Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 27 août 2019 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de l'admettre exceptionnellement au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par le jugement n° 1905889 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 août 2020, M. A..., représenté par Me Summerfield, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 décembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 août 2019 du préfet des Pyrénées-Orientales ;
3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- dès lors qu'il s'est acquitté, à la demande du préfet, du droit de visa de régularisation prévu par l'article L. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il a bénéficié de récépissés successifs d'autorisation de travail, il doit être regardé comme titulaire d'une décision implicite d'admission au séjour du préfet ;
- le préfet ne pouvait lui retirer cette décision créatrice de droit au-delà du délai de quatre mois et était ainsi tenu de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'absence de proposition de formation professionnelle au sens de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par l'institut départemental de l'enfance et de l'adolescence (IDEA) méconnaît l'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles et l'article 2 du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ce refus méconnaît l'article R. 5221-22 du code du travail, dès lors que le préfet ne pouvait pas lui opposer la situation de l'emploi ;
- ce refus d'autorisation de travail et de délivrance d'un titre de séjour salarié méconnaît l'article L. 313-15 combiné avec l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ce refus méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ce refus de régularisation est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- par la voie de l'exception d'illégalité du refus d'admission au séjour, cette mesure d'éloignement est dépourvue de base légale.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2020, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable au regard des exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par décision du 26 juin 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la Cour a décidé, par décision du 24 août 2021, de désigner M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Le rapport de Mme Carassic a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité bangladaise, a demandé le 3 février 2019 au préfet des Pyrénées-Orientales son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par l'arrêté en litige du 27 août 2019, le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de faire droit à sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français en fixant le pays de destination. Le requérant a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de cet arrêté. Par le jugement dont M. A... relève appel, les premiers juges ont rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu et d'une part,, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ". Les 1° et 2° de l'article L. 313-10 du même code disposent qu'une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail, soit pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée avec la mention " salarié ", soit pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée avec la mention " travailleur temporaire ". En vertu de l'article R. 313-6 du même code, le récépissé de la demande de première délivrance d'une carte de séjour sur le fondement des 1° et 2° de l'article L. 313-10 autorise son titulaire à travailler, dès lors qu'il satisfait aux conditions mentionnées à l'article L. 5221-2 du code du travail.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : (...) 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 5221-5 du même code : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2. / L'autorisation de travail est accordée de droit à l'étranger autorisé à séjourner en France pour la conclusion d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée. Cette autorisation est accordée de droit aux mineurs isolés étrangers pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, sous réserve de la présentation d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation ".
4. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de "salarié" ou "travailleur temporaire", présentée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance (ASE) entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., né le 17 septembre 2000, est entré en France le 14 juin 2017, à l'âge de 16 ans. Il a été confié le 14 juin 2017 par ordonnance de placement provisoire du Procureur de la République de Perpignan à l'Aide sociale à l'Enfance (ASE) des Pyrénées-Orientales en tant que mineur isolé. Il a été pris en charge depuis cette date par l'Institut Départemental de l'Enfance et de l'Adolescence (IDEA) à Perpignan jusqu'à la date de sa majorité le 17 septembre 2018. Il a demandé la délivrance d'un premier titre de séjour et a obtenu un récépissé de demande de carte de séjour valable du 26 juin 2018 au 25 septembre 2018, renouvelé du 21 septembre 2018 au 20 décembre 2018 avec l'autorisation de travailler au regard d'un contrat à durée déterminée en qualité de "plongeur" dans un restaurant pour remplacer un salarié, puis du 4 février 2019 au 3 mai 2019 et du 22 juillet 2019 au 21 octobre 2019 sans autorisation de travailler. Par courrier du 5 juillet 2018, suivi d'une lettre de relance du 5 septembre 2018, le préfet des Pyrénées-Orientales lui a demandé, en l'absence d'un visa réglementaire et eu égard à la nécessité d'obtenir un visa de régularisation apposé sur son passeport "dans la perspective de la délivrance d'un titre de séjour", de se présenter à l'accueil de la préfecture avec son passeport et des timbres fiscaux. Si le requérant soutient que ce courrier du préfet du 5 juillet 2018 ainsi que les récépissés successifs de demande de carte de séjour qu'il a obtenus constituent un acte créateur de droit à son profit, ni ce courrier de demande de pièces du préfet du 5 juillet 2018, ni les récépissés de demande délivrés pendant l'examen de sa demande sans préjuger de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour, ne peuvent être regardés comme des décisions susceptibles de créer des droits. L'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile conditionne la délivrance d'un titre de séjour " salarié " au respect de conditions particulières et l'administration peut ainsi, dès lors que celles-ci ne sont pas remplies, opposer un refus de régularisation. La circonstance que M. A... a acquitté à la demande de l'administration les frais consécutifs à la délivrance d'un visa de régularisation ne peut être regardée comme révélant une décision implicite d'admission exceptionnelle au séjour prise par le préfet à son bénéfice. Le requérant, en se bornant à soutenir que l'IDEA ne lui a proposé qu'une formation de deux heures de français par semaine, n'établit pas plus en appel qu'en première instance suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle au sens de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui conditionne dans un second temps l'appréciation globale à porter par le préfet sur la situation de l'intéressé. Par suite, le préfet n'a pas méconnu l'article L. 313-15 de ce code en refusant de l'admettre exceptionnellement au séjour sur ce fondement.
6. En deuxième lieu, dès lors que M. A... ne remplit pas les conditions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article R. 5221-22 du code du travail pour soutenir que le préfet lui aurait opposé à tort la situation de l'emploi en sa qualité d'étranger pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance et qu'il n'aurait pas pris en considération la dernière promesse d'embauche du mois de juillet 2019 qu'il a présentée à l'appui de sa demande.
7. En troisième lieu, si le requérant soutient que l'IDEA, faute de lui avoir proposé une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle au sens de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aurait méconnu l'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles et l'article 2 du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui imposent de protéger les majeurs de moins de 21 ans, il ressort des pièces du dossier et notamment du mail de l'IDEA transmis le 24 septembre 2018 au préfet que le requérant a quitté l'IDEA le jour même de sa majorité de sa propre initiative. Par suite et en tout état de cause, il n'appartenait pas aux services de l'aide sociale à l'enfance de lui proposer une formation qualifiante postérieurement à ce départ.
8. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation du requérant ne comporte en appel aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Montpellier par M. A.... Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 7 du jugement attaqué.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. La décision de refus d'admission exceptionnelle au séjour n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement prise sur son fondement serait dépourvue de base légale doit être écarté.
En ce qui concerne le pays de renvoi :
10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
11. En se bornant à soutenir sans l'établir qu'un retour dans son pays d'origine l'exposerait à des violences qu'il pourrait subir au Bangladesh en raison de l'engagement politique de son père, le requérant, qui n'a au demeurant pas déposé de demande d'asile, n'établit pas que la décision en litige méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou qu'elle serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
12. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet en appel, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Gabrièle Summerfield.
Copie pour information sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2021, où siégeaient :
- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Barthez, président-assesseur,
- Mme Carassic, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2021.
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N° 20MA02755