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24/01/2022 | FRANCE | N°20MA03482

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 24 janvier 2022, 20MA03482


Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Mérenne,

- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 22 mars 2019, le préfet des Alpes-Maritimes, en raison du déplacement simultané des présidents de la République populaire de Chine et de la République française dans le département des Alpes-Maritimes les 24 et 25 mars 2019, a interdit les manifestations et rassemblements du samedi 23 mars à 4h

00 au lundi 25 mars à 12h00 sur un périmètre à Nice délimité à l'article 1er de l'arrêté, du samed...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Mérenne,

- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 22 mars 2019, le préfet des Alpes-Maritimes, en raison du déplacement simultané des présidents de la République populaire de Chine et de la République française dans le département des Alpes-Maritimes les 24 et 25 mars 2019, a interdit les manifestations et rassemblements du samedi 23 mars à 4h00 au lundi 25 mars à 12h00 sur un périmètre à Nice délimité à l'article 1er de l'arrêté, du samedi 23 mars à 4h00 au dimanche 24 mars à 22h00 sur un périmètre à Villefranche-sur-Mer délimité à l'article 2, et le dimanche 24 mars de 6h00 à 22h00 sur le territoire des communes de Saint-Jean-Cap-Ferrat, Beaulieu-sur-Mer, Cap-d'Ail et La Turbie, ainsi que sur un périmètre à Èze délimité à l'article 5.

2. M. A... fait appel du jugement du 17 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet en première instance :

3. Le premier alinéa article R. 421-1 du code de justice administrative dispose que : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. "

4. Le délai prévu par ces dispositions est un délai franc. L'arrêté contesté a été publié le 22 mars 2019 dans le recueil spécial mis en ligne sur le site internet de la préfecture. Le délai de recours de deux mois a commencé à courir le lendemain de cette publication, le 23 mars 2019, et n'était donc pas expiré le 23 mai 2019, date de l'enregistrement de la demande de M. A... par le greffe du tribunal administratif de Nice.

Sur le fond :

5. Le respect de la liberté de manifestation, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, doit être concilié avec le maintien de l'ordre public. Il appartient à l'autorité investie du pouvoir de police d'apprécier le risque de troubles à l'ordre public et de prendre les mesures de nature à prévenir de tels troubles dont, le cas échéant, l'interdiction de manifestation si une telle mesure est seule de nature à préserver l'ordre public.

6. D'une part, s'agissant de la commune de Nice, le préfet s'est fondé sur un risque de débordements violents liés au mouvement des " gilets jaunes ". Si l'" acte 18 " de ce mouvement avait donné lieu le samedi 16 mars précédent à de nombreuses violences et dégradations à Paris, il est constant que les manifestations des " gilets jaunes " à Nice depuis novembre 2018 étaient restées pacifiques. Le visuel d'un message anonyme sur le réseau social " Twitter ", seul élément circonstancié produit par le ministre en appel, ne constitue pas, compte tenu des informations dont disposent les autorités de l'Etat, un élément à lui seul suffisamment probant pour établir la réalité et l'ampleur de risques de troubles à l'ordre public que l'interdiction visait à prévenir. En outre, contrairement à ce qu'avance le ministre de l'intérieur sur l'indisponibilité des forces de police, le préfet des Alpes-Maritimes disposait, selon ses propres termes, de " renforts impressionnants " pour assurer le maintien de l'ordre dans le cadre de la visite des chefs d'Etat. Eu égard aux forces de police à la disposition du préfet et aux dates de la visite des chefs d'Etat, les 24 et 25 mars, l'interdiction de se rassembler et de manifester le samedi 23 mars, dont il n'est pas établi qu'elle aurait seule été de nature à préserver l'ordre public, est disproportionnée.

7. D'autre part, le préfet et le ministre ne font état d'aucun risque de trouble à l'ordre public sur le territoire des communes de Villefranche-sur-Mer, Saint-Jean-Cap-Ferrat, Beaulieu-sur-Mer, Èze, Cap-d'Ail et La Turbie, où aucune manifestation de " gilets jaunes " n'était prévue. Ainsi que l'a déjà jugé le Conseil d'Etat (CE, 12 nov. 1997, n° 169295, au Recueil), la visite d'un chef d'Etat étranger n'est pas en elle-même de nature à justifier l'interdiction des manifestations et rassemblements, en l'absence de menace de troubles à l'ordre public. La nécessité de cette mesure dans les communes concernées n'est donc pas établie.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande, et à demander l'annulation de l'arrêté du 22 mars 2019 du préfet des Alpes-Maritimes.

9. Il n'est dès lors pas nécessaire de se prononcer sur les autres moyens invoqués par M. A....

10. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à M. A... au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 17 juillet 2020 du tribunal administratif de Nice et l'arrêté du 22 mars 2019 du préfet des Alpes-Maritimes sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2022.

2

No 20MA03482


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03482
Date de la décision : 24/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-02-01 Police. - Police générale. - Tranquillité publique. - Manifestations à caractère politique.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : LENDOM ROSANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-01-24;20ma03482 ?
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