La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/12/2021 | FRANCE | N°20MA00463

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 28 décembre 2021, 20MA00463


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la délibération du 3 décembre 2018 par laquelle le conseil municipal d'Aujargues a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune.

Par un jugement n° 1900575 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 février 2020 et le 4 décembre 2020, M. B..., représenté par Me Boillot, demande à la Co

ur :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 3 décembre 2019 ;

2°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la délibération du 3 décembre 2018 par laquelle le conseil municipal d'Aujargues a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune.

Par un jugement n° 1900575 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 février 2020 et le 4 décembre 2020, M. B..., représenté par Me Boillot, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 3 décembre 2019 ;

2°) d'annuler la délibération du 3 décembre 2018 par laquelle le conseil municipal d'Aujargues a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Aujargues la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête d'appel, qui critique le jugement de première instance, est recevable ;

- le tribunal administratif a omis de statuer sur les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales et du détournement de pouvoir ;

- le tribunal administratif a omis de répondre à l'argument, au soutien de ces deux moyens, relatif au pourcentage des terres agricoles ouvertes à l'urbanisation qui appartiennent à la famille du maire ou à une société de promotion immobilière ;

- la procédure de révision méconnaît l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, en l'absence de toute concertation effective, et cette méconnaissance l'a privé d'une garantie ;

- la délibération contestée méconnaît l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ;

- le classement des parcelles dont il est propriétaire en zone naturelle est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la délibération contestée est entachée de détournement de pouvoir.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 mai 2020 et le 21 décembre 2020, la commune d'Aujargues, représentée par la société civile professionnelle CGCB et Associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. B... A... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, en l'absence de véritable critique à l'encontre du jugement ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 24 août 2021, la présidente de la Cour a désigné M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barthez,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Chavrier, représentant M. B..., et de Me Germe, représentant la commune d'Aujargues.

Une note en délibéré présentée pour M. B... a été enregistrée le 14 décembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 3 décembre 2018, le conseil municipal d'Aujargues a approuvé la révision du plan local d'urbanisme qu'il avait prescrite le 4 novembre 2015. M. B..., habitant à Aujargues et propriétaire notamment de plusieurs parcelles situées dans le secteur du Puech de Reboul sur le territoire de cette commune, faisant partie auparavant d'une zone à urbaniser 1 AU et classées à présent en zone naturelle, a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler cette délibération. Il relève appel du jugement du 3 décembre 2019 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, le tribunal administratif de Nîmes a répondu, aux points 11 et 13 du jugement attaqué, au moyen relatif au vice de procédure dont serait entachée la délibération du 3 décembre 2018 tenant à la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales. Il a également répondu au point 23 au moyen relatif au détournement de pouvoir dont serait entachée cette délibération du conseil municipal d'Aujargues. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que le tribunal administratif de Nîmes aurait omis de statuer sur ces deux moyens.

3. En second lieu, contrairement à ce que soutient M. B..., le tribunal administratif de Nîmes a motivé sa décision en relevant que plusieurs parcelles du secteur du Grand Jardin, classées précédemment en zone agricole et à présent en zone à urbaniser, appartenaient à la sœur du maire d'Aujargues. Il n'a certes pas statué sur l'argument soulevé par M. B... dans son mémoire en réplique selon lequel d'autres parcelles de ce secteur avaient été acquises par une société ayant une activité de promotion immobilière peu avant le changement du zonage. Toutefois, au regard de l'ensemble de la motivation contenue au point 13, et dès lors que le tribunal n'est pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments des parties, il a suffisamment motivé sa réponse au moyen relatif à la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales. Pour les mêmes motifs, la réponse au moyen relatif au détournement de pouvoir, qui renvoie au point 13 du jugement attaqué, est suffisante.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-11 du code de l'urbanisme : " Les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux articles L. 103-2 et L. 300-2 ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies aux articles L. 103-1 à L. 103-6 et par la décision ou la délibération prévue à l'article L. 103-3 ont été respectées (...) ".

5. M. B... ne soutient pas que la concertation n'aurait pas respecté les modalités définies par la délibération du conseil municipal du 4 novembre 2015 prescrivant la révision du plan local d'urbanisme. Il ne soutient pas davantage que les règles prévues aux articles L. 103-1 à L. 103-6 du code de l'urbanisme auraient été méconnues. Par suite, le moyen tiré des vices dont la concertation serait entachée ne peut qu'être écarté.

6. En tout état de cause, le seul rappel dans cette délibération du 4 novembre 2015 des dispositions du règlement de la zone 1 AU du plan local d'urbanisme approuvé le 28 février 2014, qui subordonnent l'ouverture à l'urbanisation à une révision ou une modification préalable de ce plan, n'a pu induire en erreur la population sur les objectifs de la révision entreprise dès lors qu'y était mentionné le but de " préserver l'environnement écologique de la commune, notamment en requalifiant le secteur du Puech de Reboul en zone naturelle ". En outre, la mention d'un tel objectif ne privait pas par elle-même d'objet la concertation conduite par la commune d'Aujargues dès lors que les modalités de la concertation ont été respectées.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ". Il résulte de ces dispositions que la participation au vote permettant l'adoption d'une délibération d'un conseiller municipal intéressé à l'affaire qui fait l'objet de cette délibération, c'est-à-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l'illégalité. De même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l'adoption d'une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d'une participation à son vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d'exercer une influence sur la délibération.

8. S'agissant d'une délibération déterminant des prévisions et règles d'urbanisme applicables dans l'ensemble d'une commune, la circonstance qu'un conseiller municipal intéressé au classement d'une parcelle ait participé aux travaux préparatoires et aux débats précédant son adoption ou à son vote n'est de nature à entraîner son illégalité que s'il ressort des pièces du dossier que, du fait de l'influence que ce conseiller a exercée, la délibération prend en compte son intérêt personnel.

9. Il est constant que le maire d'Aujargues a participé aux délibérations du conseil municipal relatives à la révision du plan local d'urbanisme. Il ressort en outre des pièces du dossier que la sœur du maire est propriétaire de quatre parcelles d'une superficie totale de 5 385 m² faisant partie du secteur du Grand Jardin qui était une zone agricole et devient une zone à urbaniser classée 2 AU.

10. Toutefois, cette nouvelle zone 2 AU, d'une superficie de 2,5 ha environ, comprend ainsi d'autres parcelles. M. B... n'établit ni même n'allègue que la société " Terres du soleil " ayant une activité de promotion immobilière, qui aurait acheté deux parcelles d'une superficie totale de 5 541 m² peu avant le changement de zonage, serait liée au maire d'Aujargues. L'urbanisation du secteur du Grand Jardin peut être justifiée par sa continuité avec une zone pavillonnaire située à l'ouest et au sud ainsi que par le parti d'urbanisme de la commune qui veut supprimer les deux zones à urbaniser existantes notamment pour des motifs tenant à la protection de l'environnement mais souhaite conserver des possibilités de construction de façon à permettre une croissance démographique.

11. Dans ces conditions, au regard de l'ensemble des éléments mentionnés aux points 9 et 10, il ne ressort pas des pièces du dossier que, du fait de l'influence que le maire aurait exercée, la délibération aurait pris en compte son intérêt personnel. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales doit donc être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; /c) Soit de leur caractère d'espaces naturels ". Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés à modifier le zonage ou les activités autorisées dans une zone déterminée, pour les motifs énoncés par les dispositions citées ci-dessus. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

13. Il ressort des pièces du dossier que le secteur du Puech de Reboul, dont font partie les parcelles cadastrées section A n° 1021, 1023, 1024, 1025, 1026, 1027 et 1046 appartenant à M. B..., présente un caractère naturel. Bien qu'il soit situé à proximité d'une zone urbaine à l'ouest, ce secteur est prolongé à l'est par un vaste espace naturel. La circonstance que le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme approuvé le 28 février 2014 en vigueur avant la délibération contestée justifiait le classement de ce secteur en zone à urbaniser ne fait pas, en lui-même, obstacle à un nouveau classement en zone naturelle, la commune d'Aujargues ayant réévalué les avantages et inconvénients de l'urbanisation des différents secteurs. En outre, le choix d'une urbanisation dans le secteur du Grand Jardin au détriment des secteurs du Puech de Reboul et des Aires ne conduit pas à une augmentation de la consommation d'espaces agricoles ou naturels. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que le classement du secteur du Puech de Reboul en zone naturelle, notamment celui des parcelles dont il est propriétaire, serait fondé sur des faits matériellement inexacts ou entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

14. En dernier lieu, le moyen relatif au détournement de pouvoir doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 9 à 11 du présent arrêt.

15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune d'Aujargues à la requête d'appel, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Aujargues, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme à verser à la commune d'Aujargues au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Aujargues au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la commune d'Aujargues.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2021, où siégeaient :

- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme Carassic, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2021.

N° 20MA00463 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00463
Date de la décision : 28/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Plans d'aménagement et d'urbanisme - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU) - Légalité des plans - Procédure d'élaboration.

Urbanisme et aménagement du territoire - Plans d'aménagement et d'urbanisme - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU) - Légalité des plans - Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP N. BEDEL DE BUZAREINGUES G. BOILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-28;20ma00463 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award