La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/02/2022 | FRANCE | N°20MA01879

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 03 février 2022, 20MA01879


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'ONIAM a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat (ministère des armées) à lui verser, d'une part, la somme de 1 226 393,06 euros au titre du remboursement de l'indemnisation versée à M. C..., d'autre part, la somme de 2 100 euros au titre du remboursement des frais d'expertise, et, enfin, la somme de 183 958,95 euros à titre de pénalité de 15 % sur le fondement de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, lesdites sommes devant porter intérêts au taux légal à compt

er du 20 juillet 2015, date de réception de la demande préalable.

La caisse...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'ONIAM a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat (ministère des armées) à lui verser, d'une part, la somme de 1 226 393,06 euros au titre du remboursement de l'indemnisation versée à M. C..., d'autre part, la somme de 2 100 euros au titre du remboursement des frais d'expertise, et, enfin, la somme de 183 958,95 euros à titre de pénalité de 15 % sur le fondement de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, lesdites sommes devant porter intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2015, date de réception de la demande préalable.

La caisse nationale militaire de sécurité sociale a demandé au tribunal de condamner l'Etat (ministère des armées) à lui verser la somme de 47 870,28 euros au titre des débours exposés pour le compte de M. C..., cette somme devant porter intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2017 avec capitalisation annuelle, ainsi qu'une somme de 305 274,87 euros, à parfaire, au titre des frais futurs qu'elle sera amenée à exposer ; elle a demandé également le remboursement par le ministère de la défense des prestations qu'elle servira à son assuré social, au fur et à mesure qu'elles seront exposées et sur présentation de l'état détaillé correspondant ; elle a demandé, enfin, que soit mise à la charge de l'Etat (ministère des armées) une indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de 1 080 euros.

M. C... et Mme B... épouse C..., représentés par Me Albertini, ont demandé au tribunal de condamner l'Etat (ministère des armées) à verser, d'une part à M. C..., la somme de 50 000 euros, d'autre part à Mme B... épouse C..., la somme de 1 572 253,99 euros, et, enfin, en leur qualité de représentants légaux de Mlle A... C..., la somme de 150 000 euros, en réparation des préjudices subis à la suite du retard de diagnostic dont M. C... a été victime et non indemnisés par l'ONIAM.

Par un jugement n° 1701174,1906901 du 23 mars 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté l'ensemble de ces demandes.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 23 mai 2020 sous le numéro 20MA01879, l'ONIAM, représenté par Me Welsch, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 mars 2020 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de condamner l'Etat (ministère des armées) à lui verser, d'une part, la somme de 1 226 393,06 euros au titre du remboursement de l'indemnisation versée à M. C..., d'autre part, la somme de 2 100 euros au titre du remboursement des frais d'expertise, et, enfin, la somme de 183 958,95 euros à titre de pénalité de 15 % sur le fondement de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, lesdites sommes devant porter intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2015, date de réception de la demande préalable ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat (ministère des armées) une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son recours subrogatoire est fondé au regard des préjudices subis par M. C... du fait d'un retard de diagnostic imputable à l'hôpital d'instruction des armées de Lavéran à Marseille ;

- il y a lieu de condamner l'Etat (ministre des armées) au remboursement des sommes versées à M. C..., des frais d'expertise et d'y ajouter une pénalité de 15 % en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique.

Par des mémoires, enregistrés le 10 août 2020 et le 3 février 2021, la caisse nationale militaire de sécurité sociale, représentée par Me Vergeloni, demande à la Cour :

1°) de condamner l'Etat (ministère des armées) à lui verser la somme de

47 870,28 euros au titre des débours exposés pour le compte de M. C..., cette somme devant porter intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2019, avec capitalisation annuelle ;

2°) de condamner l'Etat (ministère des armées) à lui verser la somme de

305 274,87 euros au titre de ses frais futurs, sauf à parfaire ;

3°) de condamner l'Etat (ministère des armées) à lui rembourser les prestations qu'elle servira à son assuré social, au fur et à mesure qu'elles seront exposées et sur présentation de l'état détaillé correspondant

4°) de condamner l'Etat (ministère des armées) à lui verser une indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de 1 098 euros ;

5°) de mettre à la charge de tout succombant le paiement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle a exposé des débours d'un montant de 47 870,28 euros pour le compte de M. C..., auxquelles il convient d'ajouter une somme de 305 274,87 euros à titre de frais de santé futurs et certains.

Par un mémoire, enregistré le 8 mars 2021, M. C... et Mme B... épouse C... agissant en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de Mlle A... C..., représentés par Me Albertini, demandent à la cour d'annuler le jugement du 23 mars 2020 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a rejeté les demandes de l'ONIAM et de la caisse nationale militaire de sécurité sociale.

Ils soutiennent que la demande de l'ONIAM est fondée.

Par un mémoire, enregistré le 15 mars 2021, la ministre des armées conclut à titre principal au rejet de la requête et des conclusions de la caisse nationale militaire de sécurité sociale.

Elle soutient que c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté la demande de l'ONIAM.

La clôture de l'instruction a été fixée au 6 mai 2021, par application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du même jour.

Un mémoire, enregistré le 10 juin 2021, présenté pour l'ONIAM, représenté par Me Welsch, n'a pas été communiqué.

La requête a été communiquée au groupe Uneo qui n'a pas produit de mémoire.

II. Par une requête enregistrée le 25 mai 2020 sous le numéro 20MA01880 et des mémoires enregistrés les 8 mars et 1er avril 2021, M. C... et Mme B... épouse C... agissant en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de Mlle A... C..., représentés par Me Albertini, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement du 23 mars 2020 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de condamner l'Etat (ministère des armées) à verser, d'une part à M. C..., la somme de 50 000 euros, d'autre part à Mme B... épouse C..., la somme de 1 572 253,99 euros, et, enfin, en leur qualité de représentants légaux de Mlle A... C..., la somme de 150 000 euros, en réparation des préjudices subis à la suite du retard de diagnostic dont M. C... a été victime et non indemnisés par l'ONIAM, ces sommes devant être assorties des intérêts légaux à compter du 20 mars 2019 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les dommages subis par M. C... sont imputables à une faute, à l'origine d'une perte de chance d'éviter les séquelles actuelles à hauteur de 80%, qui engage la responsabilité du ministre de la défense ;

- M. C... est fondé à réclamer le versement d'une somme de 50 000 euros au titre de son préjudice sexuel, non indemnisé par l'ONIAM ;

- Mme B... épouse C... est également fondée à réclamer une indemnisation au titre de ses préjudices propres et à hauteur d'un montant de 1 372 253,99 euros au titre des pertes de gains professionnels, de 100 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, de 50 000 euros au titre du préjudice d'affection et de 50 000 euros au titre de son préjudice sexuel ;

- ils sont également fondés à réclamer les sommes de 50 000 euros et de 100 000 euros en leur qualité d'ayants droit de leur fille A..., née le 11 mai 2016, au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence.

Par un mémoire enregistré le 8 août 2020, l'ONIAM, représenté par Me Welsch, demande à la cour, par la voie de l'appel incident :

1°) d'annuler le jugement du 23 mars 2020 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de condamner l'Etat (ministère des armées) à lui verser, d'une part, la somme de 1 226 393,06 euros au titre du remboursement de l'indemnisation versée à M. C..., d'autre part, la somme de 2 100 euros au titre du remboursement des frais d'expertise, et, enfin, la somme de 183 958,95 euros à titre de pénalité de 15 % sur le fondement de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, lesdites sommes devant porter intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2015, date de réception de la demande préalable ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat (ministère des armées) une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son recours subrogatoire est fondé au regard des préjudices subis M. C... du fait d'un retard de diagnostic imputable à l'hôpital d'instruction des armées Lavéran à Marseille ;

- il y a lieu de condamner l'Etat (ministre des armées) au remboursement des sommes versées à M. C..., des frais d'expertise et d'y ajouter une pénalité de 15 % en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique.

Par un mémoire, enregistré le 15 mars 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête et des conclusions de l'ONIAM et de la caisse nationale militaire de sécurité sociale.

Elle soutient que :

- aucune faute n'est imputable à l'hôpital d'instruction des armées Laveran ;

- si un retard de diagnostic devait néanmoins être retenu, le taux de perte de chance ne saurait excéder 20 %.

La clôture de l'instruction a été fixée au 6 mai 2021, par application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du même jour.

Un mémoire, enregistré le 10 juin 2021, présenté pour l'ONIAM, représenté par Me Welsch, n'a pas été communiqué.

La requête a été communiquée au groupe Uneo qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., réengagé à la Légion étrangère en 2009 et affecté auprès de la brigade franco-allemande, est atteint de la maladie de Wilson qui a été diagnostiquée par des médecins allemands au mois d'avril 2010. Après avoir fait procéder à deux expertises médicales, l'ONIAM a considéré que les séquelles qu'il conserve de cette maladie étaient imputables, à 80%, à un retard de diagnostic commis à l'occasion des visites médicales d'aptitude qu'il avait passées en 2009 à l'hôpital d'instruction des armées Lavéran, et a estimé devoir se substituer à l'Etat pour l'indemniser sur le fondement des dispositions de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique. L'ONIAM a ensuite saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande en vue d'obtenir le remboursement par l'Etat des indemnités qu'il a versées à M. C..., majorées d'une pénalité de 15%, ainsi que des frais des expertises médicales. Dans cette instance, la caisse nationale de sécurité sociale des militaires (CNSSM), est intervenue pour demander la condamnation de l'Etat à lui rembourser les frais passés, présents et futurs qu'elle a exposés ou exposera pour son assuré.

2. Par une demande distincte, M. C... et son épouse, agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leur fille mineure A... C..., ont saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande en vue d'être indemnisés par l'Etat des préjudices non déjà réparés par l'ONIAM résultant, pour chacun d'eux, de la faute commise, selon eux, par les médecins de l'hôpital d'instruction des armées Lavéran.

3. Par un jugement du 23 mars 2020 dont l'ONIAM, sous le n° 20MA01879, et les consorts C..., sous le n° 20MA01880, relèvent appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes mentionnées ci-dessus. Ces deux requêtes, dirigées contre un même jugement, ont fait l'objet d'une instruction commune et présentent à juger les mêmes questions. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

4. Le I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique prévoit que la responsabilité de tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins peut être engagée en cas de faute.

5. Il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise des 12 septembre 2012 et 26 août 2013, que lorsqu'il a constaté, le 24 mars 2009, une anomalie ophtalmologique avec un anneau cornéen coloré, le médecin de l'hôpital d'instruction des armées Lavéran chargé de réaliser la visite d'aptitude médicale de M. C... a mis en œuvre la démarche médicalement appropriée en sollicitant un avis spécialisé. Il résulte également de l'instruction que, à la date de l'examen ophtalmologique réalisé le 2 avril 2009 par un ophtalmologiste de ce même hôpital, l'anneau présent dans l'œil de M. C... présentait une coloration et une localisation ne correspondant pas à celles devant faire évoquer un anneau de Kayser Fleisher et n'était pas associé à des troubles neurologiques permettant de suspecter une relation avec une maladie neurologique.

6. Ainsi, le tableau présenté par M. C... au moment où il a subi les examens médicaux à l'hôpital des armées de Lavéran non sur sa demande, mais simplement en vue de vérifier son aptitude physique aux fonctions qu'il souhaitait exercer, n'appelait pas, comme le tribunal l'a jugé à juste titre, la réalisation d'investigations supplémentaires permettant d'envisager toutes les pathologies susceptibles d'être associées à une coloration cornéenne. Il suit de là que le service de santé des armées ne peut être regardé comme ayant commis une faute en ne posant pas, dès le printemps 2009, le diagnostic de la maladie de Wilson, d'occurrence rare et difficile à diagnostiquer, les médecins consultés par l'intéressé ne l'ayant évoquée indubitablement qu'au printemps 2010, et seulement après que des signes cliniques caractéristiques de cette pathologie autres que l'anneau de Kayser-Fleischer eurent été constatés.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes.

Sur les frais d'instance :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des parties la charge de ses frais d'instance.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes présentées par l'ONIAM sous le n° 20MA01879 et par M. C... et Mme B... épouse C... sous le n° 20MA01880 sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par la caisse nationale militaire de sécurité sociale dans l'instance n° 20MA01879 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la ministre des armées, à la caisse nationale militaire de sécurité sociale, à la mutuelle UNEO, à M. E... C... et Mme D... B... épouse C....

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022 où siégeaient :

- M. Alfonsi, président,

- Mme Massé-Degois, présidente-assesseure,

- M. Mahmouti, première conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 février 2022.

2

N° 20MA01879, 20MA01880

cm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01879
Date de la décision : 03/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SCP UGGC AVOCATS;SCP UGGC AVOCATS;ALBERTINI

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-03;20ma01879 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award