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08/02/2022 | FRANCE | N°21MA04220

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 08 février 2022, 21MA04220


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 mars 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 2102997 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 26 octobre 2021, sous le n° 21MA04220, Mme

D... B..., représentée par Me Leonhardt, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 mars 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de renouveler son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 2102997 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 26 octobre 2021, sous le n° 21MA04220, Mme D... B..., représentée par Me Leonhardt, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 juillet 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 mars 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire l'autorisant à travailler, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande et de lui délivrer dans l'attente une autorisation de séjour l'autorisant à travailler, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 la somme de 2 000 euros, qui sera versée à Me Leonhardt en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et à défaut d'obtention de l'aide juridictionnelle de mettre à la charge de l'Etat cette somme à verser à Mme B....

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'absence de délibération collégiale des médecins composant le collège de l'OFII ;

- la décision en litige méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;

- le refus de lui accorder un délai supérieur à trente jours pour quitter le territoire français n'est pas motivé ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquences de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à la nécessité de la continuité des soins.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 novembre 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'en l'absence de moyens nouveaux en appel, il se réfère à son mémoire en défense de première instance.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 novembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.t

II. Par une requête enregistrée le 26 octobre 2021, sous le n° 21MA04221, Mme D... B..., représentée par Me Leonhardt, demande à la Cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'arrêté du 30 mars 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône en tant qu'il porte refus de titre de séjour ;

2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 la somme de 2 000 euros, qui sera versée à Me Leonhardt en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et à défaut d'obtention de l'aide juridictionnelle de mettre à la charge de l'Etat cette somme à verser à Mme B....

Elle soutient que :

- l'exécution du jugement comporte des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens soulevés dans sa requête au fond sont sérieux.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 novembre 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 novembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la Cour a décidé, par décision du 24 août 2021, de désigner M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Le rapport de M. Portail a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... B..., ressortissante comorienne, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 mars 2020 par lequel le préfet des Bouches du Rhône a refusé de lui renouveler un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Elle relève appel du jugement qui a rejeté sa demande. Elle forme également un référé suspension contre l'arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français en application des dispositions de l'article R. 521-1 du code de justice administrative.

2. Les requêtes 21MA04220 et 21MA04221 concernent une même personne et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre en statuant par un même arrêt.

Sur la régularité du jugement :

3. En répondant au moyen tiré de ce que le médecin rapporteur aurait siégé au sein du collège des médecins, le tribunal a précisé que le collège des médecins s'est réuni le 26 novembre 2019. Il a ainsi répondu au moyen tiré de ce qu'il n'est pas établi que les médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ont effectivement délibéré et émis un avis collégial.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...). ". Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande en raison de son état de santé, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser de délivrer ou de renouveler le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est affectée d'un cancer de l'utérus, qui a nécessité en février 2018 une opération lourde avec hystérectomie suivie d'une chimiothérapie. Le certificat médical établi par le docteur A... le 8 août 2020 indique qu'elle doit se rendre à des rendez-vous de contrôle périodiques à l'hôpital de la Conception et à l'Institut Paoli Calmette, sans du reste indiquer la périodicité de ces contrôles. Le certificat médical établi le 6 octobre 2021 par le docteur C..., praticien hospitalier exerçant dans le service de gynécologie de l'hôpital de la Conception, indique que l'état de santé de Mme B... nécessite un suivi rapproché par un spécialiste tous les quatre mois, avec imagerie de contrôle. Le collège des médecins a estimé dans son avis du 13 décembre 2019 que le défaut de prise en charge médicale peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

6. La requérante produit des articles émanant d'associations de lutte contre le cancer, notamment de l'association comorienne de lutte contre le cancer chez la femme, à l'occasion de l'opération " octobre rose contre le cancer ", qui indique qu'il n'existe pas de services d'oncologie aux Comores. Le conseil de la requérante s'est rapprochée de cette association qui, dans un courriel du 1er avril 2021, lui confirme qu'il n'existe pas de prise en charge du cancer du col de l'utérus aux Comores. Toutefois, ces documents imprécis ne permettent pas d'établir qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un suivi aux Comores. Ils ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation des médecins de l'OFFI selon laquelle l'intéressée peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans ce pays. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit dès lors être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas (...) ". En application de ces dispositions, lorsque l'autorité administrative prévoit qu'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement dispose du délai de départ volontaire de trente jours, qui est le délai normalement applicable, ou d'un délai supérieur, elle n'est pas tenue de motiver sa décision sur ce point si l'étranger, comme en l'espèce, n'a présenté aucune demande en ce sens. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du délai de départ volontaire fixé par la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écarté.

8. En troisième lieu, le moyen tiré d'une violation de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, doit être écarté pour les motifs exposés aux points 4 à 6 ci-dessus.

9. En quatrième lieu, la requérante n'établissant pas l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, ainsi qu'il a été dit précédemment, le moyen tiré par la voie de l'exception de cette illégalité à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. La requérante ne justifie pas avoir constitué le centre de ses intérêts privés et familiaux en France. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., entrée sur le territoire français en 2017, a vécu aux Comores jusqu'à 51 ans et ne peut pas dès lors être regardée comme dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie familiale en prenant les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français au regard des objectifs poursuivis.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par suite ses conclusions accessoires aux fins d'injonctions doivent être rejetées.

Sur les conclusions aux fins de suspension de l'arrêté attaqué en tant qu'il porte refus de titre de séjour :

13. Dès lors qu'elle se prononce sur les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation du jugement contesté et de l'arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, il n'y a pas lieu pour la Cour de statuer sur les conclusions tendant à la suspension de cet arrêté.

Sur les frais liés au litige :

14. L'Etat n'étant pas partie perdante, les conclusions de Mme B... fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative et l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de suspension de l'arrêté du 30 mars 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône en tant qu'il porte refus de titre de séjour.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de Mme D... B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Leonhardt.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2022 où siégeaient :

M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Carassic, première conseillère,

- Mme Baizet première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 février 2022.

2

N° 21MA04220, 21MA04221


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04220
Date de la décision : 08/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : SCP BOURGLAN - DAMAMME - LEONHARDT;SCP BOURGLAN - DAMAMME - LEONHARDT;SCP BOURGLAN - DAMAMME - LEONHARDT

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-08;21ma04220 ?
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