Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI Capu Biancu a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 10 août 2016 par lequel le maire de Luri a délivré à la SARL Paverani Familiy un permis de construire portant sur la réhabilitation, la surélévation et l'agrandissement d'une construction située sur les parcelles cadastrées section E nos 1156, 1157 et 1158 au lieu-dit Santa Severa.
Par un jugement n° 1900831 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 10 août 2016 du maire de Luri.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 septembre 2020, la commune de Luri, représentée par Me Costa Sigrist, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Bastia ;
2°) de rejeter la demande présentée par la SCI Capu Biancu en première instance ;
3°) de mettre à sa charge la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la SCI Capu Biancu était dépourvue d'intérêt à agir en première instance ;
- elle était tardive ;
- l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme n'est pas applicable au projet, car le terrain est situé dans la zone UA du plan d'occupation des sols intercommunal ;
- le tribunal a retenu à tort la méconnaissance de l'article UA 12 du règlement, car le projet n'emporte pas de changement de destination du garage ;
- les autres moyens soulevés par la SCI Capu Biancu en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2021, la SCI Capu Biancu, représentée par Me Muscatelli, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par la commune de Luri ;
2°) de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la commune de Luri ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné M. Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mérenne,
- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Luri fait appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Bastia a fait droit à la demande présentée par la SCI Capu Biancu, et annulé l'arrêté du 10 août 2016 du maire de Luri délivrant à la SARL Paverani Family un permis de construire portant sur la réhabilitation, la surélévation et l'agrandissement d'une construction située sur les parcelles cadastrées section E nos 1156, 1157 et 1158 au lieu-dit Santa Severa.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. D'une part, l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme prévoit qu' : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) ".
3. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
4. La SCI Capu Biancu est propriétaire d'un appartement de trois pièces avec terrasse dans un immeuble en copropriété situé sur la parcelle cadastrée section E, n° 0025, au lieu-dit Santa Severa. Le projet porte sur la modification d'une maison d'habitation située sur les parcelles cadastrées section E nos 1156, 1157 et 1158, à une distance approximative de cinquante mètres. Il comprend la surélévation d'une partie de la construction, qui prive l'appartement de la SCI Capu Biancu de sa vue la plus directe sur la mer. Il est donc susceptible d'affecter directement les conditions de jouissance de son bien immobilier. En outre, contrairement à ce que soutient la commune de Luri, l'existence ou l'absence d'un droit à caractère civil est sans incidence sur l'appréciation de l'intérêt à agir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation des sols devant une juridiction administrative, dans les conditions prévues par l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme cité au point 2. Il en va de même de l'éventuel respect des règles de construction, qui se rapporte à la légalité de la décision contestée, et non à l'intérêt à agir contre cette dernière. La commune de Luri n'est donc pas fondée à soutenir que la SCI Capu Biancu aurait été dépourvue d'intérêt à agir contre l'arrêté du 10 août 2016 du maire de Luri.
5. D'autre part, l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme prévoit que : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. " Le a) de l'article A. 424-16 du même code, auquel renvoie l'article R. 424-15, prévoit que l'affichage prévu sur le terrain indique notamment, pour les constructions, " la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel ".
6. La SCI Capu Biancu produit une photographie de l'affichage d'un permis de construire, qui ne comporte pas la mention prévue au a) de l'article A. 424-16 du code de l'urbanisme relative à la hauteur des constructions projetées. Les témoignages produits par la commune de Luri ne permettent pas d'établir la régularité de l'affichage sur ce point. En l'absence d'affichage régulier sur le terrain, le délai de recours prévu à l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme n'a pu commencer à courir. La demande de la SCI Capu Biancu devant le tribunal administratif de Bastia n'est donc pas tardive.
Sur le fond :
7. D'une part, le tribunal administratif a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme par des motifs appropriés, figurant aux points 2 à 5 du jugement attaqué, qui ne sont pas utilement contestés et qu'il y a lieu d'adopter en appel.
8. D'autre part, l'article UA 12 du règlement du plan d'occupation des sols de Luri prévoit que : " Le stationnement des véhicules doit être assuré en dehors des voies publiques. Il est exigé pour les constructions à usage d'habitation une place de stationnement de 25 m² par tranche de 60 m² de surface hors œuvre ".
9. Le projet comporte notamment la démolition de la partie Ouest du bâtiment existant, constituée d'un garage, et son remplacement par un parallélépipède rectangle comprenant un volet roulant donnant sur la rue, une salle d'eau et une ouverture sur le jardin. Cette partie de l'ouvrage, quelle que soit sa destination, est solidaire de la construction à usage d'habitation, dont elle fait partie intégrante. Elle emporte la création d'une surface hors œuvre nouvelle de 37 mètres carrés. Celle-ci s'ajoute à la surface de 47 mètres carrés résultant de la surélévation d'un étage d'une autre partie du bâtiment, ce qui porte la surface nouvellement créée à 74 mètres carrés. En conséquence, le projet nécessitait à tout le moins la création d'une place de stationnement supplémentaire en application de l'article UA 12 précité. Il est constant que le projet n'emporte pas la création d'une telle place de stationnement. Le tribunal administratif a donc retenu à juste titre le moyen tiré de méconnaissance des dispositions de l'article UA 12 du règlement du plan d'occupation des sols.
10. Il résulte de ce qui précède que la commune de Luri n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 10 août 2016 du maire de Luri.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Luri le versement de la somme de 1 500 euros à la SCI Capu Biancu au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. En revanche, la SCI Capu Biancu n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Les dispositions de cet article font en conséquence obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la commune de Luri sur le même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Luri est rejetée.
Article 2 : la commune de Luri versera à la SCI Capu Biancu la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Luri, à la SCI Capu Biancu et à la SARL Paverani Family.
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2021, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Mérenne et Mme A..., premiers conseillers.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 décembre 2021.
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No 20MA03314