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14/12/2021 | FRANCE | N°19MA04224

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 14 décembre 2021, 19MA04224


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une décision du 28 décembre 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a attribué au tribunal administratif de Montpellier le jugement de la requête présentée par M. C... B..., M. E... F... et M. A... D..., notaires associés d'une société civile professionnelle titulaire d'un office de notaire à Sigean.

MM. B..., F... et D..., représentés par Me Gil-Fourrier de la SELARL Gil-Cros, ont demandé au tribunal administratif de Montpellier, dans le dernier état de leurs écritures :

-

d'annuler la décision du 29 novembre 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une décision du 28 décembre 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a attribué au tribunal administratif de Montpellier le jugement de la requête présentée par M. C... B..., M. E... F... et M. A... D..., notaires associés d'une société civile professionnelle titulaire d'un office de notaire à Sigean.

MM. B..., F... et D..., représentés par Me Gil-Fourrier de la SELARL Gil-Cros, ont demandé au tribunal administratif de Montpellier, dans le dernier état de leurs écritures :

- d'annuler la décision du 29 novembre 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté leur demande d'autorisation d'ouverture d'un bureau annexe à la résidence de Leucate et la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'ils ont formé contre cette décision ;

- d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de délivrer à la société civile professionnelle " Jacques B..., Jean-Luc F... et Alain D..., notaires associés ", titulaire d'un office notarial, une attestation de la décision implicite du 21 août 2016 autorisant l'ouverture d'un bureau annexe à la résidence de Leucate, ou, à défaut, de prendre une nouvelle décision.

Par un jugement n° 1806436 du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2019 et un mémoire, non communiqué, enregistré le 10 mai 2021, M. C... B..., M. E... F... et M. A... D..., notaires associés d'une société civile professionnelle titulaire d'un office de notaire devenue

SCP " Alain D..., Nathalie Roudières, Guillem Ricour, Elodie Fourcadet, Ombeline Poudou-Labonde et Jean-Luc F..., notaires associés ", à Sigean, représentés par la SELARL Gil-Cros intervenant par Me Cros, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1806436 du 5 juillet 2019 ;

2°) à titre principal, d'annuler la décision du 29 novembre 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a retiré la décision implicite d'acceptation née le 21 août 2016 du silence gardé sur leur demande du 21 juin 2016 tendant à l'autorisation de l'ouverture, à la résidence de Leucate, d'un bureau annexe à l'office notarial à la résidence de Sigean et à la suppression concomitante du bureau annexe de l'office notarial à la résidence de Durban-Corbières, et a rejeté cette demande, ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre a rejeté leur recours gracieux, en date du 9 décembre 2016, contre cette décision ;

3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de délivrer à la

SCP " Jacques B..., Jean-Luc F... et Alain D..., notaires associés titulaires d'un office notarial " devenue SCP " Alain D..., Nathalie Roudières, Guillem Ricour, Elodie Fourcadet, Ombeline Poudou-Labonde et Jean-Luc F..., notaires associés " une attestation de la décision implicite d'autorisation d'ouverture d'un bureau annexe à la résidence de Leucate et de suppression du bureau annexe à la résidence de Durban-Corbières, née le 21 août 2016, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de

1 000 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de publier au Journal officiel de la République française la demande présentée par la SCP le 21 juin 2016 d'autorisation d'ouverture d'un bureau annexe à la résidence de Leucate et de suppression du bureau annexe à la résidence de Durban-Corbières, ainsi que la décision d'autorisation en date du 21 août 2021, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de

1 000 euros par jour de retard ;

5°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision du 29 novembre 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté leur demande du 21 juin 2016 tendant à l'autorisation de l'ouverture, à la résidence de Leucate, d'un bureau annexe à l'office notarial à la résidence de Sigean et à la suppression concomitante du bureau annexe de l'office notarial à la résidence de Durban-Corbières, ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre a rejeté leur recours gracieux, en date du 9 décembre 2016, contre cette décision ;

6°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, d'instruire à nouveau leur demande et de prendre une nouvelle décision, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jours de retard ;

7°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le silence gardé par le ministre de la justice sur leur demande, en date du 21 juin 2016, tendant à l'autorisation de l'ouverture, à la résidence de Leucate, d'un bureau annexe à l'office notarial à la résidence de Sigean et à la suppression concomitante du bureau annexe de l'office notarial à la résidence de Durban-Corbières, a fait naître, le 21 août 2016, une décision implicite d'acceptation, créatrice de droits ;

- faute d'avoir été précédée d'une procédure contradictoire, la décision du

29 novembre 2016, qui doit être regardée comme une décision de retrait de la décision créatrice de droit du 21 août 2016, est irrégulière ;

- la décision du 29 novembre 2016 a été prise au terme d'une procédure irrégulière faute d'avoir été précédée de la consultation du bureau du Conseil supérieur du notariat conformément aux dispositions de l'article 2-5 du décret du 26 novembre 1971 ;

- le ministre de la justice ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, considérer qu'il ne pouvait autoriser la création d'un bureau annexe dès lors que la demande s'inscrivait dans une zone qualifiée par l'arrêté du 16 septembre 2016, pris en application de l'article 52 de la loi

n° 2015-990 du 6 août 2015 " zone d'installation libre n° 207 de Narbonne " et dans laquelle était recommandée la création de cinq offices de notaire ;

- la décision du 29 novembre 2016 repose sur des faits matériellement inexacts et est entachée d'erreurs manifestes d'appréciation ;

- la décision du 29 novembre 2016 méconnait le principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques ;

- elle constitue un abus de droit et de procédure.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 avril 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucune décision implicite d'acceptation des demandes reçues le

21 juin 2016 n'est intervenue et qu'aucun des moyens soulevés à l'encontre de sa décision du

29 novembre 2016 n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ;

- le décret n° 71-942 du 26 novembre 1971 relatif aux créations, transferts et suppressions d'office de notaire, à la compétence d'instrumentation et à la résidence des notaires, à la garde et à la transmission des minutes et registres professionnels des notaires ;

- le décret n° 2016-216 du 26 février 2016 relatif à l'établissement de la carte instituée au I de l'article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

- l'arrêté du 16 septembre 2016 pris en application de l'article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Renault,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Cros, représentant les appelants.

Considérant ce qui suit :

1. MM. B..., F... et D..., notaires associés d'une société civile professionnelle titulaire d'un office de notaire à la résidence à Sigean (Aude), ont sollicité, par demande reçue le 21 juin 2016 par les services du garde des sceaux, ministre de la justice, l'autorisation d'ouvrir un bureau annexe de l'office à Leucate et la suppression concomitante du bureau annexe de Durban-Corbières. Ils ont demandé au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 29 novembre 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de faire droit à ces demandes ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux, formé le

9 décembre 2016. Ils relèvent appel du jugement du 5 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier, auquel le Conseil d'Etat a attribué le jugement de leur requête, a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les dispositions applicables au litige :

2. D'une part, aux termes de l'article 10 du décret du 26 novembre 1971 : " (...) il est interdit aux notaires de recevoir eux-mêmes ou de faire recevoir par une personne à leur service leurs clients à titre habituel dans un local autre que leur étude. (...) / Le garde des sceaux, ministre de la justice peut, à la demande du titulaire de l'office, prendre un arrêté autorisant l'ouverture d'un ou plusieurs bureaux annexes soit à l'intérieur du département, soit à l'extérieur du département dans un canton ou une commune limitrophe du canton où est établi l'office. Le ou les bureaux annexes ainsi ouverts restent attachés à l'office sans qu'il soit besoin, lors de la nomination d'un nouveau titulaire, de renouveler l'autorisation accordée ", et aux termes de l'article 2-7 du même décret : " La création ou la suppression d'un office, la transformation d'un bureau annexe en office distinct et l'ouverture ou la suppression d'un bureau annexe font l'objet d'un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Le silence gardé pendant deux mois par l'administration sur une demande vaut décision d'acceptation ". Aux termes de l'article L. 231-4 du même code : " Par dérogation à l'article L. 231-1, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : 1° Lorsque la demande ne tend pas à l'adoption d'une décision présentant le caractère d'une décision individuelle ; 2° Lorsque la demande ne s'inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire ou présente le caractère d'une réclamation ou d'un recours administratif ; 3° Si la demande présente un caractère financier sauf, en matière de sécurité sociale, dans les cas prévus par décret ; 4° Dans les cas, précisés par décret en Conseil d'Etat, où une acceptation implicite ne serait pas compatible avec le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection de la sécurité nationale, la protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle et la sauvegarde de l'ordre public ;

5° Dans les relations entre l'administration et ses agents " et aux termes de l'article L. 231-5 de ce code : " Eu égard à l'objet de certaines décisions ou pour des motifs de bonne administration, l'application de l'article L. 231-1 peut être écartée par décret en Conseil d'Etat et en conseil des ministres ".

Sur l'existence d'une décision implicite d'autorisation d'ouverture d'un bureau annexe à Leucate et de suppression d'un bureau annexe à Durban-Corbières :

4. En premier lieu, la décision litigieuse, portant sur une demande d'autorisation d'ouverture d'un bureau annexe présentée par une société civile professionnelle de notaires et la fermeture concomitante d'un autre bureau annexe, qui concerne le fonctionnement du service public notarial mais n'a pas, par elle-même, pour objet d'assurer son organisation, est une décision individuelle qui ne relève d'aucune des exceptions à la règle du silence valant acceptation prévues par les dispositions précitées de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration.

5. En deuxième lieu, cette procédure ne fait pas partie de celles listées par les décrets

n° 2014-1277 et n° 2014-1279 du 23 octobre 2014, relatifs aux exceptions à l'application du principe " silence vaut acceptation " pour le ministère de la justice, pour lesquelles le silence gardé par l'administration ne vaut pas acceptation.

6. En troisième lieu, si l'article D. 231-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " La liste des procédures pour lesquelles le silence gardé sur une demande vaut décision d'acceptation est publiée sur un site internet relevant du Premier ministre. Elle mentionne l'autorité à laquelle doit être adressée la demande ainsi que le délai au terme duquel l'acceptation est acquise ", et l'article D. 231-3 du même code, dans sa version applicable, précise que cette liste est disponible sur le site " legifrance.gouv.fr ", une telle liste ne présente qu'un caractère informatif et la circonstance que la procédure en cause n'y est pas mentionnée n'a pas pour effet d'empêcher qu'une décision implicite d'acceptation puisse naître du silence gardée pendant deux mois sur la demande.

7. En quatrième lieu, pour contester que la décision du 29 octobre 2016 puisse être regardée comme ayant retiré ou abrogé une décision créatrice de droit née le 21 août 2016 du silence gardé deux mois sur la demande d'autorisation d'ouverture d'un bureau annexe et de suppression du bureau annexe de Durban-Corbières reçue le 21 juin 2016, le ministre soutient qu'en application de l'article L. 100-1 du code des relations entre le public et l'administration qui dispose que le code " régit les relations entre le public et l'administration en l'absence de dispositions spéciales applicables. ", l'article L. 231-1 de ce code ne trouve pas à s'appliquer dès lors que la procédure en litige est régie par les dispositions de l'article 2-7 du décret du

26 novembre 1971. Toutefois, ces dispositions réglementaires se bornent à attribuer au garde des sceaux, ministre de la justice, compétence pour autoriser par arrêté la création ou la suppression d'un bureau annexe à un office notarial, sans apporter aucune précision sur le délai au terme duquel le ministre doit prendre sa décision. Elles n'indiquent pas si cette décision doit être nécessairement expresse ni ne se prononcent sur la naissance d'une décision implicite, d'acceptation ou de rejet, à l'expiration de ce délai. Enfin, en l'absence d'indication de toute particularité sur la procédure à suivre pour autoriser l'ouverture ou la suppression d'un bureau annexe à un office notarial, elles ne peuvent être regardées comme des dispositions spéciales au sens de l'article L. 100-1 du code des relations entre le public et l'administration et ne permettent pas, par suite, de déroger au principe posé à l'article L. 231-1 du même code, selon lequel le silence gardé sur une demande vaut acception.

8. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir qu'à compter du 21 août 2016, la SCP " Jacques B..., Jean-Luc F... et Alain D..., notaires associés titulaires d'un office notarial " était bénéficiaire d'une décision implicite d'autorisation d'ouverture d'un bureau annexe à la résidence de Leucate et de suppression concomitante d'un bureau annexe à la résidence de Durban-Corbières, créatrice de droits, et que, par suite, la décision du 29 novembre 2016 doit être regardée comme une décision retirant ou abrogeant cette autorisation.

Sur la légalité de la décision de retrait de la décision implicite née le 21 août 2016 :

9. L'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose que celle-ci ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. La décision retirant ou abrogeant la décision du

21 août 2016 est intervenue dans le délai de quatre mois suivant la naissance de cette décision.

En ce qui concerne la légalité externe de la décision :

10. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ". La décision portant retrait d'une autorisation d'ouverture et de suppression d'un bureau annexe à un office notarial, créatrice de droits, est au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Elle doit, par suite, être précédée d'une procédure contradictoire, permettant au bénéficiaire de la décision d'être informé de la mesure qu'il est envisagé de prendre, ainsi que des motifs sur lesquels elle se fonde, et de disposer d'un délai suffisant pour présenter ses observations.

11. Il n'est pas contesté que la SCP " Jacques B..., Jean-Luc F... et

Alain D..., notaires associés titulaires d'un office notarial " n'a pas été mise à même de faire valoir ses observations préalablement à l'édiction de la décision litigieuse du 29 novembre 2016. Les appelants sont donc fondés à soutenir que cette décision est entachée d'illégalité et qu'elle doit, par suite, être annulée.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision :

12. D'une part, aux termes de l'article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

" I. Les notaires (...) peuvent librement s'installer dans les zones où l'implantation d'offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l'offre de services. / Ces zones sont déterminées par une carte établie conjointement par les ministres de la justice et de l'économie, sur proposition de l'Autorité de la concurrence en application de l'article L. 462-4-1 du code de commerce. Elles sont définies de manière détaillée au regard de critères précisés par décret, parmi lesquels une analyse démographique de l'évolution prévisible du nombre de professionnels installés. / A cet effet, cette carte identifie les secteurs dans lesquels, pour renforcer la proximité ou l'offre de services, la création de nouveaux offices de notaire (...) apparaît utile. / Afin de garantir une augmentation progressive du nombre d'offices à créer, de manière à ne pas bouleverser les conditions d'activité des offices existants, cette carte est assortie de recommandations sur le rythme d'installation compatible avec une augmentation progressive du nombre de professionnels dans la zone concernée. / Cette carte est rendue publique et révisée tous les deux ans. / II. - Dans les zones mentionnées au I, lorsque le demandeur remplit les conditions de nationalité, d'aptitude, d'honorabilité, d'expérience et d'assurance requises pour être nommé en qualité de notaire (...) le ministre de la justice le nomme titulaire de l'office de notaire (...) créé. Un décret précise les conditions d'application du présent alinéa. Si, dans un délai de six mois à compter de la publication de la carte mentionnée au I, le ministre de la justice constate un nombre insuffisant de demandes de créations d'office au regard des besoins identifiés, il procède, dans des conditions prévues par décret, à un appel à manifestation d'intérêt en vue d'une nomination dans un office vacant ou à créer ou de la création d'un bureau annexe par un officier titulaire ".

13. D'autre part, dans l'exercice du pouvoir qu'il tient du décret du 26 novembre 1971 précité de décider de la localisation des offices de notaires et, notamment, lorsqu'il décide l'ouverture d'un bureau annexe, le garde des sceaux, ministre de la justice, doit se déterminer, pour l'organisation du service public, en fonction des besoins du public, de la situation géographique et de l'évolution démographique et économique.

14. L'arrêté du 16 septembre 2016, publié au journal officiel du 20 septembre suivant, conformément au décret n° 2016-216 du 26 février relatif à l'établissement de la carte instituée au I de l'article 52 de la loi précitée, établit ainsi une carte déterminant deux cent quarante-sept zones, dites " d'installation libre ", où la création d'offices de notaires apparaît utile pour renforcer la proximité ou l'offre de services, et fixe, pour chacune de ces zones, une recommandation sur le nombre de créations d'offices notariaux, afin de garantir une augmentation progressive du nombre d'offices à créer, de manière à ne pas bouleverser les conditions d'activités des offices existants, ainsi qu'un objectif de nomination de notaires titulaires ou associés pour deux années. Il ressort des pièces du dossier que les communes de Sigean, Durban Corbières et Leucate, qui se situent dans le département de l'Aude, appartiennent à la zone d'installation libre de Narbonne définie par l'arrêté du 16 septembre 2016.

15. Il ressort des termes de la décision de retrait attaquée du 29 novembre 2016 qu'elle a été prise au motif qu'eu égard à l'objectif de création de cinq offices dans la zone d'installation libre de Narbonne " il était souhaitable de privilégier dans un premier temps l'implantation d'offices de notaire et de réserver l'ouverture de bureaux annexes aux villes qui ne bénéficieraient pas d'une présence notariale suffisante à l'issue des opérations de nomination dans les offices créés ".

16. D'une part, à la date à laquelle est née l'autorisation de l'ouverture d'un bureau annexe à la résidence de Leucate, le 21 août 2016, aucune carte telle que mentionnée au I de l'article 52 de la loi du 6 août 2015 n'avait été publiée et aucun nouvel office notarial n'avait été créé à Leucate. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que l'office notarial demandeur réalisait déjà, avant l'intervention de la décision implicite d'acceptation d'ouverture d'un bureau annexe à Leucate, 39 % de son chiffre d'affaires dans cette commune, qui connaît une évolution démographique et économique favorable et que la suppression du bureau annexe de Durban-Corbières, dans lequel l'office notarial ne réalisait que 5 % de son chiffres d'affaires, n'aurait pas pour effet d'affaiblir l'offre de service public notarial dans cette commune, dès lors que plusieurs offices notariaux et ou bureaux annexes de ces offices sont implantés à proximité. Dans ces conditions, c'est sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation que le garde des sceaux, ministre de la justice, a pu implicitement autoriser la SCP " Jacques B..., Jean-Luc F... et Alain D..., notaires associés titulaires d'un office notarial " à ouvrir un bureau annexe à Leucate et à supprimer le bureau annexe ouvert à Durban-Corbières. Dès lors, en l'absence d'illégalité de cette décision, le garde des sceaux, ministre de la justice, ne pouvait légalement procéder à son retrait.

17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que MM. B..., F... et D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 29 novembre 2016 ainsi que, pour les mêmes motifs, la décision implicite de rejet de leur recours gracieux contre cette décision.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

18. L'annulation de la décision du 29 novembre 2016 n'implique pas qu'une nouvelle décision soit prise, la SCP " Jacques B..., Jean-Luc F... et Alain D..., notaires associés titulaires d'un office notarial ", bénéficiant d'une décision créatrice de droits, née le

21 août 2016, qui l'autorise à procéder à l'ouverture d'un bureau annexe à la résidence de Leucate et à supprimer le bureau annexe à la résidence de Durban-Corbières. Elle implique seulement que soit délivrée à la SCP une attestation d'autorisation d'ouverture d'un bureau annexe à Leucate et de suppression du bureau annexe de Durban-Corbières, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

19. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser aux requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 juillet 2019 est annulé.

Article 2 : La décision du 29 novembre 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a retiré à la SCP " Jacques B..., Jean-Luc F... et Alain D..., notaires associés titulaires d'un office notarial " une décision d'autorisation d'ouverture d'un bureau annexe à la résidence de Leucate et de suppression d'un bureau annexe à la résidence de Durban-Corbières, ainsi que la décision confirmative prise sur le recours gracieux contre cette décision, sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de délivrer à la SCP " Jacques B..., Jean-Luc F... et Alain D..., notaires associés titulaires d'un office notarial " devenue SCP " Alain D..., Nathalie Roudières, Guillem Ricour, Elodie Fourcadet, Ombeline Poudou-Labonde et Jean-Luc F..., notaires associés ", une attestation d'autorisation d'ouverture d'un bureau annexe à Leucate et de suppression du bureau annexe de Durban-Corbières, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à MM. B..., F... et D... une somme globale de

2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de MM. B..., F... et D... est rejetée.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à M. E... F..., à

M. A... D... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- Mme Renault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 14 décembre 2021.

2

N° 19MA04224


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04224
Date de la décision : 14/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

01-01-08 ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS. - DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ACTES. - DÉCISIONS IMPLICITES. - SILENCE GARDÉ SUR UNE DEMANDE D'OUVERTURE D'UN BUREAU ANNEXE D'UN OFFICE NOTARIAL ET DE FERMETURE CONCOMITANTE D'UN AUTRE BUREAU ANNEXE ACCEPTATION - EXISTENCE.

01-01-08 Il résulte de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA) et de l'article 2-7 du décret du 26 novembre 1971 que le silence gardé par le garde des sceaux, ministre de la justice, sur une demande d'ouverture d'un bureau annexe d'un office notarial et de fermeture concomitante d'un autre bureau annexe fait naître une décision implicite d'acceptation à l'issue d'un délai de deux mois suivant la date de réception par le ministre du dossier de demande....[RJ1].


Références :

[RJ1]

Comp.CE 7 octobre 2021, 436706.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Thérèse RENAULT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS GIL-FOURRIER et CROS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-14;19ma04224 ?
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