention de fonctionnement à caractère général, sans distinction entre ses différentes sections sportives. Un tel motif pouvait donc légalement fonder le refus d'octroyer une subvention supplémentaire à la date de la décision contestée.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'association disposait, en 2016, de fonds propres à hauteur de 506 967 euros et d'une trésorerie disponible de 360 216 euros, dont 196 004 euros sur des livrets, et qu'elle avait réalisé en 2016 un excédent de 20 571 euros, malgré la réduction de la subvention versée par la commune à 15 000 euros. Par ailleurs, elle bénéficiait de la mise à disposition d'installations sportives communales, valorisées à hauteur de 324 610 euros. Le maire pouvait, sans commettre d'erreur de droit ou de fait, tenir compte de cette situation financière pour exercer le pouvoir d'appréciation qui lui incombait au regard de l'objet de la subvention demandée et de la bonne gestion des deniers publics.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que les sections sportives de l'association Club seynois multi-sports pour la randonnée, la lutte et le ski sont devenues des associations autonomes respectivement en 2014, 2015 et 2016, qui reçoivent en propre des subventions municipales. La diminution des activités d'une association peut légalement justifier le refus de lui octroyer une subvention supplémentaire. L'association n'apporte pas d'éléments factuels précis de nature à contredire ce motif. Celui-ci n'est dès lors pas entaché d'erreur de droit ou de fait.

7. En quatrième lieu, les deux premiers alinéas de l'article L. 1611-4 du code général des collectivités territoriales prévoient que : " Toute association, œuvre ou entreprise ayant reçu une subvention peut être soumise au contrôle des délégués de la collectivité qui l'a accordée. / Tous groupements, associations, œuvres ou entreprises privées qui ont reçu dans l'année en cours une ou plusieurs subventions sont tenus de fournir à l'autorité qui a mandaté la subvention une copie certifiée de leurs budgets et de leurs comptes de l'exercice écoulé, ainsi que tous documents faisant connaître les résultats de leur activité. "

8. Quelles que soient les informations disponibles sur son site internet, la commune pouvait, sans commettre d'erreur de droit, demander des informations détaillées sur l'activité des différentes sections sportives afin d'apprécier les besoins de chaque discipline, l'usage des fonds alloués, et, par suite, le bon usage des deniers publics. Contrairement à ce que soutient l'association, la production de telles informations, qui sont indépendantes de la satisfaction des besoins propres de la commune, ne conduiraient pas à requalifier la subvention demandée en marché de services. Si l'association Club seynois multi-sports, ainsi qu'elle le rappelle, peut s'organiser librement, établir un budget unique et mutualiser ses moyens financiers, elle n'est pas dans l'obligation de demander une subvention municipale, dont l'objet n'est pas de financer la réalisation de ses objectifs propres, mais de répondre à un intérêt public communal. Ce motif n'est donc pas contraire à la liberté d'association.

9. Enfin, compte tenu des éléments vus aux points 3 à 8, c'est à tort que le tribunal administratif a retenu que le refus du maire de soumettre au conseil municipal tendant à attribuer une subvention supplémentaire à l'association Club seynois multi-sports était entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

10. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'association.

Sur les autres moyens :

11. D'une part, les motifs évoqués ci-dessus sont propres à la situation de l'association Club seynois multi-sports. Il ne ressort pas des pièces du dossier que d'autres associations sportives de la commune, qui exercent leurs activités dans des conditions différentes, soient placées dans la même situation. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit donc être écarté. Par ailleurs, aucune règle ni principe n'impose à une collectivité territoriale de procéder à une baisse uniforme des subventions versées aux associations.

12. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 à 9 que la décision contestée ne tend pas à punir l'association pour l'occupation irrégulière du domaine public. Elle apprécie le bien-fondé d'une demande de subvention supplémentaire au regard de l'intérêt public communal et du bon usage des deniers publics. Elle ne constitue pas une sanction. Les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnaîtrait les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité des peines sont en conséquence inopérants. Pour les mêmes raisons, la décision contestée n'est pas entachée de détournement de pouvoir.

13. Enfin, il résulte de l'instruction que le maire aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur les seuls motifs évoqués au point 2. Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner la légalité des autres motifs invoqués par la commune.

14. Il résulte de ce qui précède que la commune de la Seyne-sur-Mer est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision implicite par laquelle le maire de la-Seyne-sur-Mer a refusé de soumettre au conseil municipal une délibération tendant à octroyer une subvention supplémentaire à l'association Club seynois multi-sports.

15. Il n'est dès lors pas nécessaire de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par la commune à la demande de première instance.

Sur les frais liés au litige :

16. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'association Club seynois multi-sports le versement de la somme de 2 000 euros à la commune de la Seyne-sur-Mer au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

17. En revanche, la commune n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Les dispositions de cet article font en conséquence obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par l'association sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 2 octobre 2020 du tribunal administratif de Toulon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'association Club seynois multi-sports devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.

Article 3 : L'association Club seynois multi-sports versera à la commune de la Seyne-sur-Mer la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de la Seyne-sur-Mer et à l'association Club seynois multi-sports.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2022, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 février 2022.

2

No 20MA04484


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04484
Date de la décision : 09/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-03-04-01 Collectivités territoriales. - Commune. - Attributions. - Interventions économiques (voir supra : Dispositions générales). - Aides directes et indirectes.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : BOURREL

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-09;20ma04484 ?
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