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01/02/2022 | FRANCE | N°21MA00557

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 01 février 2022, 21MA00557


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'une carte de résident portant la mention " résident de longue durée -UE " et d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou à défaut de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de deux mois, suivant la même astreinte.

Par un

jugement n° 1904707 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'une carte de résident portant la mention " résident de longue durée -UE " et d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou à défaut de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de deux mois, suivant la même astreinte.

Par un jugement n° 1904707 du 2 février 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 8 février 2021, M. B..., représenté par la

SCP Dessalces, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 février 2021 ;

2°) d'annuler la décision rejetant sa demande de carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE ";

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer cette carte de résident sous astreinte de 100 euros par jour de retard suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, à défaut, de réexaminer sa demande dans le délai de deux mois à compter de cette notification, suivant la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros TTC sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou des articles 37 et 75 I de la loi du

10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de refus en litige est entachée d'erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 314-8 et R. 314-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que, sur la période de 2014 à 2019, il justifie d'une amélioration de sa situation financière et professionnelle ;

- il peut prétendre à la délivrance de plein droit d'une carte de résident sur le fondement de l'article L. 314-9-2 du même code, puisque, en vertu de son droit de visite et d'hébergement, il entretient effectivement et régulièrement des relations avec ses deux enfants et qu'il n'est pas tenu judiciairement au paiement d'une pension alimentaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2021, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête, en indiquant s'en remettre à son argumentation de première instance en ce qui concerne le moyen de l'erreur d'appréciation et, s'agissant de la délivrance de plein droit d'une carte de résident, que le requérant ne remplit pas la condition de durée de détention de carte de séjour " parent d'enfant français ".

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille le 26 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Revert,

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain, a présenté le 21 mai 2019 une demande tendant à la délivrance d'une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE ", sur laquelle le préfet de l'Hérault a statué, le 30 mai 2019, en lui accordant une carte de séjour pluriannuelle valable du 30 mai 2019 au 29 mai 2021. M. B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler cette décision en tant qu'elle a rejeté sa demande de carte de résident portant la mention " résident de longue durée - UE ". Par le jugement du

2 février 2021, dont il relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " est délivrée de plein droit à l'étranger qui justifie : 1° D'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre de l'une des cartes de séjour temporaires ou pluriannuelles ou de l'une des cartes de résident prévues au présent code, à l'exception de celles délivrées sur le fondement des articles L. 313-7, L. 313-7-1, L. 313-7-2 ou L. 313-13, du 3° de l'article L. 313-20, de l'article L. 313-21 lorsqu'il s'agit du conjoint ou des enfants du couple de l'étranger titulaire de la carte de séjour délivrée en application du 3° de l'article

L. 313-20, des articles L. 313-23, L. 313-24, L. 317-1 ou du 8° de l'article L. 314-11. (...) / 2° De ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi qu'aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L. 5423-3 du code du travail. (...) ; / 3° D'une assurance maladie. (...) ". L'article R. 314-1-1 du même code précise que : " L'étranger qui sollicite la délivrance de la carte de résident portant la mention "résident de longue durée-UE" doit justifier qu'il remplit les conditions prévues aux articles L. 314-8, L. 314-8-1 ou L. 314-8-2 en présentant, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 314-1, les pièces suivantes : (...) 2° La justification qu'il dispose de ressources propres, stables et régulières, suffisant à son entretien, indépendamment des prestations et des allocations mentionnées au 2° de l'article

L. 314-8, appréciées sur la période des cinq années précédant sa demande, par référence au montant du salaire minimum de croissance ; lorsque les ressources du demandeur ne sont pas suffisantes ou ne sont pas stables et régulières pour la période des cinq années précédant la demande, une décision favorable peut être prise, soit si le demandeur justifie être propriétaire de son logement ou en jouir à titre gratuit, soit en tenant compte de l'évolution favorable de sa situation quant à la stabilité et à la régularité de ses revenus, y compris après le dépôt de la demande. 3° La justification qu'il bénéficie d'une assurance maladie. Les justificatifs prévus au 2° du présent article ne sont pas exigés de l'étranger titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code. ". Il résulte des dispositions précitées que la carte de résident ne peut pas être délivrée au titulaire d'une carte temporaire de séjour si ses ressources ne sont pas au moins égales au salaire minimum de croissance, l'administration conservant toutefois la faculté de prendre une décision favorable si le demandeur justifie être propriétaire de son logement ou en jouir à titre gratuit, ou compte tenu de l'évolution favorable de la situation de l'intéressé quant à la stabilité et à la régularité de ses revenus, y compris après le dépôt de la demande.

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment des bulletins de salaire et contrats d'intérim ou de missions temporaires produits, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que sur la période des cinq années précédant sa demande de carte de résident, M. B... ne justifie pas de ressources au moins égales au salaire minimum de croissance. Si, comme devant les premiers juges, M. B... invoque une évolution favorable de sa situation, en se prévalant de son emploi d'ouvrier d'exécution au sein d'une entreprise de pose de clôtures au cours de la période de novembre 2018 à février 2019, et en versant au dossier d'instance les bulletins de salaire correspondant, il résulte des mentions du bulletin de salaire du mois de février 2019 que l'intéressé, qui ne verse pas son contrat de travail signé le 6 novembre 2018, a cessé d'exercer ses fonctions au sein de cette société le 28 février 2019. M. B... ne justifie en outre, ni avant ni après sa demande de carte de résident, d'autres sources de revenus professionnels, ni du reste d'un logement dont il serait propriétaire ou dont il aurait la jouissance à titre gratuit.

Dans ces conditions, ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de délivrer la carte de résident portant la mention " résident de longue durée - UE ", le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 314-8 et de l'article R. 314-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. En second lieu, l'article L. 314-9 du même code dispose que : " La carte de résident est délivrée de plein droit : 2°) A l'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France et titulaire depuis au moins trois années de la carte de séjour temporaire mentionnée au 6° de l'article L. 313-11 ou d'une carte de séjour pluriannuelle mentionnée au 2° de l'article

L. 313-18, sous réserve qu'il remplisse encore les conditions prévues pour l'obtention de cette carte de séjour et qu'il ne vive pas en état de polygamie. ".

5. Certes, il ressort des pièces du dossier que du fait de son divorce d'avec son épouse, M. B..., qui partage avec elle l'autorité parentale, a d'abord exercé auprès de ses

deux enfants, dont sa fille de nationalité française, un simple droit de visite médiatisée deux fois par mois de novembre 2017 à mai 2018, puis a été autorisé, par jugement du tribunal de grande instance de Montpellier du 7 mai 2018, à exercer un droit de visite simple en fin de semaine à partir de juillet 2018, et à accueillir ses enfants à domicile un week-end sur deux de juillet à octobre et la moitié des vacances scolaires à partir d'octobre 2018. Par arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 30 novembre 2018, le requérant a obtenu le droit de procéder aux formalités administratives concernant ses enfants dans le respect de l'autorité parentale. Dans ces conditions, alors qu'aucune des décisions du juge aux affaires familiales n'a mis à la charge du requérant une obligation de pension alimentaire, et que, selon les affirmations du préfet en appel, la carte de séjour valable deux ans qui lui a été délivrée le 30 mai 2019 repose sur les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles subordonnent l'octroi de ce titre de séjour à la contribution effective par le demandeur à l'entretien et à l'éducation de son enfant français, c'est à tort que pour refuser d'accorder à l'intéressé une carte de résident sur le fondement des dispositions citées au point 4, le préfet de l'Hérault a considéré qu'il ne remplissait pas les conditions prévues pour l'obtention de la carte de séjour prévue au 6° de l'article L. 313-11.

6. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

7. Le préfet de l'Hérault affirme, dans son mémoire en défense, que M. B... n'est pas titulaire depuis au moins trois années de la carte de séjour temporaire mentionnée au 6° de l'article L. 313-11 ou d'une carte de séjour pluriannuelle mentionnée au 2° de l'article L. 313-18. Il ressort des pièces du dossier que depuis le 31 octobre 2007, jusqu'à la délivrance

le 30 mai 2019 de sa carte pluriannuelle, M. B... n'a disposé que de cartes de séjour d'un an, renouvelées chaque année, sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le requérant, qui ne disposait pas déjà, à la date de la décision en litige, de la carte pluriannuelle mentionnée au 2° de l'article L. 313-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne remplit donc pas la condition de détention de titres posée par le 2° de l'article L. 314-9 pour la délivrance de plein droit de la carte de résident " parent d'enfant français ". Il résulte de l'instruction que s'il s'était fondé initialement sur un tel motif, qui est de nature à fonder légalement le rejet de la demande de carte de résident de M. B..., le préfet de l'Hérault aurait pris une décision de rejet. Il y a donc lieu de procéder à la substitution de motif que le préfet doit être regardé comme ayant sollicitée pour la première fois en appel et qui ne prive le requérant d'aucune garantie procédurale.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la SCP Dessalces et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2021.

N° 21MA005572


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00557
Date de la décision : 01/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SCP DESSALCES et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-01;21ma00557 ?
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