Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision en date du 6 juin 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de faire droit à sa demande de reclassement dans le corps des secrétaires administratifs de l'intérieur et de l'outre-mer, et d'enjoindre au ministre de le réintégrer en procédant à un aménagement de poste ou à son reclassement, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ainsi que de reconstituer sa carrière.
Par un jugement n° 1702092 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulon a annulé cette décision et a enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer la situation de
M. B... en vue de procéder à son reclassement, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 9 mars 2020 et les 17 et 26 juillet 2021 et les 8 et 9 septembre et 19 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Farhat-Vayssière, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale afin d'examiner son état de santé psychique, d'apprécier ses capacités à reprendre ses fonctions sur un poste aménagé, sans arme et sans présence sur la voie publique et de donner son avis sur l'éventuel handicap psychique de l'agent et dans l'hypothèse d'un tel handicap, d'en fixer le taux;
2°) subsidiairement, d'annuler ce jugement du 20 juillet 2020 du tribunal administratif de Toulon en tant qu'il a limité l'injonction de réexamen de sa demande à son seul reclassement, sans se prononcer sur l'adaptation de son poste ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de le réintégrer juridiquement et physiquement après avoir réexaminé sa situation en vue de rechercher si le poste occupé par le fonctionnaire ne peut être adapté ou, à défaut, de lui proposer une affectation dans un autre emploi de son grade compatible avec son état de santé, et en dernier recours seulement, de procéder à son reclassement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours courant à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) d'ordonner la reconstitution de sa carrière ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- c'est à tort, et sans tirer les conséquences de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984, et des articles 1 et 2 du décret du 30 novembre 1984, que le tribunal a enjoint au ministre de réexaminer sa demande de reclassement, alors que son état de santé justifie un aménagement de poste et, en dernier recours, son reclassement et qu'il n'a jamais demandé son reclassement mais seulement de pouvoir reprendre ses fonctions;
- avant dire droit, une expertise est sollicitée pour que ses capacités actuelles à exercer ses missions soient évaluées ;
- il est demandé à la Cour, subsidiairement, de statuer sur les moyens de légalité externe, sur lesquels le jugement attaqué ne s'est pas prononcé ;
- la décision en litige a été signée par une autorité incompétente pour ce faire et n'est motivée que par référence à l'avis de la commission administrative paritaire, non joint et non communiqué ;
- l'illégalité de la décision du 4 juillet 2016 le déclarant inapte physiquement à toute fonction de la police active, précédée d'un avis du 9 février 2017 dont il n'a jamais eu connaissance, emporte l'illégalité de la décision en litige ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur de fait, dès lors qu'elle statue sur une demande de reclassement qu'il n'a jamais présentée, sa demande du 30 juillet 2016 recherchant sa réintégration sur un poste aménagé et d'une incompétence négative;
- le courrier du 1er septembre 2021 produit par le ministre démontre l'absence de demande de reclassement ;
- en refusant de faire droit à sa demande, le ministre de l'intérieur a méconnu ses droits à congé de longue maladie, dont il n'a pu bénéficier ;
- son inaptitude à exercer des fonctions de police active n'étant que temporaire, son administration était tenue de procéder à l'aménagement de son poste, en application de l'article 63 de la loi du 11 janvier 1984 ;
- les motifs de la décision en litige sont entachés d'illégalité ;
- l'administration ne prouve ni l'absence de postes disponibles pour le reclassement ni l'impossibilité de réaménager son poste ;
- la décision en litige, qui est une sanction disciplinaire déguisée, est entachée de détournement de pouvoir.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 juillet, 27 août et 18 octobre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors, d'une part, qu'elle ne comporte pas de signets conformes à l'inventaire détaillé, ainsi que le prescrit l'article R. 414-13 du code de justice administrative, d'autre part, que son auteur conclut à titre principal au prononcé d'une injonction et, enfin, que de telles prétentions ne sont pas au nombre de celles soumises aux premiers juges ;
- les moyens de légalité développés par l'appelant contre la décision annulée ne sont pas fondés ;
- en examinant directement la possibilité d'un reclassement du requérant dans un corps administratif, l'administration a fait une juste application des dispositions applicables.
Par ordonnance du 7 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au
21 octobre 2021, à 12 heures.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983;
- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n°84-1051 du 30 novembre 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,
- et les observations de Me Farhat-Vayssière, représentant M. B... ;
Connaissance prise des notes en délibéré produites pour M. B..., enregistrées au greffe les 3 et 7 décembre 2021
Considérant ce qui suit :
1. Par lettre du 4 juillet 2016, prise après avis du comité médical interdépartemental du 14 juin 2016 selon lequel M. B..., brigadier-chef des gardiens de la paix placé en position de disponibilité d'office pour raison de santé depuis le 27 novembre 2015, est inapte aux fonctions de la police active, le préfet de la zone de défense et de sécurité sud l'a invité à présenter une demande de reclassement avant le 31 août 2016, sans laquelle une procédure d'admission d'office à la retraite pour invalidité serait engagée. Par décision du 6 juin 2017, le ministre de l'intérieur a rejeté la demande de reclassement de M. B... dans le corps des secrétaires administratifs de l'intérieur et de l'outre-mer. Par jugement du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulon a annulé cette décision pour erreur d'appréciation, et a enjoint au ministre de l'intérieur de procéder à un nouvel examen de la demande de reclassement de M. B... et de prendre une nouvelle décision, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. M. B... relève appel de ce jugement, en demandant, dans le dernier état de ses écritures, à titre principal, d'ordonner une expertise médicale, et subsidiairement, d'annuler le jugement en tant que, par l'article 2 de son dispositif, il a enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer sa situation en vue de procéder à son reclassement et non de le réintégrer sur un poste aménagé, avant tout reclassement, et d'enjoindre au ministre de procéder non seulement à cette réintégration, mais encore à la reconstitution de sa carrière.
2. Certes, lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée. Il en va également ainsi lorsque des conclusions à fin d'injonction sont présentées à titre principal sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et à titre subsidiaire sur le fondement de l'article L. 911-2.
3. Si un jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que ce jugement n'a pas fait droit à sa demande principale. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à la demande principale.
4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. B... a présenté au tribunal des conclusions tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 6 juin 2017 rejetant sa demande de reclassement dans le corps des secrétaires administratifs de l'intérieur et de l'outre-mer et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de procéder à un aménagement de son poste ou à son reclassement, ainsi qu'à la reconstitution de sa carrière. A l'appui de ses conclusions en annulation,
M. B... soulevait non seulement des moyens mettant en cause la légalité externe de la décision, mais encore des moyens de légalité interne, en indiquant, à ce titre, qu'il n'avait jamais demandé son reclassement dans le corps des secrétaires administratifs de l'intérieur et de l'outre-mer, mais seulement la reprise de ses fonctions au plus vite, et qu'il revenait à l'administration, avant tout reclassement, de rechercher si sa réintégration sur un poste aménagé n'était pas possible, en application des articles 2 et 3 du décret du 30 novembre 1984. Pour annuler la décision du 6 juin 2017 rejetant la demande de reclassement de M. B..., les premiers juges se sont fondés sur le moyen tiré de l'erreur d'appréciation entachant les motifs de cette décision, tirés de sa manière de servir et de son manque de qualification et d'expérience dans le domaine administratif, sans se prononcer sur les moyens relatifs à la recherche préalable d'un aménagement de poste.
5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la décision du 6 juin 2017 ne peut être regardée comme ayant d'autre objet que de statuer sur la demande de reclassement présentée par M. B... le 30 août 2016 et reçue par le service le 1er septembre 2016, et non sur une demande de réintégration sur un poste aménagé. Si, dans son recours gracieux formé par courrier d'avocat le 29 juillet 2016 contre la lettre du 4 juillet 2016 l'invitant à présenter une demande de reclassement, M. B... a formulé également une demande de réintégration dans la police active, une telle demande a été rejetée par décision du 16 août 2016. Sur requête de M. B..., le tribunal administratif de Toulon a d'ailleurs annulé la lettre du 4 juillet 2016 et le rejet de son recours gracieux contre cette décision, par jugement du 7 février 2019. La demande de l'intéressé présentée le 30 juillet 2016, tendant à reprendre ses fonctions au plus vite, sur un poste aménagé dans la police active et sur laquelle la décision du 6 juin 2017 n'a pas statué, a donné lieu à une décision implicite de rejet, qu'il lui appartenait de contester, s'il s'y croyait fondé. Enfin, la circonstance que, dans son courrier du 1er septembre 2021, le chef du bureau des personnels administratifs, techniques et scientifiques, lui proposant trois fiches de postes dans le cadre de son reclassement dans le corps des secrétaires administratifs de l'intérieur et de l'outre-mer, en exécution du jugement attaqué, mentionne être toujours en attente de la demande de reclassement écrite, ne saurait à elle seule suffire à remettre en cause la réalité et l'objet de la demande sur laquelle s'est prononcée la décision du 6 juin 2017 annulée par le tribunal dans le jugement attaqué.
6. Il suit de là que pour se plaindre, en cause d'appel, de ce qu'en exécution de l'annulation de cette décision du 6 juin 2017, les premiers juges se sont bornés à enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa situation en vue de procéder à son reclassement,
M. B... ne peut utilement se prévaloir d'autres moyens d'annulation que celui retenu par le tribunal pour prononcer cette annulation. Ainsi, M. B... ne discutant pas l'adéquation entre le motif de l'annulation de la décision du 6 juin 2017 et l'injonction décidée par le jugement querellé, ses conclusions principales à fin d'expertise et ses conclusions dirigées contre l'article 2 de ce jugement ne peuvent qu'être rejetées. Il doit en aller de même, par voie de conséquence, de ses conclusions à fin d'injonction et de ses conclusions liées aux frais d'instance. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- Mme Renault, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 décembre 2021.
N° 20MA011706