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17/12/2021 | FRANCE | N°21MA00478

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 17 décembre 2021, 21MA00478


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par jugement n° 1903020 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 février 2021, M. A..., représenté par Me Vincensini, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 septembre 2020

du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2019 du préfet des Bouch...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2019 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par jugement n° 1903020 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 février 2021, M. A..., représenté par Me Vincensini, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 septembre 2020 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de lui délivrer dans l'attente, selon le cas, une autorisation provisoire de séjour ou un récépissé de demande de titre de séjour, dans un délai de 5 jours à compter de cette notification et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 la somme de 1 800 euros, qui sera versée à Me Vincensini en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- l'avis du collège des médecins est irrégulier, dès lors que le rapport médical du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) n'a pas été établi conformément à l'annexe B de l'arrêté du 27 décembre 2016, ce qui l'a privé d'une garantie eu égard à l'importance des rubriques de ce rapport qui n'ont pas été remplies ;

- les trois médecins qui ont examiné sa demande n'ont pas été désignés par le directeur général de l'OFII, le cas échéant par une délégation de signature régulièrement consentie, de sorte qu'il a été privé de la garantie de voir sa situation médicale examinée par des médecins spécialistes de ses pathologies ;

- le préfet n'établit pas l'authentification des signatures électroniques des médecins de ce collège en méconnaissance de l'article R. 4127-76 du code de la santé publique ;

- il n'y a pas eu de délibération collégiale préalable entre les médecins du collège de l'OFII, exigée par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 ;

- cet avis a été rendu au-delà du délai de trois mois fixé par l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans qu'il ait été mis à même de présenter des observations sur les changements de son état de santé survenus depuis le terme de ce délai ;

- ce refus de titre de séjour méconnaît l'article 6-7° de l'accord franco-algérien en ce qu'il ne pourra effectivement avoir accès aux traitements adaptés à ses pathologies, eu égard notamment à leur coût en Algérie ;

- il n'a jamais été destinataire de la demande de pièces complémentaires mentionnée dans l'arrêté litigieux ;

- ce refus litigieux est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été transmise au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 11 décembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur avant le 1er mai 2021 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2014-1627 du 26 décembre 2014 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Sanson a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 23 mai 1996, relève appel du jugement du 29 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 janvier 2019 refusant de l'admettre au séjour.

2. L'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé dispose : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".

3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande en raison de son état de santé, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser de délivrer ou de renouveler le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine.

4. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'avis du collège de médecins de l'OFII du 15 mars 2018 et des autres pièces médicales versées au dossier, que M. A... souffre d'une maladie de Crohn invalidante associée à une spondylarthrite ankylosante nécessitant un traitement médical dont le défaut l'exposerait à des conséquences d'une particulière gravité. Il ressort encore des pièces dossier, et il n'est pas contesté par le préfet, que ce traitement médical nécessite notamment deux injections mensuelles d'adalimumab, immunosuppresseur de type anti-TNF commercialisé sous la dénomination " Humira ", afin de retarder l'évolution des pathologies du requérant et de stabiliser son état de santé. Ni ce médicament, dont le coût correspondant aux doses adaptées à l'état de santé de M. A... excède, sur un mois, le double du revenu net moyen en Algérie, ni aucun autre immunosuppresseur de type anti-TNF ne figurent sur la liste, actualisée au 29 août 2017, des médicaments pris en charge par le dispositif de sécurité sociale algérien. Par ailleurs, il ne ressort pas de pièces du dossier que M. A... pourrait bénéficier, en cas de retour dans son pays d'origine, d'une aide financière suffisante pour prendre en charge le coût de son traitement. Dans ces conditions, M. A... établit qu'il ne pourrait accéder à une prise en charge médicale effective dans son pays d'origine.

5. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 janvier 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône.

6. Le présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif d'annulation ci-dessus énoncé, que l'administration délivre à M. A... un certificat de résident algérien, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il soit en revanche besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

7. L'avocate de M. A..., qui a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au profit de Me Vincensini sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 29 septembre 2020 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 25 janvier 2019 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A... un certificat de résident algérien dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me Vincensini la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Vincensini.

Copie pour information sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2021, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président,

- Mme Massé-Degois, présidente-assesseure,

- M. Sanson, conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 17 décembre 2021.

2

N° 21MA00478


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00478
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Pierre SANSON
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : VINCENSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-17;21ma00478 ?
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