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01/02/2022 | FRANCE | N°21MA02181

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 01 février 2022, 21MA02181


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté en date du 18 décembre 2020 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours, et d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte temporaire de séjour dans un délai de quinze jours, sous astreinte de cent euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions de délai e

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté en date du 18 décembre 2020 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de soixante jours, et d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte temporaire de séjour dans un délai de quinze jours, sous astreinte de cent euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de le munir dans cette attente d'une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 2100216 du 4 mai 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2021, M. B..., représenté par

Me Bruna-Rosso, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 4 mai 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Vaucluse du 18 décembre 2020 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer une carte temporaire de séjour dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de le munir dans cette attente d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 440 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en ce qui concerne le refus de titre de séjour et à titre principal, le préfet a commis des erreurs de droit à la fois dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile, en omettant de viser sa promesse d'embauche, de transmettre la demande d'autorisation de travail aux services compétents et d'examiner sa demande au vu de son isolement et de son jeune âge, et sans faire usage de son pouvoir de régularisation, et dans l'application des articles 7 quater et 11 de l'accord franco-tunisien et du

7° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ; le refus de titre de séjour méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et s'avère entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; subsidiairement, le refus de titre de séjour est entaché d'incompétence et d'insuffisance de motivation ;

- en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français, et à titre principal, la mesure est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour, de la méconnaissance par le préfet de l'étendue de sa compétence, de l'erreur manifeste dont elle est entachée, de ce qu'il doit bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention précitée ; à titre subsidiaire, la mesure d'éloignement est entachée d'incompétence et d'insuffisance de motivation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Revert.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité tunisienne, né le 1994, et titulaire d'une carte de séjour temporaire en qualité de travailleur saisonnier valable du 2 décembre 2014 au 1er décembre 2017, a sollicité le 12 juin 2020 du préfet de Vaucluse son admission exceptionnelle au séjour. Par arrêté du 18 décembre 2020, le préfet de Vaucluse a rejeté cette demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de soixante jours. Par jugement du 4 mai 2021, dont il relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté, pris en ses deux mesures litigieuses, et de l'insuffisance de motivation de ces décisions, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 2, 3 et 11 de leur jugement.

3. En deuxième lieu, compte tenu de ses termes mêmes, la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. B... était présentée au titre de la vie privée et familiale, et non au titre d'une activité salariée. La circonstance, à la supposer établie par la seule production au dossier d'instance d'un rapport d'émission de télécopie, que l'intéressé ait adressé aux services de préfecture le 22 septembre 2020, sans autre précision ni nouveau chef de demande, une promesse d'embauche consentie le 9 septembre 2020 par une entreprise agricole, n'est pas à elle seule de nature à faire regarder sa demande d'admission exceptionnelle au séjour comme présentée dès lors au titre d'une activité salariée. Ainsi, l'absence de mention de cette promesse d'embauche dans l'arrêté en litige ne saurait suffire à considérer que le préfet de Vaucluse se serait mépris sur la nature et l'objet de la demande de titre dont M. B... l'a saisi. Contrairement à ce qu'affirme en outre l'appelant, ni les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, insusceptible de justifier l'admission exceptionnelle au séjour d'un ressortissant tunisien au titre du travail, en vertu des articles 3 et 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail, ni le pouvoir général de régularisation du préfet, ne faisaient obligation à cette autorité de transmettre cette promesse d'embauche aux autorités compétentes pour la délivrance d'une autorisation de travail dont aucune demande ne lui avait d'ailleurs été transmise par l'intéressé. Il ne résulte ni des mentions de l'arrêté litigieux, ni d'aucune pièce du dossier, que le préfet aurait refusé de faire droit à la demande du requérant au motif qu'il ne justifiait pas d'un contrat de travail dûment visé par lesdites autorités. Ses moyens tirés de l'erreur de fait et d'une double erreur de droit, déjà soulevés en première instance et dûment identifiés comme tels par les premiers juges, ne peuvent qu'être écartés.

4. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour prendre l'arrêté en litige, le préfet se serait abstenu de procéder à un examen complet et personnel de la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. B..., en tenant compte notamment de son jeune âge et de son isolement, ou de faire usage de son pouvoir de régularisation.

5. En quatrième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Sans préjudice des dispositions du b) et du d) de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ". Aux termes de

l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313 2 (...) ".

6. S'il est constant que, malgré la qualité de travailleur saisonnier en vertu de laquelle M. B... a obtenu un titre de séjour pour la période du 2 décembre 2014 au

1er décembre 2017, il n'est pas retourné en Tunisie depuis son entrée sur le territoire français en décembre 2014, à l'exception du 12 octobre 2017, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, il est tout aussi constant qu'il n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine où résident ses frères et soeurs. Il ne résulte d'aucune des pièces du dossier, notamment pas d'un certificat médical du 11 décembre 2020 trop peu circonstancié, que la présence en France de M. B..., qu'il explique par l'échec de la procédure de regroupement familial engagée à son bénéfice par son père en 2011, serait rendue indispensable par la situation d'isolement ou l'état de santé de ses parents, respectivement âgés de 71 et de 61 ans et titulaires de cartes de résident. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas contesté, ainsi que l'indique l'arrêté en litige, que l'appelant a été condamné par le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc le 1er septembre 2016 à un mois d'emprisonnement avec sursis pour recel de bien provenant d'un vol et tentative d'escroquerie, la décision de refus de séjour n'a pas porté à son droit à mener une vie privée et familiale en France une atteinte excessive au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Pour les mêmes raisons, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet a pu considérer, sur le fondement des articles L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien, que son admission au séjour ne répond pas à des considérations humanitaires ou ne se justifie pas au regard de motifs exceptionnels.

7. En cinquième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que le refus de titre de séjour opposé à M. B... n'est pas entaché des illégalités qu'il a fait valoir. Par suite, celui-ci n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.

8. En sixième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que pour prendre cette mesure d'éloignement sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Vaucluse se serait cru lié par le seul constat qu'il a préalablement refusé d'admettre le requérant au séjour.

9. En dernier lieu, pour les considérations énoncées au point 6 et eu égard à la nature et aux effets de la mesure d'éloignement, c'est sans méconnaître les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien ou les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que le préfet de Vaucluse a fait obligation à M. B... de quitter le territoire français.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions liées aux frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2022, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2022.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02181
Date de la décision : 01/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : BRUNA-ROSSO

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-01;21ma02181 ?
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