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24/01/2022 | FRANCE | N°20MA02697

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 24 janvier 2022, 20MA02697


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... et son épouse Mme A... B... ont chacun demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés du 10 septembre 2019 par lesquels le préfet de l'Aude leur a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et les a astreints à des mesures de surveillance.

Par un jugement n°1905061-1905062 du 7 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demande

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Procédure devant la Cour :

I- Par une requête enregistrée le 4 août 2020 sous...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... et son épouse Mme A... B... ont chacun demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés du 10 septembre 2019 par lesquels le préfet de l'Aude leur a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et les a astreints à des mesures de surveillance.

Par un jugement n°1905061-1905062 du 7 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

I- Par une requête enregistrée le 4 août 2020 sous le numéro n° 20MA02697, M. D... C..., représenté par Me Ruffel, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier du 7 novembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2019 par lequel le préfet de l'Aude lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et l'a astreint à des mesures de surveillance ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros qui sera versée à Me Ruffel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision l'obligeant à quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée en fait, le préfet ne précisant pas pour quel motif il entrerait dans le champ d'application du 6° du I de l'article L. 511-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit puisqu'il avait introduit un recours devant la cour nationale du droit d'asile contre la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, qui n'était pas devenue définitive ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen réel et complet de sa situation et a été prise en méconnaissance de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet ne l'ayant pas informé qu'il pouvait présenter une demande de titre sur un autre fondement que l'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale dès lors qu'elle repose sur une obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen et d'une erreur de droit, le préfet s'étant à tort cru lié par la décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant les mesures de surveillance :

- elle est insuffisamment motivée et est entachée d'une erreur de droit, dès lors que le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 septembre 2020, la préfète de l'Aude conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

II- Par une requête enregistrée le 4 août 2020 sous le numéro n° 20MA02698, Mme A... B... épouse C..., représentée par Me Ruffel, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier du 7 novembre 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2019 par lequel le préfet de l'Aude lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et l'a astreint à des mesures de surveillance ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros qui sera versée à Me Ruffel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision l'obligeant à quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée en fait, le préfet ne précisant pas pour quel motif elle entrerait dans le champ d'application du 6° du I de l'article L. 511-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur de droit puisqu'elle avait introduit un recours devant la cour nationale du droit d'asile contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui n'était pas devenue définitive ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen réel et complet de sa situation et a été prise en méconnaissance de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet ne l'ayant pas informée qu'elle pouvait présenter une demande de titre sur un autre fondement que l'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale dès lors qu'elle repose sur une obligation de quitter le territoire français elle-même illégale ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen et d'une erreur de droit, le préfet s'étant à tort cru lié par la décision de rejet de l'office de protection des réfugiés et des apatrides ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant les mesures de surveillance :

- elle est insuffisamment motivée et est entachée d'une erreur de droit, dès lors que le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 septembre 2020, la préfète de l'Aude conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par des décisions du 26 juin 2020, M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Balaresque a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C..., ressortissants géorgiens, relèvent appel du jugement du 7 novembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 10 septembre 2019 par lesquels le préfet de l'Aude leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et les a astreints à des mesures de surveillance.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées de M. et Mme C... tendent à l'annulation du même jugement. Elles ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction applicable : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

5. Les décisions contestées visent le 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionnent que M. et Mme C..., de nationalité géorgienne, entrés en France en février 2019 selon leurs déclarations, ont présenté le 18 mars 2019 une première demande d'asile, qui a été rejetée le 24 avril 2019 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Il en résulte, d'une part, qu'elles sont suffisamment motivées en fait et, d'autre part, que leur motivation révèle qu'elles n'ont pu intervenir qu'en application de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, le préfet n'était pas tenu d'indiquer précisément l'alinéa de l'article L. 743-2 sur lequel il fondait sa décision. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit donc être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, l'invite à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 511-4, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour ". Selon l'article R. 311-37 du même code : " Lors de l'enregistrement de sa demande d'asile, l'administration remet à l'étranger, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, une information écrite relative aux conditions d'admission au séjour en France à un autre titre que l'asile et aux conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements que ceux qu'il aura invoqués dans le délai prévu à l'article D. 311-3-2. " Aux termes de cet article D. 311-3-2 : " Pour l'application de l'article L. 311-6, les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois. Toutefois, lorsqu'est sollicitée la délivrance du titre de séjour mentionné au 11° de l'article L. 313-11, ce délai est porté à trois mois. "

7. L'information prévue par l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de l'article 44 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, a pour seul objet, ainsi qu'en témoignent les travaux préparatoires de la loi, de limiter à compter de l'information ainsi délivrée le délai dans lequel il est loisible au demandeur d'asile de déposer une demande de titre de séjour sur un autre fondement, ce délai étant ainsi susceptible d'expirer avant même qu'il n'ait été statué sur sa demande d'asile. Les requérants, qui n'ont pas déposé de demande de titre de séjour auprès des services de la préfecture avant qu'aux termes des arrêtés contestés le préfet ne tire les conséquences sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile du rejet de leur demande d'asile, ne peuvent donc utilement se prévaloir, contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français prises à leur encontre, de leur défaut d'information dans les conditions prévues par l'article L. 311-6 du même code.

8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier et, en particulier, des mentions des arrêtés contestés, que le préfet de l'Aude a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. et Mme C.... Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et complet de leur situation doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : / (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 ". Aux termes de l'article L. 723-2 du même code : " I. - L'office statue en procédure accélérée lorsque : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 ; (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile présentée par M. et Mme C... a été rejetée le 24 avril 2019 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides statuant en procédure accélérée, sur le fondement des dispositions précitées du 1°) du I de l'article L. 732-2. Dans ces conditions, le droit des requérants de se maintenir sur le territoire français ayant pris fin, le préfet n'a pas commis d'erreur de droit en obligeant M. et Mme C... à quitter le territoire en application des dispositions citées au point 3 du 6°) du I de de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En cinquième lieu, si les requérants soutiennent que l'obligation de quitter le territoire français qui leur est faite les empêche de finaliser leur recours devant la cour nationale du droit d'asile et est ainsi entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur leur situation personnelle, il résulte de ce qui vient d'être dit que leur droit de se maintenir sur le territoire français avait pris fin à la suite de la décision prise par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides statuant en procédure accélérée. Ils n'apportent en outre aucun élément de nature à établir la réalité de leurs allégations relatives aux risques qu'ils encourraient en cas de retour dans leur pays d'origine. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur leur situation personnelle doit, dès lors, être écarté.

12. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

13. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C..., entrés en France en février 2019 selon leurs déclarations, ne résidaient sur le territoire français que depuis quelques mois à la date des décisions attaquées. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que leurs enfants, âgés respectivement de quatorze ans et neuf ans, n'étaient scolarisés que depuis quelques jours à la date de la décision contestée. Dès lors, et en l'absence, en outre, de signe d'intégration de ce couple, M. et Mme C..., qui ont vécu respectivement jusqu'à l'âge de 34 et 33 ans en Géorgie, pays dont ils ont tous les deux la nationalité et où ils n'établissent pas, en dépit de leurs allégations, être dépourvus de toute attache privée et familiale, ne sont pas fondés à soutenir que les obligations de quitter le territoire français prises à leur encontre auraient porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

14. En septième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, les tribunaux des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

15. Il ressort des pièces du dossier que les enfants de M. et Mme C..., âgés respectivement de quatorze ans et neuf ans ainsi qu'il vient d'être dit, n'étaient scolarisés que depuis quelques semaines à la date de la décision attaquée, alors qu'ils avaient suivi toute leur scolarité en Géorgie, et n'étaient dès lors pas intégrés profondément en France. Ils sont en outre de même nationalité que leurs deux parents. Les décisions litigieuses n'ont donc ni pour objet ni pour effet de les priver de la possibilité de suivre une scolarité ou de les séparer de leurs parents. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à arguer de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les décisions portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachée des illégalités que les requérants leur imputent. M. et Mme C... ne sont donc pas fondés à exciper de leur illégalité à l'appui des conclusions dirigées contre les décisions fixant le pays de destination.

17. En second lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

18. D'une part, il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes des décisions contestées, que le préfet ne s'est pas cru tenu d'éloigner les requérants à destination de la Géorgie mais a examiné la situation personnelle des intéressés et n'a fixé le pays de destination de l'éloignement qu'après avoir relevé que M. et Mme C..., à qui il incombait, en tout état de cause, de faire état de pièces ou arguments sur ce point, n'apportaient aucun élément de nature à établir que leur vie ou leur liberté seraient menacées ni qu'ils seraient exposés à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans leur pays d'origine.

19. D'autre part, si les requérants affirment craindre les représailles d'un individu qui aurait été amnistié après avoir été condamné pour avoir tiré sur M. C... et qui serait également à l'origine d'une tentative d'enlèvement et d'attouchements sur leur fils cadet en 2017, ils ne produisent au soutien de leurs allégations qu'une unique attestation, confuse et dépourvue de valeur probante. Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que les décisions litigieuses auraient été prises en méconnaissance des dispositions et stipulations précitées ni qu'elles seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne les mesures de surveillance :

20. Aux termes de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé en application du II de l'article L. 511-1 peut, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. (...) ".

21. Si l'obligation de présentation à laquelle un étranger est susceptible d'être astreint sur le fondement de l'article L. 513-4 a le caractère d'une décision distincte de l'obligation de quitter le territoire français, cette décision, qui tend à assurer que l'étranger accomplit les diligences nécessaires à son départ dans le délai qui lui est imparti, concourt à la mise en œuvre de l'obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, si l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration et le public impose que cette décision soit motivée au titre des mesures de police, cette motivation peut, outre la référence à l'article L. 513-4, se confondre avec celle de l'obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire.

22. En premier lieu, les arrêtés litigieux, qui visent l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionnent les fondements et l'existence de l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre des requérants, leur accordent un délai de départ volontaire de trente jours et précisent qu'il est nécessaire que les intéressés se présentent à l'autorité administrative pour l'informer des diligences en vue de leur départ. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ces décisions doit dès lors être écarté.

23. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, qui a procédé à un examen approfondi de la situation personnelle des requérants, se soit cru en situation de compétence liée pour prendre les décisions contestées. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit, dès lors, être écarté.

24. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a, par le jugement attaqué, rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de l'Aude du 10 septembre 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

25. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés litigieux, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. et Mme C... ne peuvent être accueillies.

Sur les frais de l'instance :

26. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

27. Les dispositions précitées font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser une quelconque somme à l'avocat de M. et Mme C... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Mme A... B... épouse C..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2022, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2022.

N°s 20MA02697 - 20MA02698 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02697
Date de la décision : 24/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-01-24;20ma02697 ?
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