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17/12/2021 | FRANCE | N°19MA04604

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 17 décembre 2021, 19MA04604


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... et Mme A... B..., représentés par Me Hequet, ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2017 par lequel le maire de la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue s'est opposé à leur déclaration préalable de travaux et d'enjoindre au maire de la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue de réinstruire leur demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement

n° 1703591 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... et Mme A... B..., représentés par Me Hequet, ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2017 par lequel le maire de la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue s'est opposé à leur déclaration préalable de travaux et d'enjoindre au maire de la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue de réinstruire leur demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1703591 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 29 septembre 2017 du maire de la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue et l'a enjoint de procéder à une nouvelle instruction de la déclaration préalable de M. D... et Mme B... dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du présent jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 25 octobre 2019 et le 19 août 2020, la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue, représentée par Me Courrech, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 17 septembre 2019 ;

2°) rejeter la requête de première instance de M. D... et Mme B... ;

3°) de mettre à la charge de M. D... et Mme B... une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est recevable ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en considérant que les modifications à apporter au projet pouvaient être imposées par l'autorité administrative par voie de prescription. Elles sont de plus illégales ;

- le tribunal a entaché son jugement d'une erreur d'appréciation du risque incendie ;

- le tribunal a entaché son jugement d'une erreur manifeste en tant qu'il a considéré que l'accès au terrain d'assiette permettrait le passage des véhicules de défense contre l'incendie ;

- le projet méconnait l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et aucune prescription spéciale ne permettait de régulariser le projet de construction ;

- le refus de délivrance du permis de construire pouvait se fonder sur l'atteinte aux espaces boisés classés ;

- il peut être procédé à deux substitutions de motifs pour s'opposer au projet, fondées sur la méconnaissance des dispositions des articles A2 et A11 du règlement du plan local d'urbanisme.

Par des mémoires en défense enregistrés le 17 décembre 2019, le 22 janvier 2021 et le 3 juin 2021, M. D... et Mme B..., représentés par Me Hequet, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la requête est irrecevable ;

- les moyens d'appel sont infondés ;

- à titre subsidiaire, le jugement en litige est bien-fondé en tant qu'il a écarté les motifs de refus de délivrance de permis exposés en première instance par la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Quenette,

- et les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique.

Une note en délibéré, présentée pour M. D... et Mme B... a été enregistrée le 12 décembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 29 septembre 2017, le maire de la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue s'est opposé à la déclaration préalable de travaux déposée par M. D... et Mme B... afin de procéder à la démolition partielle et à une extension de leur maison d'habitation sur un terrain situé chemin des Sorades cadastré section AB parcelles n° 33, 34 et 35, en zone Ai2b du plan local d'urbanisme de la commune. Pour s'opposer à cette déclaration préalable, le maire d'Entraigues-sur-la-Sorgue s'est fondé, au visa de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, sur l'atteinte à la salubrité et à la sécurité publiques susceptibles d'être portées par le projet en raison, d'une part, de l'insuffisance de la desserte du projet au regard des engins de secours et de la défense incendie et, d'autre part, en raison du risque inondation. Il a également considéré que le projet était de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création d'espaces boisés classés sur son terrain d'assiette, en méconnaissance de l'article " L. 103-1 " du code de l'urbanisme. La commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1703591 du 17 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 29 septembre 2017 du maire de la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue et l'a enjoint de procéder à une nouvelle instruction de la déclaration préalable de M. D... et Mme B... dans un délai d'un mois.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, la commune requérante ne saurait utilement se prévaloir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, des erreurs de droit ou d'appréciation des faits que les premiers juges auraient commises.

Sur de bien-fondé de l'arrêté attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Ces dispositions ne font pas obligation de refuser le permis de construire dans le cas qu'elles prévoient. En effet, lorsque le projet présenté risque de porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique mais qu'il est possible de prévenir un tel risque au moyen de prescriptions spéciales, ces dispositions ne permettent pas à l'autorité saisie de la demande de se borner à refuser le permis de construire sollicité, mais doivent la conduire à assortir sa délivrance de prescriptions spéciales destinées à pallier ce risque.

4. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d'alignements. ". Selon le premier alinéa de l'article L. 113-2 de ce code : " Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements. " Pour refuser un permis de construire ou une autorisation de travaux sur la base de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier si la construction ou les travaux projetés sont de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements.

5. Pour s'opposer à la déclaration préalable des travaux en litige au regard du risque d'incendie qualifié de faible par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Vaucluse dans son avis du 14 septembre 2017, le maire s'est notamment fondé sur l'avis défavorable du SDIS du fait des insuffisances de la desserte, de l'aire de retournement et de la défense incendie du projet. Ce service a néanmoins assorti cet avis de trois préconisations destinées à remédier à ces carences.

6. En premier lieu, le SDIS a préconisé une voie de desserte de 3 mètres de largeur hors stationnement, d'une hauteur libre de 3,5 mètres et d'une pente inférieure à 15 % avec, dans les courbes, et un rayon intérieur d'au moins 11 m avec surlargeur dépendant du rayon. Les pétitionnaires justifient respecter cette préconisation, par la production de constats d'huissier des 21 mars et 5 avril 2017, indiquant que leur terrain est desservi par un chemin privé carrossable quasiment rectiligne d'une largeur de 3,50 mètres aux points les plus étroits. Il ressort des photos attachées au constat d'huissier que le chemin est parfaitement plat. Les pétitionnaires produisent par ailleurs une photo montrant qu'il peut être emprunté par des engins de 20 tonnes. Il n'est pas contesté que la hauteur libre de 3,5 mètres ne serait pas respectée. En tout état de cause, le respect d'une telle hauteur pourrait être assurée par une simple prescription sur la taille des arbres à effectuer dans le chemin d'accès. Si la commune requérante fait valoir que cette voie d'accès au bâtiment enclavé serait bordée de part et d'autre par des espaces densément boisés sur environ 150 mètres, en sorte que les engins de lutte contre l'incendie ne pourraient pas accéder au bâtiment en cas d'incendie, cette allégation contredit l'avis du SDIS qui fixe les conditions d'accès au terrain pour maîtriser les incendies.

7. En deuxième lieu, le SDIS préconise la mise en place alternative d'un poteau d'incendie d'un débit de 30 m3/h ou d'un point d'eau naturel ou artificiel de 30 m3 au minimum, respectivement à moins de 150 mètres ou de 100 mètres du projet en parcours réel. Si les pétitionnaires justifient que le terrain de la maison supporte deux forages dont l'un est équipé d'une pompe et d'une lance d'une capacité de 36 m3 par heure, ils n'apportent toutefois aucun élément sur la contenance des réserves d'eau disponible dans ces forages en se bornant à constater, par exploit d'huissier, que l'eau est disponible à 80 centimètres sous terre. Les pétitionnaires ne peuvent davantage, pour la défense incendie, ni se prévaloir de la borne incendie présente à 400 mètres du bâtiment en litige dans le hameau de Saint Albergaty, ni même de la station de pompage de Saint Albergaty ou d'un étang situé à 200 mètres du bâtiment en litige. Si les pétitionnaires font par ailleurs valoir que la rivière Sorgue de Valleron, disposant d'un débit au moins de 8 m3 par seconde en toute saison, est située à 70 mètres du bâtiment en litige, ils n'apportent aucun élément précis sur l'accessibilité effective de la rivière aux engins de secours par la seule mention que cette rivière serait accessible par un chemin dont l'existence est attestée par exploit d'huissier. Cependant, à supposer que les réserves disponibles dans les forages seraient inférieures à 30 m3 telles que prescrites par le SDIS ou que la rivière serait inaccessible, ces insuffisances pouvaient aisément être compensées par des prescriptions particulières. Si la commune requérante soutient que l'implantation d'un nouveau point d'eau aurait nécessairement pour effet de compromettre la conservation de l'espace boisé classé, elle ne l'établit pas dès lors qu'il ressort des vues Géoportail accessibles tant au juge qu'aux parties que la parcelle d'assiette du projet en litige, qui mesure environ 2 700 m², dispose d'un espace dépourvu d'arbre d'environ 450 m² au nord et à l'ouest de la construction envisagée pouvant permettre l'implantation le cas échéant d'une réserve d'eau artificielle.

8. En troisième lieu, si le SDIS préconise enfin l'implantation d'une aire de retournement selon différentes modalités, les pétitionnaires établissent que la desserte du terrain se prolonge par une aire de retournement rectangulaire de 15 mètres de longueur sur une profondeur comprise entre 14,50 et 16,50 mètres, laquelle excède les dimensions exigées par le SDIS pour une aire de retournement en L. S'il ressort toutefois des photographies du constat d'huissier que l'aire de retournement est partiellement boisée en sorte qu'elle ne correspondrait pas parfaitement aux préconisations du SDIS, ces insuffisances peuvent également être compensées par des prescriptions particulières au regard de l'espace disponible à l'ouest de l'aire de retournement existante dépourvue d'arbres.

9. Si la commune soutient par ailleurs que la mise à disposition d'un point d'eau et l'agrandissement de l'aire de retournement actuelle ne sont pas des travaux annexes au regard de l'importance des travaux initiaux consistant en la démolition d'une aile de la maison et la construction d'une surélévation de 14,24 m², de telles prescriptions restent toutefois précises et limitées et peuvent être aisément mises en œuvres au regard de la topographie des lieux et des installations existantes.

10. Si la commune soutient enfin que le projet de destruction puis de surélévation compromettrait la conservation, la protection ou la création d'espace boisé, elle n'apporte aucun élément à l'appui de cette allégation par le seul classement de la parcelle alors même que cette construction s'établit sur la partie non boisée du terrain d'assiette. Il en résulte que le maire d'Entraigues-sur-la-Sorgue ne pouvait légalement fonder son refus sur les dispositions de l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme.

11. Dans ces conditions, les pétitionnaires sont fondés à soutenir qu'en refusant l'autorisation d'urbanisme sollicitée alors que le risque pouvait être prévenu par des prescriptions particulières sans méconnaitre les dispositions de l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme relatives aux espaces boisés classés, le maire a entaché son refus d'une erreur d'appréciation dans l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de de Nîmes.

12. L'administration peut faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué. Les dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ne font par ailleurs pas, par elles-mêmes, obstacle à ce que l'administration qui a refusé un permis de construire invoque devant le juge un motif autre que ceux qu'elle a opposés dans la décision de refus.

13. La commune demande à la Cour de procéder à deux substitutions de motifs en faisant valoir que le projet méconnaît l'article A2 ainsi que l'article A11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune.

14. Cependant, ces demandes de substitutions de motifs doivent être écartées, par adoption des motifs du tribunal en point 13 et 15 du jugement de première instance qui n'appellent pas de précision en appel.

15. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête d'appel, que les conclusions à fin d'annulation du jugement n° 1703591 du 17 septembre 2019 du tribunal administratif de Nîmes et du rejet des conclusions de la requête des pétitionnaires de première instance doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

16. M. D... et Mme B... n'étant pas la partie perdante dans cette instance, les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées par la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue doivent être rejetées. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue au profit de M. D... et Mme B... la somme de 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue est rejetée.

Article 2 : Il est mis à la charge de la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue au profit de M. D... et Mme B... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Entraigues-sur-la-Sorgue, à M. C... D... et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021, où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2021.

2

N° 19MA04604

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04604
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-045 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses. - Régimes de déclaration préalable.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Marc-Antoine QUENETTE
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : SCP COURRECH et ASSOCIES - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-17;19ma04604 ?
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