Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière Kennel Tonnelier a demandé au tribunal administratif de Toulon, statuant sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, d'assurer l'exécution du jugement n° 1302259 du 2 juin 2016 par lequel il a annulé la délibération du 19 juin 2013 du conseil municipal de La Londe-les-Maures approuvant le plan local d'urbanisme, en tant qu'elle classe les parcelles cadastrées section BA n° 107 et 226 appartenant à cette société en zone UE. Par un jugement n° 1800241 du 19 juin 2018, le tribunal administratif de Toulon a enjoint à la commune de La Londe-les-Maures d'adopter une délibération approuvant un nouveau classement de ces parcelles dans une zone du plan local d'urbanisme dont le règlement autorise les aires de stationnement collectif de bateaux, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un arrêt n° 18MA03427 du 13 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la commune de La Londe-les-Maures contre ce jugement.
Par une décision n° 437562 du 16 juillet 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 19 juillet 2018 et le 6 octobre 2021, la commune de La Londe-les-Maures, représentée par Me Gravé, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 19 juin 2018 ;
2°) de rejeter la demande d'exécution présentée par la société Kennel Tonnelier devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de la société Kennel Tonnelier la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société Kennel Tonnelier exerce une activité commerciale qui méconnaissait les règles du plan d'occupation des sols antérieur ;
- le tribunal administratif ne peut pas lui enjoindre de classer ces parcelles dans une zone déterminée et c'est donc à tort qu'il a indiqué que la zone devrait autoriser les aires de stationnement collectif des bateaux ;
- le tribunal administratif de Toulon, en tant que juge statuant sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, a méconnu les dispositions de l'article L. 153-7 du code de l'urbanisme en lui enjoignant d'adopter un nouveau classement des parcelles cadastrées section BA n° 107 et 226 appartenant à la société Kennel Tonnelier par une simple délibération du conseil municipal, sans suivre une procédure prévue par le code de l'urbanisme pour la révision ou la modification du plan local d'urbanisme ;
- le délai de quatre mois laissé par le tribunal administratif de Toulon pour exécuter l'injonction ne laisse pas le temps nécessaire pour mener à son terme cette procédure simplifiée ;
- la procédure de révision du plan local d'urbanisme, qui s'achèvera en 2022, peut être utilisée pour permettre l'exécution du jugement du 2 juin 2016.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 janvier 2019 et le 28 septembre 2021, la société Kennel Tonnelier, représentée par Me Reghin, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de La Londe-les-Maures la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de La Londe-les-Maures ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Par décision du 1er septembre 2021, la présidente de la Cour a désigné M. Barthez, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Barthez,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Pillet substituant Me Gravé, représentant la commune de La Londe-les-Maures, et de Me Reghin, représentant la société Kennel-Tonnelier.
Considérant ce qui suit :
1. La société Kennel Tonnelier est propriétaire, sur le territoire de la commune de La Londe-les-Maures, de deux parcelles sur lesquelles s'exerce une activité de stationnement collectif de bateaux. Par une délibération du 19 juin 2013 adoptant son nouveau plan local d'urbanisme, la commune a procédé au classement de ces parcelles dans une zone ne permettant pas l'exercice de cette activité. Par un jugement du 2 juin 2016, devenu définitif, le tribunal administratif de Toulon a, à la demande de la société Kennel Tonnelier, jugé que ce classement était entaché d'erreur manifeste d'appréciation et annulé dans cette mesure le plan local d'urbanisme de la commune de La Londe-les-Maures.
2. A nouveau saisi par la société Kennel Tonnelier sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, le tribunal a, par un second jugement du 19 juin 2018, enjoint à la commune d'adopter dans un délai de quatre mois une délibération approuvant un nouveau classement des parcelles concernées dans une zone où les aires de stationnement collectif de bateaux sont autorisées, en assortissant cette injonction d'une astreinte. L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 13 novembre 2019 rejetant l'appel formé par la commune de La Londe-les-Maures contre ce jugement du 19 juin 2018 a été annulé par le Conseil d'Etat qui a renvoyé l'affaire devant la présente Cour.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 11 du code de justice administrative : " Les jugements sont exécutoires ". L'article L. 911-4 du même code, applicable au présent litige, dispose que : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution (...). Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte (...) ".
4. En premier lieu, le tribunal administratif, saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, doit respecter l'autorité de la chose jugée par le jugement au fond, ce qui notamment fait obstacle à ce qu'il puisse rectifier les erreurs de droit ou purement matérielles dont celui-ci serait entaché.
5. Le moyen selon lequel les dispositions du plan d'occupation des sols précédemment applicable ne permettaient pas l'exercice de l'activité de stationnement de bateaux sur les parcelles cadastrées section BA n° 107 et 226, que la commune de La Londe-les-Maures soulevait d'ailleurs déjà en défense dans l'instance au fond devant le tribunal administratif de Toulon, tend à contester le jugement du 2 juin 2016. Un tel moyen est inopérant dans le cadre de la présente instance relative à l'exécution de ce jugement. Il ne peut qu'être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 153-7 du code de l'urbanisme : " En cas d'annulation partielle par voie juridictionnelle d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente élabore sans délai les nouvelles dispositions du plan applicables à la partie du territoire communal concernée par l'annulation (...) ". Ces dispositions font obligation à l'autorité compétente d'élaborer, dans le respect de l'autorité de la chose jugée par la décision juridictionnelle ayant partiellement annulé un plan local d'urbanisme, de nouvelles dispositions se substituant à celles qui ont été annulées par le juge, alors même que l'annulation contentieuse aurait eu pour effet de remettre en vigueur, en application des dispositions de l'article L. 600-12 du même code ou de son article L. 174-6, des dispositions du plan local d'urbanisme ou, pour une durée maximale de vingt-quatre mois, des dispositions du plan d'occupation des sols qui ne méconnaîtraient pas l'autorité de la chose jugée par ce même jugement d'annulation.
7. Contrairement à ce que soutient la commune de La Londe-les-Maures, le jugement attaqué du 19 juin 2018 ne lui a pas enjoint de classer les parcelles appartenant à la société Kennel Tonnelier dans une zone déterminée. Il a seulement prévu qu'elles devraient être classées dans une zone où les aires de stationnement collectif des bateaux sont autorisées. Cette injonction est conforme au point 25 du jugement du 2 juin 2016, qui indique que le plan local d'urbanisme est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il a classé les parcelles litigieuses en zone UE où les aires de stationnement collectif des bateaux sont interdites, et que ces dispositions portent une atteinte excessive à la liberté de commerce et d'industrie. Ainsi, cette injonction est nécessaire pour exécuter ce jugement en application des dispositions précédemment citées du premier alinéa de l'article L. 153-7 du code de l'urbanisme. Par suite, le moyen soulevé par la commune de La Londe-les-Maures doit être écarté.
8. En troisième lieu, les dispositions de l'article L. 153-7 du code de l'urbanisme n'ont pas pour effet de permettre à l'autorité compétente de s'affranchir, pour l'édiction de ces nouvelles dispositions, des règles qui régissent les procédures de révision, de modification ou de modification simplifiée du plan local d'urbanisme prévues, respectivement, par les articles L. 151-31, L. 151-41 et L. 151-45 du même code. Ainsi, lorsque l'exécution d'une décision juridictionnelle prononçant l'annulation partielle d'un plan local d'urbanisme implique nécessairement qu'une commune modifie le règlement de son plan local d'urbanisme dans un sens déterminé, il appartient à la commune de faire application, selon la nature et l'importance de la modification requise, de l'une de ces procédures, en se fondant le cas échéant, dans le respect de l'autorité de la chose jugée, sur certains actes de procédures accomplis pour l'adoption des dispositions censurées par le juge.
9. Il ressort des motifs du jugement du 2 juin 2016, notamment de son point 25, que ce jugement implique que la commune de La Londe-les-Maures modifie le règlement de son plan local d'urbanisme dans un sens déterminé. Toutefois, contrairement à ce que soutient la commune de La Londe-les-Maures, le tribunal administratif de Toulon n'a pas estimé, dans le jugement attaqué du 19 juin 2018, qu'elle pouvait s'affranchir, pour l'édiction de ces nouvelles dispositions, des règles qui régissent les procédures de révision, de modification ou de modification simplifiée du plan local d'urbanisme prévues, respectivement, par les articles L. 153-31, L. 153-41 et L. 153-45 du code de l'urbanisme.
10. En dernier lieu, toutefois, aux termes de l'article L. 153-45 du code de l'urbanisme : " La modification peut être effectuée selon une procédure simplifiée : / 1° Dans les autres cas que ceux mentionnés à l'article L. 153-41 (...) ". L'article L. 153-41 du même code dispose que : " Le projet de modification est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement par le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou le maire lorsqu'il a pour effet : / 1° Soit de majorer de plus de 20 % les possibilités de construction résultant, dans une zone, de l'application de l'ensemble des règles du plan ; / 2° Soit de diminuer ces possibilités de construire ; / 3° Soit de réduire la surface d'une zone urbaine ou à urbaniser ; 4° Soit d'appliquer l'article L. 131-9 du présent code ". Le nouveau classement des parcelles cadastrées section BA n° 107 et 226 dans une zone permettant les aires de stationnement des bateaux n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 153-41 du code de l'urbanisme. Par suite, la commune de La Londe-les-Maures peut utiliser la procédure prévue à l'article L. 153-45 du même code pour procéder à ce nouveau classement.
11. L'article L. 153-47 du code de l'urbanisme définit cette procédure de modification simplifiée du plan local d'urbanisme. Il faut ainsi que la commune consulte des personnes publiques associées et mette le projet de modification, l'exposé des motifs et les avis de ces personnes à la disposition du public pendant un délai d'un mois dans des conditions lui permettant de formuler des observations. A l'issue de cette période, le maire présente le bilan de la mise à disposition au conseil municipal qui en délibère et adopte le projet. Le délai de quatre mois laissé par le tribunal administratif de Toulon pour prendre une nouvelle délibération ne permet pas de mener cette procédure. Toutefois, eu égard à l'obligation de diligence de l'article L. 153-7 du code de l'urbanisme, il y a lieu de limiter à une durée de six mois le délai laissé à la commune de La Londe-les-Maures pour prendre une délibération exécutant le jugement du 2 juin 2016 du tribunal administratif de Toulon. Cette injonction ne fait pas obstacle à ce que la commune de La Londe-les-Maures, si elle en a la possibilité, inclue les dispositions nécessaires à cette exécution dans la procédure en cours de révision de son plan local d'urbanisme, sous la réserve que la délibération approuvant cette révision soit adoptée dans le délai de six mois précédemment mentionné.
12. Il y a également lieu, dans les circonstances, d'assortir cette injonction d'une astreinte à l'encontre de la commune de La Londe-Les-Maures, à défaut pour elle de justifier de cette exécution dans le délai imparti, d'un montant de 100 euros par jour de retard, jusqu'à la date à laquelle le jugement du 2 juin 2016 aura reçu exécution.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de La Londe-les-Maures est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a limité à quatre mois le délai laissé au conseil municipal pour adopter cette délibération. Il y a donc lieu de réformer dans cette mesure ce jugement du 19 juin 2018 et d'enjoindre, sous astreinte, à la commune de La Londe-les-Maures d'adopter, dans le délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, une délibération prévoyant un nouveau classement des parcelles cadastrées section BA n° 107 et 226 dans une zone du plan local d'urbanisme dont le règlement autorise les aires de stationnement collectif de bateaux, après avoir mené une procédure de modification simplifiée de son plan local d'urbanisme ou bien, si c'est possible, après avoir intégré ce changement dans la procédure en cours de révision de ce plan.
Sur les frais liés au litige :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Il est enjoint à la commune de La Londe-les-Maures d'adopter, dans le délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, une délibération prévoyant un nouveau classement des parcelles cadastrées section BA n° 107 et 226 dans une zone du plan local d'urbanisme dont le règlement autorise les aires de stationnement collectif de bateaux.
Article 2 : Une astreinte de 100 (cent) euros par jour de retard est prononcée à l'encontre de la commune de La Londe-Les-Maures si elle ne justifie pas de l'exécution du jugement du 2 juin 2016 dans le délai mentionné à l'article 1er ci-dessus, et jusqu'à la date de cette exécution.
Article 3 : Le jugement du 19 juin 2018 du tribunal administratif de Toulon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Londe-les-Maures et à la société civile immobilière Kennel Tonnelier.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2021, où siégeaient :
- M. Barthez, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère ;
- M. Quenette, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2021.
N° 21MA02787 6