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07/12/2021 | FRANCE | N°20MA01372

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 07 décembre 2021, 20MA01372


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2019 par lequel le préfet du Var a rejeté sa demande de carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au titre de son mariage avec un ressortissant français, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.

Par un jugement n° 1903906 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requ

ête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mars 2020, Mme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2019 par lequel le préfet du Var a rejeté sa demande de carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au titre de son mariage avec un ressortissant français, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.

Par un jugement n° 1903906 du 5 mars 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mars 2020, Mme D..., représentée par Me Bochnakian, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 mars 2020 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Var de lui délivrer le titre de séjour sollicité sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la décision à venir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préfet du Var n'a pas fait une correcte appréciation des faits de l'espèce sous l'angle des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnait les dispositions de l'article L.511-4 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré au greffe le 8 octobre 2021, le préfet du Var conclut au rejet de la requête.

Il soutient en réitérant ses écritures de premières instance que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Badie.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D..., ressortissante marocaine, est née le 27 août 1982 à Meknès (Maroc). Elle déclare être entrée en France en 2004. Elle s'est mariée le 7 janvier 2016 avec un ressortissant français. Le 14 mars 2019, elle a déposé une demande de délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L.313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 2 octobre 2019, le préfet du Var a rejeté cette demande et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision. La requérante relève appel du jugement du 5 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date où l'arrêté attaqué a été pris : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...). ". Et, aux termes de l'article L. 313-2 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle (...) sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 (...) ".

3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la production d'un visa de long séjour est au nombre des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet, en refusant à la requérante le titre sollicité au motif qu'elle ne disposait pas d'un visa de long séjour, n'a pas méconnu les dispositions précitées.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Ainsi qu'il a été dit au point 3, Mme D... n'est pas en mesure de justifier d'une entrée régulière sur le territoire français et de la possession d'un visa long séjour lui permettant de se prévaloir des dispositions du 4° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En revanche, il ressort des pièces du dossier qu'elle a épousé le 7 janvier 2016 à Toulon, M. B... C..., ressortissant français, et que les époux vivent, depuis cette date et au moins jusqu'à la date de l'arrêté attaqué, soit le 2 octobre 2019, maritalement à leur domicile situé 9 rue de la Chapelle à Toulon. La requérante produit, en ce sens, l'ensemble des quittances de loyer délivrées par le propriétaire du logement, établies à le nom des deux époux, entre 2016 et 2019, des attestations de la caisse d'allocations familiales du Var certifiant qu'ils vivent maritalement et ont perçu le revenu de solidarité active et les allocations logement entre 2016 et 2019 ainsi que des factures d'électricité de la société Véolia les mentionnant ensemble à l'adresse indiquée. Dans ces conditions, Mme D... est fondée à soutenir dès lors qu'elle entretient, depuis au moins 2016, une communauté de vie avec son époux, ressortissant français, que la mesure de refus de séjour attaquée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) 7° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ".

7. Par voie de conséquence de l'illégalité de la mesure de refus de séjour, l'obligation de quitter le territoire est elle-même illégale. Au surplus, comme il vient d'être Mme D... entretient à la date de l'arrêté attaqué, une communauté de vie avec M. C..., ressortissant français, depuis au moins trois ans. Dès lors, en prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français, le préfet du Var a méconnu les dispositions de l'article L.511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de sorte que cette décision doit être annulée.

8. Mme D... est ainsi fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ainsi que de l'arrêté du préfet du Var du 2 octobre 2019 lui refusant le séjour et l'obligeant à quitter le territoire.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Aux termes de l'article L.911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".

10. Il résulte de ce qui précède, qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet du Var de délivrer à Mme D..., dans un délai de deux mois courant à partir de la notification du présent arrêt, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à Mme D... la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Var est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Var de délivrer à Madame A... D... épouse C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat est condamné à verser à Madame A... D... épouse C... la somme de 1500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêté sera notifié à Madame A... D... épouse C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- Mme Renault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2021.

5

N°20MA01372


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01372
Date de la décision : 07/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Alexandre BADIE
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : BOCHNAKIAN et LARRIEU-SANS

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-07;20ma01372 ?
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