Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Sous le numéro 2002760, M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2020 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer " un droit au séjour au titre de l'asile ", l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.
Sous le numéro 2002761, Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2020 par lequel le préfet du Var a refusé de lui délivrer " un droit au séjour au titre de l'asile ", l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.
Par un jugement n° 2002760, 2002761 du 20 novembre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulon a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2020 sous le n° 20MA04757, Mme C..., représentée par Me Ott-Raynaud, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulon du 20 novembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 18 septembre 2020 ;
3°) de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
4°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, laquelle sera recouvrée conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le premier juge a méconnu les règles du contradictoire pour n'avoir pas informé les parties préalablement à l'audience de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, en méconnaissance des dispositions des articles R. 611-7 et R. 611-10 du code de justice administrative ;
- le premier juge qui a en réalité procédé à une substitution de motif non sollicitée par le préfet du Var, et non à une substitution de base légale, a entaché son jugement d'irrégularité ;
- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'introduction, le 1er juillet 2020, devant la Cour nationale du droit d'asile, d'une requête en rectification d'erreur matérielle concernant l'ordonnance rendue le 8 juin 2020, ne permet pas de considérer que cette décision soit revêtue d'un caractère définitif ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination l'expose à un risque sérieux pour son intégrité physique.
La requête a été communiquée au préfet du Var qui n'a pas produit de mémoire.
II. Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2020 sous le n° 20MA04758, M. C..., représenté par Me Ott-Raynaud, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulon du 20 novembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 18 septembre 2020 ;
3°) de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
4°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, laquelle sera recouvrée conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le premier juge a méconnu les règles du contradictoire pour n'avoir pas informé les parties préalablement à l'audience de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, en méconnaissance des dispositions des articles R. 611-7 et R. 611-10 du code de justice administrative ;
- le premier juge, qui a en réalité procédé à une substitution de motif non sollicitée par le préfet du Var, et non à une substitution de base légale, a entaché son jugement d'irrégularité ;
- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'introduction, le 1er juillet 2020, devant la Cour nationale du droit d'asile, d'une requête en rectification d'erreur matérielle concernant l'ordonnance rendue le 8 juin 2020, ne permet pas de considérer que cette décision soit revêtue d'un caractère définitif ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de destination l'expose à un risque sérieux pour son intégrité physique.
La requête a été communiquée au préfet du Var qui n'a pas produit de mémoire.
M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 23 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Mahmouti a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C..., de nationalité albanaise, relèvent appel du jugement du 20 novembre 2020 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulon, après les avoir jointes, a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Var du 18 septembre 2020 leur refusant la délivrance d'un " droit au séjour au titre de l'asile ", les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixant le pays de leur destination.
2. Les requêtes susvisées, qui concernent le même jugement et des décisions administratives relatives aux membres d'une même famille, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
Sur l'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ". Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée à ce titre par M. et Mme C... dès lors que le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale leur a été accordé par décisions du 23 avril 2021.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. ". Aux termes de l'article R. 611-7 de ce code : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué (...) ". Aux termes de l'article R. 776-25 du même code, applicable en vertu de l'article R. 776-13-2 dans sa version applicable au cas d'espèce aux jugements des obligations de quitter le territoire français prises sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'information des parties prévue aux articles R. 611-7 et R. 612-1 peut être accomplie au cours de l'audience ".
5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions du jugement attaqué, qu'au cours de l'audience, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulon a informé les parties de ce que, en application des articles R. 611-7, R. 776-13-2 et R. 776-25 du code de justice administrative, le jugement était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés notamment de la substitution de base légale évoquée au point 4. Dès lors, le premier juge n'a pas violé les règles de la procédure contradictoire, le jugement attaqué ne pouvant être irrégulier du seul fait que l'information prévue à l'article R. 611-7 précité n'a pas été donnée aux parties préalablement à la tenue de l'audience.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et des termes du jugement attaqué que le premier juge a constaté que le préfet s'était fondé sur la circonstance que M. et Mme C... avaient perdu leur droit au maintien sur le territoire français du fait que, par les décisions du 21 janvier 2020, le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides avait statué en procédure accélérée pour rejeter leur demande d'asile. Toutefois, ainsi que l'a également constaté le premier juge, le directeur de l'Office n'avait pas rejeté les demandes des requérants sur le fondement du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais sur le fondement du 4° du III de l'article L. 723-3 de ce même code, lequel n'entre pas dans les dérogations prévues à l'article L. 743-2 susvisé. Par suite, le premier juge a substitué aux dispositions du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile celles de l'article L. 743-1 de ce même code comme fondement légal des décisions contestées portant obligation de quitter le territoire français. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le premier juge a, ce faisant, procédé d'office à une substitution de base légale et non à une substitution de motif.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
7. En premier lieu, la circonstance que M. et Mme C... ont introduit des recours en rectification d'erreur matérielle auprès de la Cour nationale du droit d'asile concernant les ordonnances n° 20011283 et 20011284 du 8 juin 2021 est, ainsi que l'a relevé le premier juge, sans incidence sur le caractère définitif de ces décisions. En tout état cause, il ressort des pièces du dossier que si M. et Mme C... soutiennent qu'une erreur matérielle affecterait ces décisions pour n'avoir pas pris en compte leurs mémoires complémentaires qui avaient été produits auprès de la Cour nationale du droit d'asile le 12 juin 2021, ces mémoires ont été produits postérieurement aux ordonnances du 8 juin 2021, ainsi que le relève la Cour nationale du droit d'asile dans sa décision n° 20018161, 20018162 du 24 août 2021 qui rejette les recours en rectification d'erreur matérielle des requérants.
8. En deuxième lieu, le moyen soulevé par M. et Mme C... tiré de ce que les arrêtés contestés méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge aux points 19 et 20 de son jugement, les requérants ne faisant valoir en appel aucun élément distinct de ceux soumis à son appréciation. Si Mme C... produit en appel une promesse d'embauche en date du 12 décembre 2020, cette circonstance ne permet pas, à elle seule, de remettre en cause les motifs retenus par le premier juge.
9. En troisième lieu, les requérants ne justifient d'aucune circonstance qui ferait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine, où leurs deux enfants mineurs pourraient poursuivre leur scolarité. Dans ces conditions, le préfet du Var n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
10. En dernier lieu, les requérants, dont les demandes d'asile ont été rejetées tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile, n'apportent aucun élément probant de nature à établir la réalité des risques qu'ils encourent en cas de retour dans leur pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de ce que les décisions fixant le pays de destination les exposeraient à un risque sérieux pour leur intégrité physique doit être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulon a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées, y compris leurs conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes tendant à l'admission provisoire de M. et Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. et Mme C... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C..., à M. D... C..., à Me Ott-Raynaud, et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président,
- Mme Massé-Degois, présidente-assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.
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N°20MA04757, 20MA04758