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13/12/2021 | FRANCE | N°21MA02528

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 13 décembre 2021, 21MA02528


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... D... et Mme F... B... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 31 mai 2021 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales les a mis en demeure, ainsi que tous les autres occupants, de libérer dans un délai de quarante-huit heures le bien immobilier situé au 5 chemin Puig Tarrous à Villelongue-Dels-Monts et a autorisé l'évacuation forcée de ce bâtiment en cas d'inexécution de cette obligation et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 eu

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... D... et Mme F... B... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 31 mai 2021 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales les a mis en demeure, ainsi que tous les autres occupants, de libérer dans un délai de quarante-huit heures le bien immobilier situé au 5 chemin Puig Tarrous à Villelongue-Dels-Monts et a autorisé l'évacuation forcée de ce bâtiment en cas d'inexécution de cette obligation et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance n° 2102871 du 4 juin 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 31 mai 2021.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 juin 2021, M. A... E... et M. C... E..., représentés par Me Capsie, demandent à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 4 juin 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de rejeter les conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge des époux D... la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- cette affaire ne relève pas des dispositions relatives aux gens du voyage ;

- le moyen retenu par le tribunal n'est pas fondé.

Par un mémoire, enregistré le 8 octobre 2021, le ministre de l'intérieur conclut à l'accueil de la requête.

Il soutient que :

- l'ordonnance a été prise par une autorité incompétente ;

- la décision du préfet est légale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi modifiée n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marcovici,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 31 mai 2021, le préfet des Pyrénées-Orientales a mis en demeure, sur le fondement des dispositions de l'article 38 de la loi modifiée n°2007-290, M. et Mme D... ainsi que tous les autres occupants de libérer dans un délai de quarante-huit heures le bien immobilier situé au 5 chemin Puig Tarrous à Villelongue-Dels-Monts, appartenant aux consorts E..., et a autorisé l'évacuation forcée de ce bâtiment en cas d'inexécution de cette obligation. Les consorts E... relèvent appel de l'ordonnance du 4 juin 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a fait droit à cette demande.

2. Les consorts D... demandaient au tribunal administratif, en se référant à l'article R.779-2 du code de justice administrative, de " prononcer l'annulation de la décision d'obligation de quitter les lieux ... " en raison de la méconnaissance des dispositions de l'article 38 de la loi modifiée n°2007-290. Par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif, après avoir visé la décision du président du tribunal administratif le désignant en application de l'article R.779-8 du code de justice administratif et cité les dispositions des articles 779-1 et R.779-3 du même code, a annulé l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales pour méconnaissance des dispositions de l'article 38 de la loi du 5 mars 2007.

3. Les dispositions de l'article L.779-1 et des articles R.779-1 du code de justice administrative concernent le contentieux du stationnement des résidences mobiles des gens du voyage. Il est constant que l'arrêté préfectoral en litige est étranger au champ d'application de ces dispositions et trouve son fondement dans les dispositions de l'article 38 de la loi n°2007-290 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale dans sa rédaction issue de la loi n°2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique. Ainsi, les conclusions de M. et Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 31 mai 2021 devaient être jugées par une formation collégiale du tribunal administratif et non par un juge des référés se prévalant d'une désignation prise en application de l'article R.779-8 du code de justice administrative. Par suite, l'ordonnance du 4 juin 2021, qui a été rendue par une formation de jugement incompétente, doit être annulée. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour la cour de se prononcer sur les conclusions de première instance et d'appel par la voie de l'évocation.

4. Aux termes de l'article 38 de la loi n° 2020-1525 du 5 mars 2007 dans sa rédaction applicable : " En cas d'introduction et de maintien dans le domicile d'autrui, qu'il s'agisse ou non de sa résidence principale, à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, la personne dont le domicile est ainsi occupé ou toute personne agissant dans l'intérêt et pour le compte de celle-ci peut demander au préfet de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l'occupation illicite par un officier de police judiciaire./ La décision de mise en demeure est prise par le préfet dans un délai de quarante-huit heures à compter de la réception de la demande. Seule la méconnaissance des conditions prévues au premier alinéa ou l'existence d'un motif impérieux d'intérêt général peuvent amener le préfet à ne pas engager la mise en demeure. En cas de refus, les motifs de la décision sont, le cas échéant, communiqués sans délai au demandeur.../ lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé, le préfet doit procéder sans délai à l'évacuation forcée du logement, sauf opposition de l'auteur de la demande dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure. "

5. Il ressort des pièces du dossier que les consorts E... ont signé un compromis de vente de leur maison au profit d'une société représentée par M. D.... Les consorts E..., eu égard aux bonnes relations entretenues avec les futurs acquéreurs, ont remis les clefs de la maison aux D... qui ont ensuite résidé dans ladite maison. Toutefois, en l'absence de conclusion du contrat de vente, les consorts E... se sont réinstallés dans leur maison le 8 août 2020. A la suite d'une courte absence de M. E..., à la fin du mois d'août 2020, les consorts D... se sont introduits dans sa maison et ont changé les serrures à l'aide d'un jeu de clefs qu'ils avaient indument conservé. Contrairement aux affirmations des consorts D..., aucune autorisation ne leur a été donnée d'occuper cette maison, quand bien même ils auraient acquitté une indemnité d'occupation au tire de la période courant de 2018 à 2020. Dans ces conditions, dès lors, d'une part, que M. E... avait porté plainte le 20 avril 2021 et qu'un officier de police judiciaire avait dressé un procès-verbal en date du 3 mai 2021 constatant l'occupation de sa propriété et que, d'autre part, les faits relatés ci-dessus sont constitutifs d'une manœuvre au sens des dispositions précitées de l'article 38, le préfet pouvait donc à bon droit mettre en demeure les consorts D... de quitter la maison des consorts E..., Il résulte de ce qui précède que les conclusions de première instance des consorts D... doivent être rejetées, y compris celles fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les frais du litige d'appel :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des époux D... une somme de 2 000 euros à verser aux consorts E..., sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du 4 juin 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée.

Article 2 : Les conclusions de première instance des époux D... sont rejetées.

Article 3 : Il est mis à la charge des époux D... la somme de 2 000 euros, à verser aux consorts E... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... D..., Mme F... B... épouse D..., au ministre de l'intérieur, à M. A... E... et à M. C... E....

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2021, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président-assesseur,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2021.

4

N° 21MA02528


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02528
Date de la décision : 13/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Droits civils et individuels - Droit de propriété - Actes des autorités administratives concernant les biens privés.

Police - Étendue des pouvoirs de police - Champ d'application des mesures de police.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS NICOLAU MALAVIALLE GADEL CAPSIE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-13;21ma02528 ?
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