Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer son dossier dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2005455 du 19 avril 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 20 mai 2021, M. B..., représenté par Me Khadraoui-Zgaren, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2020 du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Alpes Maritimes de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas fait un examen particulier de sa situation ;
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour ;
- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; il est présent en France depuis 2004 ;
- elle méconnaît les articles 7 ter et 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié concernant le séjour et le travail des ressortissants tunisiens en France ; elle méconnaît l'article 2.3.3 de l'accord cadre franco-tunisien signé à Tunis le 28 avril 2008 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie et le protocole relatif à la gestion concertée des migrations, signés à Tunis le 28 avril 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... Guillaumont, rapporteur,
- les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public,
- et les observations de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né le 9 décembre 1971, a sollicité, le 8 octobre 2020, son admission exceptionnelle au séjour. Par arrêté du 3 décembre 2020, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. La décision portant refus de titre de séjour vise notamment le 7° de l'article L. 313-11 et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 susvisé. Elle précise également les éléments de fait relatifs à la situation personnelle du requérant. Elle fait notamment état de ce que M. B... a fait l'objet d'au moins six mesures d'éloignement sur les dix dernières années, qu'il a été incarcéré en 2011, que son épouse et ses quatre enfants résident en Tunisie et que les documents produits à l'appui de sa demande d'admission au séjour ne sont pas de nature à établir une insertion particulièrement forte dans la société française. Dans ces conditions, le préfet a suffisamment motivé sa décision. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté.
4. En deuxième lieu, il ressort de la motivation de la décision attaquée, ainsi qu'il est mentionné au point précédent, que le préfet des Alpes-Maritimes a procédé à un examen particulier de la situation du requérant. Le moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux de sa situation doit par suite être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".
6. M. B... soutient résider habituellement en France depuis l'année 2004. Toutefois, d'une part, les pièces produites par l'intéressé ne suffisent pas à établir sa présence continue et habituelle entre 2004 et 2008. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'il a été incarcéré de décembre 2010 à juin 2011, période qui ne saurait être prise en compte dans le calcul de la durée de résidence habituelle en France, au sens de ces dispositions. Par ailleurs, les arrêtés préfectoraux des 23 avril 2012 et 25 novembre 2019 pris à son encontre portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont assortis d'interdictions de retour respectivement pour une période de deux ans et d'un an, périodes dont il ne peut davantage se prévaloir au titre des dix ans de résidence habituelle qu'il revendique. Dès lors, il ne justifie pas, par les pièces produites, de dix années de résidence habituelle en France à la date de la décision en litige. Par suite, le préfet des Alpes-Maritimes n'avait pas à saisir la commission du titre de séjour.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " (...) ; d) Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 : - les ressortissants tunisiens qui, à la date d'entrée en vigueur de l'accord signé à Tunis le 28 avril 2008, justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans ; /(...) ". Il résulte de ces stipulations qu'elles ne sont applicables qu'aux ressortissants tunisiens qui justifiaient d'une présence habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans au 1er juillet 2009, date d'entrée en vigueur de l'accord du 28 avril 2008. M. B..., qui déclare être entré en France au cours de l'année 2004, n'allègue même pas qu'il aurait pu remplir cette condition. Par suite, le moyen tiré par celui-ci de la méconnaissance des stipulations du d) de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien modifié doit être écarté.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. (...). ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. D'une part, il ne résulte pas des pièces du dossier que les quatre enfants de M. B... et son épouse ne résidaient pas en Tunisie à la date de la décision attaquée, ainsi que l'a retenu le préfet. D'autre part, le contrat de travail du 27 avril 2010, les promesses d'embauche ainsi que les pièces médicales, administratives, judiciaires ou portant sur ses comptes bancaires ne révèlent pas une insertion personnelle ou professionnelle significative en France. Il ne ressort, du reste, pas des pièces du dossier que M. B... disposerait d'un logement propre. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour en litige porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels elles a été prise. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été édictée en méconnaissance des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
10. En sixième lieu, d'une part, l'article 3 de l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 stipule que " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' ". Le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 stipule, à son point 2.3.3, que " le titre de séjour portant la mention ''salarié'', prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (...) ". D'autre part, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7.(...) ".
11. Les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'instituent pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais sont relatives aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Elles fixent ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
12. Ainsi le requérant ne peut utilement soutenir que le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", dès lors que ces dispositions ne lui sont pas applicables. En tout état de cause, s'il se prévaut d'un contrat de travail à durée indéterminée signé le 27 avril 2010 par lequel il a été embauché en qualité de maçon, cette seule circonstance ne suffit pas à établir, qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié, le préfet aurait entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation. En outre, eu égard à ce qui a été dit au point 9 de la présente décision, le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir que le préfet aurait en refusant de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 3 décembre 2020.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :
14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par Me Khadraoui-Zgaren sur son fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2021, où siégeaient :
- Mme Laurence Helmlinger présidente de la Cour,
- M. Gilles Taormina, président assesseur,
- M. C... Guillaumont, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 décembre 2021.
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N° 21MA01937