Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'enjoindre à la commune de Toulon de réaliser les travaux nécessaires pour faire cesser et prévenir les débordements d'eau subis par leur propriété lors de fortes pluies, chiffrés comme non chiffrés dans le rapport d'expertise judiciaire du 30 août 2017, de condamner la commune à la prise en charge des frais correspondants ainsi que des frais de cette expertise, et à leur verser la somme de 14 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral résultant desdits désordres.
Par un jugement n° 1802107 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande et a mis à leur charge les frais et honoraires taxés et liquidés à la somme de 18 703, 18 euros.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 août 2020 et le 18 janvier 2021,
M. et Mme A..., représentés par Me Righi, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 2 juillet 2020 ;
2°) de condamner la commune de Toulon à réaliser les travaux préconisés dans le rapport d'expertise du 30 août 2017, dans le délai de six mois suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de condamner la commune de Toulon à leur verser les sommes de 4000 euros et de 10000 euros en réparation respectivement de leur préjudice matériel et de leur préjudice moral ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Toulon la somme de 5000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens, y compris les frais d'expertise.
Ils soutiennent que :
- en rejetant leur demande, les premiers juges ont méconnu les conclusions de l'expert pourtant désigné par le tribunal lui-même, selon lesquelles les débordements d'eau inondant leur propriété sont dus au mauvais positionnement et aux dimensions insuffisantes des grilles avaloirs, et les préjudices subis sont réels ;
- les travaux d'aménagement du lotissement sur un ancien champ de vignes ont créé une situation nouvelle, les dispensant de prouver une quelconque aggravation ;
- la réalité des inondations de leur terrain et du sous-sol de leur maison résulte d'un premier rapport d'expertise du 14 novembre 2014, tout comme celle de l'accumulation de sables et de limons dans le ruisseau longeant leur terrain ;
- ces eaux et matériaux proviennent du domaine public routier, en raison du mauvais calibrage des collecteurs, et engagent donc la responsabilité de la commune ;
- les travaux préconisés par l'expert, de réalisation de deux ouvrages complémentaires, sont d'intérêt général et incombent donc nécessairement à la puissance publique ;
- la somme de 4000 euros réclamée correspond aux troubles de jouissance subis depuis 2003 du fait de l'inondation de leur propriété et de leur garage, et se veut en rapport avec la valeur vénale de la propriété ;
- le préjudice moral correspond quant à lui à l'inquiétude permanente de voir leur propriété inondée, en cas de fortes pluies, et se trouve aggravé par le refus systématique de la commune d'intervenir, les contraignant à de longues démarches.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2020, la commune de Toulon conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des appelants la somme de
2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune soutient que :
- les appelants ne démontrent pas la réalité des préjudices allégués, faute de justifier de la matérialité des inondations et de leur caractère récurrent, ni de l'aggravation de la situation naturelle des lieux ;
- la canalisation du lotissement et l'exutoire visés par les prétentions indemnitaires sont privés, tout comme le tronçon de canalisation entre les points T 7 et T8, la commune n'a dès lors aucune compétence pour y intervenir ;
- il revenait au lotisseur de réaliser les aménagements et travaux nécessaires ;
- les appelants ne justifient pas avoir payé les frais et honoraires d'expertise et n'établissent pas que ces sommes n'auraient pas été supportées par leur assureur protection juridique.
Par lettre du 7 octobre 2021, la Métropole Toulon-Provence-Méditerranée a été appelée dans la cause, sur le fondement des dispositions du 5° du I de l'article L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales.
Par ordonnance du 21 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 novembre 2021, à 12 heures.
Par lettre du 16 novembre 2021, la Cour a informé les parties, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que sa décision était susceptible d'être fondée sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions des époux A... tendant à l'indemnisation de leurs préjudice matériel et moral, faute d'avoir été précédées d'une demande présentée en ce sens à la commune de Toulon.
M. et Mme A... ont produit le 17 novembre 2021 des observations en réponse au moyen relevé d'office, en précisant avoir accompli les démarches préalables qui s'imposaient.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de M. Ury, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... possèdent à Toulon, rue Théodore Botrel, une maison d'habitation avec garage, dont le fond de terrain est traversé par un ruisseau. Se plaignant d'inondations de leur parcelle à compter de 2003, qu'ils imputent à l'aménagement, au sud de leur propriété, d'un lotissement sur d'anciens champs de vignes, ils ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulon aux fins de désignation d'un expert, notamment pour déterminer les causes et origines des désordres affectant leur propriété. L'expert désigné par le tribunal ayant rendu son rapport le 30 août 2017, M. et Mme A... ont demandé au maire de Toulon, par courrier du 27 mars 2018, reçu le 30 mars, de prendre position sur la réalisation des travaux préconisés dans ce rapport. Par jugement du 2 juillet 2020, dont ils forment appel, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Toulon de réaliser les travaux nécessaires pour faire cesser et prévenir les débordements d'eau subis par leur propriété lors de fortes pluies, chiffrés comme non chiffrés dans le rapport d'expertise judiciaire du 30 août 2017, de condamner la commune à la prise en charge des frais correspondants ainsi que des frais de cette expertise, et à leur verser la somme de 14 000 euros en réparation des préjudices matériel et moral résultant desdits désordres.
Sur la personne publique responsable :
2. Depuis la loi du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert de la compétence eau et assainissement aux communautés de communes, le a) du 5° du I de l'article L. 5217-2 du même code prévoit que les métropoles exercent de plein droit, en lieu et place des communes membres, la compétence en matière de gestion des eaux pluviales urbaines au sens de l'article L. 2226-1. Aux termes de l'alinéa 1er de l'article L. 5217-5 du même code, " Les biens et droits à caractère mobilier ou immobilier situés sur le territoire de la métropole et utilisés pour l'exercice des compétences transférées mentionnées au I de l'article L. 5217-2 sont mis de plein droit à disposition de la métropole par les communes membres " et aux termes de l'alinéa 6 du même article : " La métropole est substituée de plein droit, pour l'exercice des compétences transférées (...) dans l'ensemble des droits et obligations attachés aux biens mis à disposition en application du premier alinéa et transférés à la métropole en application des deuxième à cinquième alinéas du présent article, ainsi que pour l'exercice de ces compétences sur le territoire métropolitain dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 3 août 2018, le 6 août 2018, la Métropole Toulon-Provence-Méditerranée a été substituée de plein droit à la commune de Toulon, qui en est membre, dans l'exercice de la compétence relative à la gestion des eaux pluviales urbaines ainsi que dans l'ensemble des droits et obligations liées aux réseaux de collecte des eaux de pluie, y compris lorsque ces obligations trouvent leur origine dans un événement antérieur au transfert. Il suit de là que depuis le transfert de compétences et de biens, seule la responsabilité de la métropole " Toulon-Provence-Méditerranée " est susceptible d'être engagée à raison des ouvrages publics dont elle a la garde, quelle que soit la date du fait générateur invoqué. En conséquence, la commune de Toulon doit être mise hors de cause.
Sur la responsabilité de la Métropole Toulon-Provence-Méditerranée :
4. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution.
5. Pour la mise en œuvre des pouvoirs décrits ci-dessus, il appartient au juge, saisi de conclusions tendant à ce que la responsabilité de la personne publique soit engagée, de se prononcer sur les modalités de la réparation du dommage, au nombre desquelles figure le prononcé d'injonctions, dans les conditions définies au point précédent, alors même que le requérant demanderait seulement l'annulation du refus de la personne publique de mettre fin au dommage, assortie de conclusions aux fins d'injonction à prendre de telles mesures. Dans ce cas, il doit regarder ce refus de la personne publique comme ayant pour seul effet de lier le contentieux.
En ce qui concerne la recevabilité des conclusions indemnitaires :
6. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction résultant du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ".
7. Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence d'une décision de l'administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d'une somme d'argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l'administration n'a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n'étaient pas fondées.
8. Par le courrier du 27 mars 2018, reçu le 30 mars, l'assureur de M. et Mme A... peut être regardé comme ayant demandé à la commune de Toulon, sur la base du rapport d'expertise établi à l'initiative des requérants, de réaliser les travaux nécessaires pour mettre fin aux inondations subies par leur propriété. En revanche, il ne résulte ni de ce courrier ni des autres éléments de l'instruction que M. et Mme A... ou leur assureur aient saisi la commune de Toulon d'une demande tendant à la réparation des préjudices matériel et moral qu'ils estiment avoir subis du fait des inondations récurrentes de leur propriété. Il suit de là que, alors même que la commune de Toulon, qui a seule défendu, n'a ni devant le tribunal ni devant la Cour opposé une fin de non-recevoir en ce sens, les conclusions tendant à l'indemnisation de ces préjudices sont irrecevables et doivent être rejetées.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :
9. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 30 août 2017, que la propriété de M. et Mme A..., située rue Théodore Botrel, est traversée au sud par un ruisseau dans lequel se déversent, par un exutoire, les eaux de ruissellement acheminées par une canalisation implantée sous la voie d'un lotissement privé et directement reliée au réseau du boulevard Jean-Baptiste Abel. Il résulte également de ce rapport que cette propriété a commencé à subir des inondations, à raison d'une dizaine de centimètres de hauteur d'eau, après l'aménagement de ce lotissement, dont les travaux ont consisté, notamment, en la construction de quatre lots et la réalisation, en lieu et place d'un fossé à ciel ouvert reliant le boulevard au ruisseau de leur terrain, d'une canalisation sous la voie interne au lotissement. Cette canalisation, qui permet l'évacuation des eaux de ruissellement du boulevard Jean-Baptiste Abel, peut être regardée comme un ouvrage public, au même titre que les buses qui la jalonnent et l'exutoire qui la termine. Néanmoins, ni le rapport d'expertise ni aucune pièce du dossier ne permettent de considérer que la situation d'écoulement des eaux de pluie s'est aggravée, non pas en raison de l'imperméabilisation des sols liée à ces aménagements, mais du fait de la réalisation ou de la modification de l'un de ces ouvrages publics.
10. Par ailleurs, en se bornant à affirmer, à partir de ce même rapport d'expertise, qu'un tronçon de 65 mètres de longueur de la canalisation implantée rue Théodore Botrel, présentant aujourd'hui un diamètre de 500 millimètres, doit être remplacé par une canalisation de
600 millimètres de diamètre et en réclamant qu'il soit enjoint à la commune de Toulon de réaliser ces travaux, les requérants, qui d'ailleurs n'établissent pas que les dommages subis par leur propriété trouveraient leur origine directement dans cette absence de travaux, ne localisent pas avec précision dans leurs écritures la partie de la canalisation ainsi concernée, dont il est soutenu en défense qu'elle est implantée sur des parcelles privées et n'allèguent pas, en tout état de cause, que le maître d'ouvrage aurait commis une faute.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas à fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leurs conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de la commune de Toulon qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante. Il n'y a pas davantage lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune présentées en application de ces dispositions.
Sur les frais et honoraires d'expertise :
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 et 10 que c'est à bon droit que les premiers juges ont mis à la charge définitive de M. et Mme A... les frais et honoraires taxés et liquidés à la somme de 18 703, 18 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Toulon du 31 octobre 2017.
DECIDE :
Article 1er : La commune de Toulon est mise hors de cause.
Article 2 : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Toulon sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A..., à la commune de Toulon et à la Métropole Toulon Provence Méditerranée.
Copie en sera transmise à l'expert.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- Mme Renault, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2021.
N° 20MA030792