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01/02/2022 | FRANCE | N°19MA05603

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 01 février 2022, 19MA05603


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... et la société Matmut ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Forcalquier à verser, d'une part, une somme de

45 588 euros à Mme A... au titre des préjudices qu'elle estimait avoir subis en raison des dégradations causées à son mur de clôture et, d'autre part, une somme de 4 104 euros à la société Matmut, correspondant au titre de sa prise en charge du désordre, de mettre à la charge de la commune de Forcalquier, les dépens de l'instance, en c

e compris le coût de l'expertise judiciaire s'élevant à une somme de 7 054,36 euros ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... et la société Matmut ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Forcalquier à verser, d'une part, une somme de

45 588 euros à Mme A... au titre des préjudices qu'elle estimait avoir subis en raison des dégradations causées à son mur de clôture et, d'autre part, une somme de 4 104 euros à la société Matmut, correspondant au titre de sa prise en charge du désordre, de mettre à la charge de la commune de Forcalquier, les dépens de l'instance, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire s'élevant à une somme de 7 054,36 euros et, de mettre à la charge de la commune de la Forcalquier une somme de 3 000 euros au titre des frais du litige.

Par un jugement n° 1704131 du 17 octobre 2019, le tribunal administratif de Marseille, a partiellement fait droit à leurs demandes en ce qu'il a reconnu la responsabilité à hauteur de cinquante pour cent de la commune de Forcalquier dans la survenue des désordres et l'a ainsi condamnée à verser une somme de 22 794 euros à Mme A..., une somme de 2 052 euros à la société Matmut et a ordonné que les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de

7 054,36 euros, soient mis à la charge définitive, pour moitié, de la commune de Forcalquier, et pour moitié, de Mme A... et de la société Matmut.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 décembre 2019, sous le n° 19MA05603, la commune de Forcalquier, représentée par la SCP Lesage Berguet Gouard-Robert, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 octobre 2019 ;

2°) de rejeter la demande indemnitaire de Mme A... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est de façon erronée que le tribunal a retenu la responsabilité de la commune du fait de l'effondrement d'un mur en parement dès lors que l'usage qui en était fait ne correspondait pas à ses modalités constructives ;

- c'est à tort que le tribunal a inclus dans l'indemnité due à Mme A... l'intégralité du coût strictement nécessaire à la réalisation d'un mur de soutènement adapté à l'usage qu'elle tirait du mur sinistré et à sa transformation en mur de soutènement ; la remise en état du mur ne saurait dépasser sa valeur vénale, soit la somme de 6 000 euros ; les travaux doivent uniquement être une remise en état du mur à l'identique ; elle ne saurait prendre en charge les travaux de reconstruction de 45 m2 de terrasse et la réalisation d'une étude de sol dès lors que ce sont ces aménagements qui sont à l'origine dudit effondrement et de son changement de nature ;

- le lien de causalité entre l'effondrement du mur et les racines du micocoulier n'est pas établi comme certain dès lors que le rapport de l'expert conclut que le mur aurait probablement fini par tomber et que l'ensemble du mur présente des déformations y compris en l'absence de racines ; les travaux réalisés par Mme A... sur ledit mur en parement fragile, suffisent à expliquer la survenance de l'effondrement ;

- elle ne disposait d'aucun moyen pour appréhender l'éventuel impact des racines sur ledit mur situé sur une propriété privée, il s'agit donc d'un cas fortuit, cause exonératoire de toute responsabilité ;

- la faute de la victime résultant de l'absence d'entretien du mur est exonératoire de toute responsabilité ;

- l'indemnisation pour la réalisation d'un mur de parement et non de soutènement, ne saurait excéder, après partage de responsabilité, les 3,6 m linéaires effondrés et après application d'un coefficient de vétusté de 25 % de la valeur vénale dudit mur.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2020, Mme A... et la société Matmut représentés par Me Gasior, concluent au rejet de la requête, forment un appel incident en demandant de reconnaître l'entière responsabilité de la commune Forcalquier sur le fondement du défaut d'entretien normal de l'ouvrage public, demandent de mettre à la charge de la commune de Forcalquier, une somme de 45 588 euros à verser à Mme A... au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des dégradations, correspondant au coût de la démolition et reconstruction du mur, une somme de 4 104 euros à verser à la société Matmut, correspondant au correspondant au coût des mesures d'urgence préconisées par l'expert , une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens en ce compris le coût de l'expertise judiciaire s'élevant à la somme de

7 054,36 euros.

Elles soutiennent que :

- la responsabilité de la commune de Forcalquier est engagée au titre des dommages subis du fait du défaut d'entretien d'un ouvrage public vis-à-vis duquel M. A... a la qualité de tiers ;

- ce dommage revêt un caractère anormal et spécial ;

- Mme A... a subi un préjudice matériel de 45 588 euros et la société Matmut un préjudice financier de 4 104 euros.

Vu :

- l'ordonnance du 3 octobre 2016 par laquelle le président du tribunal administratif de Marseille a taxé les frais de l'expertise confiée à M. B... à la somme de 7 054,36 euros, qui comprend le montant de l'allocation provisionnelle ;

- les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Badie,

- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., propriétaire d'un terrain situé 11, rue Georges Guynemer à Forcalquier, a constaté en janvier 2015 puis en août 2015 l'effondrement d'un mur en partie basse de sa propriété. Par une ordonnance du 15 janvier 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a désigné M. B..., en tant qu'expert judiciaire, qui a déposé son rapport final le

30 juillet 2016. A la suite de la remise de ce rapport, Mme A... et la société Matmut, son assureur, ont saisi le tribunal administratif de Marseille afin de voir reconnaître la responsabilité de la commune de Forcalquier dans la réalisation de leurs préjudices et de la condamner à les indemniser. La commune de Forcalquier relève appel du jugement du 17 octobre 2019, par lequel le tribunal administratif de Marseille a reconnu sa responsabilité à hauteur de cinquante pour cent dans la survenue des désordres et l'a ainsi condamnée à verser une somme de

22 794 euros à Mme A..., une somme de 2 052 euros à la société Matmut et a ordonné que les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 7 054,36 euros, soient mis à la charge définitive, pour moitié, de la commune de Forcalquier, et pour moitié, de Mme A... et de la société Matmut. Par la voie de l'appel incident, Mme A... et la société Matmut demandent l'annulation de ce jugement en ce qu'il n'a reconnu la responsabilité de la commune de Forcalquier dans la survenue des désordres qu'à hauteur de cinquante pour cent.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur le principe de la responsabilité :

2. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable.

3. Pour demander à être déchargée de toute responsabilité dans l'effondrement du mur en cause, la commune de Forcalquier fait valoir que cette construction était très ancienne, sans armature ni liant, que son usage, comme mur de soutènement ne correspondait pas à sa nature de mur de parement, et que le sinistre relèverait en fin de compte d'un cas fortuit, c'est-à-dire de circonstances d'origine inconnue.

4. Il résulte de l'instruction que, dès août 2012, Mme A... signalait à la commune la déformation de son mur en pierres sèches qu'elle imputait aux racines de micocouliers sur le chemin communal longeant sa parcelle en contrebas. Deux effondrements successifs du mur emportant en partie la terrasse en surplomb de Mme A... se sont produits en 2015. Or, il ressort très clairement du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal, que si des facteurs prédisposaient à un risque d'effondrement du mur, et notamment sa nature d'ouvrage de parement et non de soutènement, sa stabilité interne très faible, des surcharges dues notamment aux apports d'eau et à des remblais au niveau de la terrasse, et le déchaussement provoqué par des racines de lierre, les facteurs déterminants de la chute de cette construction sont d'une part, la déformation progressive causée par les racines de micocouliers et d'autre part, la création en raison de cette déformation d'espaces favorisant l'accumulation d'eau à l'arrière ainsi que de matériaux meubles augmentant la poussée des terres. Ces conclusions expertales ne sont pas sérieusement remises en cause par la commune dont la responsabilité a donc été retenue à bon droit par le tribunal.

5. D..., comme l'a relevé le tribunal, et ainsi qu'il ressort de l'expertise,

Mme A... a laissé l'eau s'écouler des gouttières de son habitation vers le mur au niveau de la terrasse, n'a pas entretenu ce mur en enlevant les racines de lierre qui le fragilisait, et a procédé à une rehausse en béton et en parpaings de 60 cm au-dessus du mur en vue de la réalisation de sa terrasse ainsi qu'à des remblais à ce niveau. Ces éléments caractérisent un comportement fautif de nature à exonérer la commune de Forcalquier à hauteur de 50 % ainsi qu'il a été estimé à bon droit par les premiers juges. Il y a lieu en conséquence de rejeter la demande de la commune tendant à modifier ce partage et les conclusions d'appel incident de Mme A... et de son assureur, formulées à même fin.

Sur l'évaluation du préjudice :

6. En premier lieu, la commune conteste la prise en compte du coût des travaux de reprise du mur sur sa totalité, soit 8,5 m, et non sur la seule partie effondrée de 3,6 m. D..., l'expert s'il a initialement chiffré la reprise sur 5 mètres linéaires endommagés, indique que d'un point de vue technique " au vu des risques d'effondrement de la partie restée en place ", il est nécessaire de reprendre le mur totalement jusqu'à l'angle de la buanderie au nord de l'ouvrage, et exclut de son chiffrage la partie du mur bombée de 1,4 m située sous l'extension

d'un cabanon. Il évalue la reprise correspondant aux travaux de reconstruction d'un linéaire de 8,5 mètres de mur de soutènement, aux travaux de reconstruction de 45 mètres carrés de terrasse, et à la réalisation d'une étude de sols, ainsi qu'à la maitrise d'œuvre, à 45 588 euros toutes taxes comprises. Il n'est pas démontré par la commune que l'évaluation des travaux retenue par l'expert corresponde à des travaux autres que ceux strictement nécessaires à la remise en état de l'immeuble, que les procédés techniques envisagés ne soient pas les moins onéreux possibles ou que cette somme excéderait la valeur vénale de l'ensemble des éléments à reconstruire.

7. En second lieu, en revanche, s'agissant d'un mur ayant été construit il y a plus de cent ans, exposé au rôle aggravant de l'écoulement de l'eau des gouttières de la maison de

Mme A..., le rendant plus vulnérable, et non entretenu compte tenu de la présence de lierre affectant sa stabilité, il y a lieu de prendre en compte la fragilité intrinsèque de l'ouvrage effondré à hauteur de 20 %, pour évaluer le montant du préjudice indemnisable au titre des travaux de remise en état. Compte tenu de la part de responsabilité qui incombe à la commune de Forcalquier, Mme A... n'est donc fondée à demander qu'une indemnité de 18 235,2 euros à ce titre. La commune de Forcalquier doit donc être condamnée à verser à Mme A... une somme de 18 235,2 euros au titre des désordres qui ont affecté le mur de sa propriété au cours de l'année 2015.

Sur les frais d'expertise :

8. Par une ordonnance du 3 octobre 2016, les frais et honoraires de l'expertise de M. B... ont été taxés et liquidés à la somme de 7 054,36 euros TTC, qui comprend le montant de l'allocation provisionnelle. Il y a lieu de laisser ces frais d'expertise, comme l'ont estimé les premiers juges, à la charge définitive pour moitié, de la commune de Forcalquier, et pour moitié, de Mme A... et de la société Matmut.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Forcalquier est seulement fondée à demander la réformation du jugement en litige, dans les conditions posées au point 7 de la présente décision. Le surplus de sa demande et l'appel incident de Mme A... et de son assureur doivent, dès lors, être rejetés.

Sur les frais liés au litige :

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de Mme A... et de la société Matmut tendant à ce qu'une somme au titre des frais de l'instance d'appel soit mise à la charge de la commune de Forcalquier et à celles au même titre présentées par ladite commune.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 17 octobre 2019 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 2 : Le surplus de la requête d'appel de la commune de Forcalquier et les conclusions présentées par Mme A... et par la société Matmut par la voie de l'appel incident sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que celles présentées sur le fondement des dépens sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Forcalquier, à Mme C... A... et à la société Matmut.

Copie en sera adressée à M. B..., expert.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2022, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2022.

2

N° 19MA05603


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05603
Date de la décision : 01/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Régime de la responsabilité - Qualité de tiers.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Causes d'exonération - Faute de la victime - Existence d'une faute.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Alexandre BADIE
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SCP LESAGE - BERGUET - GOUARD-ROBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-02-01;19ma05603 ?
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