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29/11/2021 | FRANCE | N°20MA01748

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 29 novembre 2021, 20MA01748


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Dalkia a demandé au tribunal administratif de Nice de la décharger des pénalités de retard ou, à tout le moins, de les réduire à de plus justes proportions en les fixant à la somme de 9 192,46 euros, de condamner la Villa Arson à lui verser, à titre principal, la somme de 65 433,40 euros, outre les intérêts de retard à compter de la mise en demeure, et, à titre subsidiaire, la somme de 56 240,94 euros, outre les intérêts de retard, à compter de la mise en demeure, ainsi que de mettre

la charge de la Villa Arson la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Dalkia a demandé au tribunal administratif de Nice de la décharger des pénalités de retard ou, à tout le moins, de les réduire à de plus justes proportions en les fixant à la somme de 9 192,46 euros, de condamner la Villa Arson à lui verser, à titre principal, la somme de 65 433,40 euros, outre les intérêts de retard à compter de la mise en demeure, et, à titre subsidiaire, la somme de 56 240,94 euros, outre les intérêts de retard, à compter de la mise en demeure, ainsi que de mettre à la charge de la Villa Arson la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Dans le cadre de l'instance devant le tribunal administratif de Nice, la Villa Arson, a conclu au rejet de la requête et demandé au tribunal de condamner la société Dalkia à lui verser, d'une part, la somme de 13 422,93 euros, augmentée des intérêts de retard à compter du 20 mars 2015 capitalisés, correspondant à la différence entre la somme de 58 942,30 euros qu'elle doit à la société Dalkia et la somme totale de 72 365,23 euros due par la société Dalkia au titre des pénalités de retard, au titre du préjudice lié à l'insuffisance des températures de l'eau chaude sanitaire et au titre du préjudice d'atteinte à l'image, et, d'autre part, la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par jugement n° 1700405 du 6 mars 2020, le tribunal administratif de Nice a réduit à la somme de 14 121,74 euros le montant des pénalités infligées à la société Dalkia, rejeté le surplus des conclusions de la requête et du mémoire en défense et mis à la charge de la Villa Arson, la somme 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 mai 2020 et 10 juillet 2021, la société Dalkia, représentée par Me Marinacce, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a rejeté sa demande de paiement des factures non réglées ;

2°) de condamner la Villa Arson à verser à la société Dalkia la somme de 44 820,56 euros correspondant à la somme de 58 942,30 euros toutes taxes comprises correspondant aux factures non réglées, moins la somme de 14 121,74 euros correspondant aux pénalités contractuelles ;

3°) de mettre à la charge de la Villa Arson la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est fondée à solliciter le paiement de la somme de 58 942,30 euros que la Villa Arson reconnaît devoir ; sa demande était recevable ; la mise en demeure adressée à la Villa Arson le 22 juin 2015 est bien un mémoire en réclamation selon l'article 37 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et services (CCAG-FCS) ; ayant sollicité dans le courrier de notification du décompte la production de remarques dans un délai de 15 jours suivant notification, la Villa Arson a renoncé à l'application de l'article 37 du CCAG-FCS ; la Villa Arson a toujours reconnu devoir ces factures et a procédé à un règlement dans le délai de deux mois suivant la mise en demeure ;

- si par extraordinaire, la Cour devait en juger différemment, force est de constater que la Villa Arson n'a jamais pris de position claire et explicite sur le décompte des factures qu'elle a toujours reconnue devoir à la société Dalkia ; en l'absence de différend sur ce point, le mémoire en réclamation n'était pas requis ;

- il convient de prendre en compte le montant que la Villa Arson reconnaît devoir à la société Dalkia et d'en déduire le montant des pénalités.

Par un mémoire en défense et d'appel incident enregistré le 8 avril 2021, la Villa Arson, représentée par Me Lacrouts, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce qu'il soit procédé à la compensation entre, d'une part, les sommes dues par la Villa Arson, à savoir la somme de 49 235,01 euros hors taxes au titre des prestations dues et non réglées à la société Dalkia dans le cadre de l'exécution de son marché, à l'exception de la facture PM6698 d'un montant de 6 491,10 euros toutes taxes comprises, et, d'autre part, la somme de 35 304,36 euros hors taxes dont est redevable la société Dalkia au titre des pénalités exigibles ;

3°) à ce que le solde du décompte de résiliation du marché soit fixé à la somme de 13 930,65 euros hors taxes ;

4°) à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société Dalkia, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'appel est irrecevable, dès lors que la société Dalkia demande la confirmation du jugement ;

- c'est à bon droit que le tribunal a rejeté, pour cause d'irrecevabilité, les conclusions indemnitaires de la société Dalkia ; le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rendu intangible le décompte de résiliation à la somme de 49 235,01 euros hors taxes, telle qu'admise par la Villa Arson ;

- la demande indemnitaire est infondée, car n'est pas justifiée par l'existence de travaux supplémentaires pouvant donner lieu à rémunération ;

- c'est à tort que le tribunal a pris pour base un décompte de résiliation toutes taxes comprises desquels ils ont retranché le montant des pénalités ; les pénalités doivent être retranchées d'une somme hors taxes et non pas toutes taxes comprises ; la Cour arrêtera le décompte de résiliation - si elle décide de confirmer le jugement du tribunal - à la somme de 35 113,27 euros hors taxes et non pas 44 820,56 euros hors taxes, comme le réclame inexactement la société Dalkia.

- s'agissant des bases du calcul des pénalités, le tribunal a inversé la charge de la preuve en estimant que la Villa Arson n'aurait pas contredite le moyen développé par la société Dalkia ; il appartenait à la société Dalkia de démontrer qu'elle a satisfait à la bonne exécution du contrat, étant tenue par une obligation de résultat ; le jugement sera infirmé s'agissant du rapport de 2/5ème qui a été retenu par les premiers juges, et ce seront donc 106 jours pleins et entiers qui seront retenus ; soit les 35 304,36 euros tels qu'arrêtés dans le décompte de résiliation dressé par la Villa Arson.

Par une ordonnance du 12 juillet 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté´ du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... Guillaumont, rapporteur,

- les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public,

- et les observations de Me Marinacce pour la société Dalkia.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement signé le 10 novembre 2010, la Villa Arson, établissement public administratif du ministère de la culture, a conclu avec la société Dalkia un marché portant sur la fourniture de combustible et d'énergie nécessaire au fonctionnement des installations de chauffage et de production d'eau chaude sanitaire. Par décision du 20 mars 2015, la Villa Arson a décidé de résilier le marché à compter du 31 mai 2015, au motif que les températures contractuelles n'étaient pas respectées depuis la saison de chauffe 2012/2013, que la société Dalkia n'avait réagi que tardivement suite à des problèmes créant des situations non sécurisées, qu'elle ne répondait pas aux courriers, et qu'elle avait entrepris des actions correctives qui n'avaient apporté aucun résultat positif. Elle a également adressé, le 20 mai 2015, un calcul des pénalités qu'elle a fixées à la somme de 65 213,33 euros hors taxes.

2. Par un mémoire en réclamation du 2 avril 2015, la société Dalkia a contesté l'application de pénalités. Par courrier du 17 juin 2015, la Villa Arson a adressé le décompte de résiliation à la société Dalkia et a estimé être redevable envers elle, de la somme de 13 930,65 euros hors taxes à la société Dalkia, somme correspondant à la différence entre le montant des factures restant à sa charge, soit 49 235,01 euros hors taxes, et le montant des pénalités qu'elle a réduites à la somme de 35 304,38 euros hors taxes. Par lettre du 22 juin 2015, la société Dalkia a mis en demeure la Villa Arson de lui verser la somme de 60 985,18 euros correspondant aux factures non réglées.

3. La société Dalkia a saisi pour avis, le comité de consultatif interrégional de règlement amiable des différends et litiges en matière de marchés publics de Marseille qui a rendu un avis le 23 juin 2016. La société Dalkia a demandé au tribunal de Nice de condamner la Villa Arson, à titre principal, à lui verser la somme de 65 433,40 euros, et, à titre subsidiaire, la somme de 56 240,94 euros correspondant à la différence entre le montant des factures dues et non réglées par la Villa Arson et les pénalités dues par la société Dalkia réduites à de plus justes proportions. Dans le cadre de l'instance devant le tribunal administratif de Nice, la Villa Arson, a conclu au rejet de la requête et demandé au tribunal de condamner la société Dalkia à lui verser, la somme de 13 422,93 euros, augmentée des intérêts de retard à compter du 20 mars 2015 capitalisés, correspondant à la différence entre la somme de 58 942,30 euros qu'elle doit à la société Dalkia et la somme totale de 72 365,23 euros due par la société Dalkia au titre des pénalités de retard, au titre du préjudice lié à l'insuffisance des températures de l'eau chaude sanitaire et au titre du préjudice d'atteinte à l'image. Par un jugement n° 1700405 du 6 mars 2020 dont la société Dalkia relève appel, le tribunal administratif de Nice a réduit à la somme de 14 121,74 euros le montant des pénalités infligées à la société Dalkia, mis à la charge de la Villa Arson la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. L'article 3 du cahier des clauses administratives particulières du marché en cause renvoie, au titre des documents généraux applicables au marché, au cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services (CCAG-FCS) approuvé par arrêté du 19 janvier 2009. Aux termes de l'article 37.1 du chapitre 7 " Différends et litiges " de ce CCAG : " 37. 1. Le pouvoir adjudicateur et le titulaire s'efforceront de régler à l'amiable tout différend éventuel relatif à l'interprétation des stipulations du marché ou à l'exécution des prestations objet du marché. / 37. 2. Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Ce mémoire doit être communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion. / 37. 3. Le pouvoir adjudicateur dispose d'un délai de deux mois, courant à compter de la réception du mémoire de réclamation, pour notifier sa décision. L'absence de décision dans ce délai vaut rejet de la réclamation. (...) ". Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 34.1 de ce CCAG, que " La résiliation fait l'objet d'un décompte de résiliation, qui est arrêté par le pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire ".

5. Il résulte de ces stipulations, qu'un mémoire du titulaire du marché ne peut être regardé comme une réclamation au sens de l'article 37.2 précité du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services, que s'il comporte l'énoncé d'un différend et expose, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d'une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées.

6. Il résulte de l'instruction, que la Villa Arson a adressé le 17 juin 2015 le décompte final de résiliation à la société Dalkia faisant apparaître un montant dû par la Villa Arson au titre des factures non acquittées de 49 235,01 euros hors taxes, ainsi qu'un montant de pénalités de 35 304,36 euros hors taxes. Il appartenait dès lors à la requérante, en application des stipulations précitées du CCAG-FCS, de transmettre, dans un délai de deux mois, un mémoire en réclamation exposant l'ensemble de ses demandes indemnitaires concernant le marché en cause. Si la société Dalkia soutient que la mise en demeure qu'elle a adressée à la Villa Arson le 22 juin suivant, constitue le mémoire de réclamation au sens de l'article 37.2 du CCAG-FCS précité, il est constant que ce courrier, en se bornant, d'une part, à mentionner dans sa partie littérale que l'établissement public reste redevable de la somme de 60 985,18 euros, et, d'autre part, à lui joindre une annexe dénommée " relevé de comptes " listant sept factures, pour un montant total de 60 985,18 euros, qui mentionnent leurs numéros et leur dates d'établissement sans explications, alors même que cette liste inclut des numéros de factures objet du différend, ne peut être regardé comme indiquant de manière suffisamment précise et détaillée les chefs de contestations sur lesquels portaient ses réclamations.

7. Par ailleurs, s'il est indiqué dans le courrier de notification du décompte adressé par la Villa Arson à la société Dalkia, " Vous pouvez émettre des remarques sur ce courrier dans un délai de 15 jours suivant sa réception. Passé ce délai, le mandatement sera effectué ", cette mention qui ne visait qu'à informer des délais de mandatement ne peut être regardée comme valant renonciation par la Villa Arson à la procédure de contestation du décompte prévue à l'article 37.2 du CCAG-FCS.

8. Il résulte de tout ce qui précède que, faute d'avoir communiqué un mémoire en réclamation conformément à ces stipulations préalablement à la saisine du tribunal administratif, la demande de la société Dalkia était irrecevable. Dès lors, le tribunal administratif a été fondé à rejeter la requête de la société Dalkia.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Villa Arson, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Dalkia demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Dalkia une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la Villa Arson et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Dalkia est rejetée.

Article 2 : La société Dalkia versera à la Villa Arson une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la Villa Arson est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société Dalkia et la Villa Arson.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gilles Taormina, président,

- M. François Point, premier conseiller,

- M. B... Guillaumont, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2021.

N° 20MA01748 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01748
Date de la décision : 29/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. TAORMINA
Rapporteur ?: M. Olivier GUILLAUMONT
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS BERLINER-DUTERTRE-LACROUTS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-11-29;20ma01748 ?
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