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25/11/2021 | FRANCE | N°20MA03609

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 25 novembre 2021, 20MA03609


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler, d'une part, l'arrêté du 19 octobre 2017 par lequel le maire de Brignoles a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de la réalisation d'un bâtiment comportant quatre logements, sur un terrain cadastré section BE n° 1226, correspondant au lot n° 3 du lotissement Le Mistralou et, d'autre part, la décision implicite de rejet de son recours gracieux, ainsi que d'enjoindre au maire de Brignoles de délivrer le permis de constru

ire sollicité ou, à défaut, de réinstruire sa demande, sous astreinte de 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler, d'une part, l'arrêté du 19 octobre 2017 par lequel le maire de Brignoles a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de la réalisation d'un bâtiment comportant quatre logements, sur un terrain cadastré section BE n° 1226, correspondant au lot n° 3 du lotissement Le Mistralou et, d'autre part, la décision implicite de rejet de son recours gracieux, ainsi que d'enjoindre au maire de Brignoles de délivrer le permis de construire sollicité ou, à défaut, de réinstruire sa demande, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1800812 du 21 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 16 septembre 2020 et le 15 mars 2021, M. A..., représenté par Me Citeau, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon n° 1800812 du 21 juillet 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2017 par lequel le maire de Brignoles a refusé de lui délivrer un permis de construire ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au maire de Brignoles de délivrer le permis de construire sollicité ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Brignoles une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît l'obligation de motivation intégrale des décisions de refus de permis de construire, prévue par les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme dans leur rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ; le jugement dont appel est entaché d'erreur de droit ;

- le motif de refus tiré du non-respect des prescriptions de la notice descriptive du permis d'aménager autorisant la création du lotissement Le Mistralou est illégal ; cette notice n'est pas opposable car elle n'est pas un document d'urbanisme ; le jugement dont appel est entaché d'erreur de droit en considérant le contraire ; le projet est conforme au règlement du lotissement qui destine les lots à l'habitation sans distinguer entre habitat individuel et collectif ; en considérant le contraire, les juges de première instance ont insuffisamment motivé leur jugement ; en tout état de cause, le projet correspond à une habitation individuelle ;

- le motif de refus tiré de l'atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants est illégal ; si le maire a entendu faire application des dispositions de l'article 11 du règlement de la zone UD du plan local d'urbanisme, ce motif est entaché d'erreur de droit car le règlement du lotissement déroge à ces dispositions qui ne sont pas applicables ; s'il est fondé sur l'article 11 du règlement du lotissement ou sur l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, ce motif est erroné car le projet s'intègre dans son environnement, lequel ne présente aucune qualité particulière ni aucun caractère remarquable ;

- le motif de refus tiré du nombre insuffisant de places de stationnement est illégal car le projet est conforme aux exigences de l'article 12 du règlement du lotissement ;

- le motif de refus tiré de l'insuffisance de l'ouvrage de collecte et d'évacuation des eaux pluviales est erroné ; la capacité du bassin de rétention prévu par le projet répond à l'exigence de l'article 4 du règlement du lotissement imposant un volume utile supérieur ou égal à 80 litres/m² imperméabilisé ; le refus litigieux ajoute illégalement à cette exigence réglementaire ; le projet de plan de prévention des risques d'inondation en cours d'élaboration ne concerne pas le terrain d'assiette du projet ;

- la demande de substitution de motifs présentée par la commune de Brignoles n'est pas fondée ; le permis de construire ne pouvait pas être refusé sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors qu'aucun risque d'inondation n'est démontré et qu'au surplus, l'augmentation de la capacité du bassin de rétention prévu par le projet aurait pu faire l'objet d'une simple prescription.

Par un mémoire en défense, enregistrés le 16 novembre 2020, la commune de Brignoles, représentée par la SELARL LLC et associés, agissant par Me Reghin, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;

- subsidiairement, il y a lieu de substituer aux motifs de l'arrêté attaqué le motif tiré du risque d'inondation engendré par l'insuffisance du dispositif de collecte et d'évacuation des eaux pluviales, sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Quenette,

- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Citeau, représentant M. A..., et de Me Faure-Bonaccorsi, de la SELARL LLC et associés, représentant la commune de Brignoles.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a déposé le 26 juillet 2017 une demande de permis de construire en vue de la réalisation d'un bâtiment d'habitation comportant quatre logements et de cinq places de stationnement, pour une surface de plancher créée de 247,39 m², sur un terrain d'une superficie de 629 m², cadastré section BE n° 1226, correspondant au lot n° 3 du lotissement Le Mistralou, situé chemin de Tombarel dans le quartier du Pin sur le territoire de la commune de Brignoles, et classé en zone UDp du plan local d'urbanisme (PLU). Par un arrêté du 19 octobre 2017, le maire de Brignoles a refusé de délivrer le permis sollicité, pour quatre motifs tirés de la non-conformité du projet à la notice descriptive du permis d'aménager autorisant la création du lotissement, qui prévoit que les lots sont destinés à l'implantation de maisons individuelles, de l'atteinte portée par le projet au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, caractérisés par la prédominance de l'habitat pavillonnaire, des dimensions insuffisantes de l'ouvrage nécessaire à la collecte et à l'évacuation des eaux pluviales et, enfin, du nombre insuffisant de places de stationnement. M. A... relève appel du jugement n° 1800812 du 21 juillet 2020, par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2017 et de la décision implicite née le 10 janvier 2018 rejetant son recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 442-6 du code de l'urbanisme relatif au contenu de la demande de permis d'aménager un lotissement : " Le dossier de la demande est, s'il y a lieu, complété par les pièces suivantes : / a) Un projet de règlement, s'il est envisagé d'apporter des compléments aux règles d'urbanisme en vigueur ". Aux termes de l'article L. 442-7 du même code : " Le permis d'aménager et, s'il y a lieu, le cahier des charges fixant les conditions de vente ou de location des lots sont remis à l'acquéreur lors de la signature de la promesse ou de l'acte de vente ainsi qu'au preneur lors de la signature des engagements de location. Ils doivent leur avoir été communiqués préalablement ". Aux termes de l'article L. 442-9 du même code : " Les règles d'urbanisme contenues dans les documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s'il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s'il n'a pas été approuvé, deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu ".

3. Pour rejeter la demande d'annulation du refus de permis de construire, le tribunal administratif de Toulon s'est fondé sur la circonstance que la demande de permis de construire méconnaissait la notice descriptive de ce permis d'aménager en ce qu'elle prévoyait que le lotissement serait composé de lots destinés à l'implantation de maisons individuelles.

4. Toutefois, le règlement du permis d'aménager, qui a pour objet d'apporter des compléments aux règles d'urbanisme en vigueur, prévoit en page 3 que les lots sont exclusivement réservés à l'habitation, sans précision particulière sur le type d'habitat autorisé, hormis les règles de hauteur des bâtiments qui prescrivent une hauteur maximale absolue de 7 mètres et une hauteur maximale frontale de 10 mètres limitant nécessairement la taille des constructions autorisées. Les présentes dispositions du règlement, qui sont claires et précises, ne nécessitent aucun recours à la notice descriptive du permis d'aménager pour les interpréter. De plus, il ne ressort nullement du règlement que la notice descriptive du permis d'aménager lui aurait été annexée, en sorte qu'elle puisse être considérée comme devant être assimilée au règlement et pouvant ainsi comporter des compléments aux règles d'urbanisme en vigueur. Par suite, alors même qu'il ressort clairement des pièces du dossier que M. A... a prévu de réaliser un logement collectif composé de quatre logements qui ne peut être assimilé à des maisons individuelles, le maire de Brignoles ne pouvait opposer au pétitionnaire une règle tirée exclusivement de la notice pour refuser la demande de permis de construire contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Toulon.

5. Il y a lieu, dès lors, pour la Cour d'annuler le jugement du tribunal et saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... en première instance et en appel.

Sur la motivation de l'arrêté attaqué :

6. Aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 108 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques : " Lorsque la décision rejette la demande (...), elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet (...), notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6 ".

7. Si le maire de Brignoles avait opposé le 10 juillet 2017 à M. A... un refus de permis de construire pour un précédent projet de construction d'un bâtiment de quatre logements, les dispositions précitées de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ne faisaient en tout état de cause pas obstacle à ce qu'il oppose à un projet partiellement différent, en particulier en ce qui concerne la surface de plancher ramenée de 277 à 247 m², un refus fondé sur de nouveaux motifs. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme doit être écarté.

Sur le bien-fondé des motifs de refus :

8. En premier lieu, pour refuser le permis de construire sollicité par M. A..., le maire de Brignoles a estimé que " le caractère de la zone UD correspond à un secteur majoritairement résidentiel caractérisé par une prédominance de l'habitat pavillonnaire ", que " le projet correspond à de l'habitat collectif " et que " le projet de par son volume, sa hauteur, ses dimensions est de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants ".

9. Aux termes de l'article UD 11 du règlement du PLU de Brignoles, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Aspect extérieur des constructions et aménagement de leurs abords / 11.1. Dispositions générales / La situation des constructions, leur architecture, leurs dimensions et leur aspect extérieur doivent être adaptés au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales (...) ". Selon le règlement du lotissement Le Mistralou alors applicable : " L'ensemble des dispositions édictées par le règlement du plan local d'urbanisme et relatives à la zone UDp sera appliqué à tout projet de construction sur l'assiette du lotissement, à l'exception des articles 4, 7, 10, 11, 12 ci-après complétés et précisés ". L'article 11 du même règlement de lotissement dispose : " Aspect extérieur des constructions et aménagements de leurs abords / 11.1 Dispositions générales / La situation des constructions, leur architecture, leurs dimensions et leur aspect extérieur doivent être adaptés au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales (...) ".

10. Le projet de M. A..., dont le terrain d'assiette est situé en zone UD du PLU de Brignoles et dans le lotissement Le Mistralou, est soumis aux dispositions précitées de l'article UD 11 du règlement du PLU et de l'article 11 du règlement de ce lotissement, dont le contenu est identique. Ces dispositions ayant le même objet que celles, également invoquées par la commune dans ses écritures, de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et posant des exigences qui ne sont pas moindres, c'est par rapport aux dispositions des articles 11 du règlement de la zone UD du PLU et du règlement du lotissement que doit être appréciée la légalité de l'arrêté attaqué, et non par rapport à celles de l'article R. 111-27.

11. Il ressort des pièces du dossier que l'environnement du projet, caractérisé par un habitat pavillonnaire mais aussi des parcelles non bâties ou agricoles, ne présente aucun intérêt architectural ni qualité particulière. Le préambule du règlement de la zone UD du PLU de Brignoles précise d'ailleurs que l'habitat pavillonnaire est " prédominant ", mais pas exclusif. La construction projetée, bien que comportant quatre logements et évoquant par son architecture et ses proportions un petit immeuble collectif d'habitation, présente un aspect proche de celui des maisons individuelles avoisinantes du lotissement Le Mistralou. Sa hauteur, limitée à R+1 avec combles partiellement aménagés, n'est pas sensiblement plus élevée que ces dernières. Dans ces conditions, le projet ne peut pas être regardé comme inadapté au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants, au sens des dispositions précitées. Dès lors, ce motif de refus de permis de construire est entaché d'illégalité.

12. En deuxième lieu, l'article 12 du règlement du lotissement Le Mistralou, relatif au stationnement, dispose que : " Il devra être aménagé 1 place de stationnement pour 60 m² de surface de plancher créée. Le nombre total de places ne devra en aucun cas être inférieur au nombre de logements réalisés (...) ". Selon l'article 11 des dispositions générales du règlement du PLU de Brignoles, relatif aux modalités d'application des normes de stationnement : " (...) 2) Les modalités d'application des exigences propres à chaque zone sont les suivantes : / - la construction de bâtiments de toute nature entraîne l'obligation de réaliser des installations propres à assurer le stationnement, hors des voies publiques, des véhicules correspondant aux besoins du bâtiment à construire (...) ".

13. Le projet de M. A..., qui porte sur un immeuble de quatre logements, crée 247,39 m² de surface de plancher. Il en résulte l'obligation, selon l'article 12 du règlement du lotissement Le Mistralou, de créer 4,12 places de stationnement ainsi qu'au moins une place de stationnement par logement créé. Le projet, qui prévoit d'aménager cinq places de stationnement, respecte ces exigences. Il n'est pas établi que ces cinq places seraient insuffisantes pour assurer le stationnement, hors des voies publiques, des véhicules correspondant aux besoins de la construction projetée, alors même que celle-ci correspond à un immeuble d'habitat collectif et non à une maison individuelle. Dans ces conditions, le projet ne méconnaît ni l'article 12 du règlement du lotissement ni l'article 11 des dispositions générales du règlement du PLU de Brignoles. Par conséquent, ce motif de refus de permis de construire est illégal.

14. En dernier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement du lotissement Le Mistralou, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Conditions de desserte des terrains par les réseaux publics d'eau, d'électricité et d'assainissement / (...) 4.2. Assainissement / (...) 4.2.2. Eaux pluviales / Tout projet soumis à permis de construire doit comporter les ouvrages nécessaires pour collecter et évacuer les eaux pluviales conformément aux dispositions réglementaires en vigueur. / Toutefois, en vue de la limitation des débits à évacuer et de leur dépollution, des aménagements particuliers sont imposés. / Chaque lot assurera l'infiltration des eaux pluviales par un dispositif de réserve utile de volume supérieur ou égal à 80 litres/m² imperméabilisé. Aucun rejet extérieur n'est autorisé. / La prescription de volume minimal de cet équipement sera de 13 m3. Un schéma de principe de cet équipement figure en marge du plan des travaux (PA8). / Cet aménagement, réalisé par l'acquéreur de lot, devra figurer dans le dossier de demande de permis de construire ".

15. L'arrêté attaqué se borne à indiquer que l'ouvrage de collecte et d'évacuation des eaux pluviales prévu par le projet n'est pas suffisamment dimensionné, sans préciser la base légale de ce motif. Il est constant, cependant, que le maire de Brignoles a entendu faire application des dispositions de l'article 4.2.2 du règlement du lotissement Le Mistralou.

16. Toutefois, ces dispositions imposent la création d'un ouvrage de rétention d'un volume supérieur ou égal à 80 litres par m² de terrain imperméabilisé avec un volume minimal de 13 m3. En l'espèce, le projet imperméabilise une surface de 195,50 m², ce qui exigeait par conséquent un ouvrage d'une capacité minimale de 15 640 litres soit 15,64 m3, et prévoit de créer un bassin de rétention et d'infiltration des eaux pluviales d'un volume utile de 16 m3. Ainsi, le projet respecte les dispositions précitées de l'article 4.2.2. Si la commune de Brignoles soutient que la marge entre le volume minimum exigé par ces dispositions et le volume de l'ouvrage projeté, qui est de 0,36 m3, serait insuffisante au regard des épisodes pluvieux intenses et récurrents qui se produisent dans la région, une telle insuffisance n'est pas établie. Enfin, la commune ne peut utilement se prévaloir du paragraphe D de l'article 2 des dispositions générales du règlement du PLU indiquant qu'un projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation (PPRI) annexé au PLU est en cours d'élaboration, et prévoyant que " dans chacune des zones concernées par le projet de PPRI, les dispositions réglementaires les plus restrictives s'appliquent ", dès lors qu'il n'est pas démontré que le terrain d'assiette du projet serait situé dans l'une de ces zones concernées par le projet de PPRI. Dans ces conditions, ce motif de refus de permis de construire est également illégal.

17. La commune de Brignoles entend à titre subsidiaire fonder son refus de délivrance d'un permis de construire sur la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

18. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

19. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

20. Si la commune soutient que le faible volume du bassin de rétention ne peut servir à contenir les eaux pluviales, dont il découle un risque de débordement des eaux et d'inondation du terrain créant un risque avéré pour la sécurité publique, il n'établit pas cette insuffisance de dimensionnement ainsi que cela a été dit au point 16. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède que l'ensemble des motifs de refus opposés par la commune de Brignoles doivent être écartés. Par suite, M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2017 par lequel le maire de Brignoles a refusé de lui délivrer un permis de construire ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

22. Le présent arrêt qui accueille les conclusions à fin d'annulation du requérant implique, au regard des dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme, qu'il soit enjoint au maire de Brignole de délivrer le permis de construire sollicité dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'astreinte.

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par la commune de Brignoles au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Brignoles la somme de 2 000 euros au profit de M. A... au titre de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon n° 1800812 du 21 juillet 2020 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 19 octobre 2017 par lequel le maire de Brignoles a refusé de délivrer à M. A... un permis de construire ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au maire de Brignole de délivrer le permis de construire sollicité dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir.

Article 4 : La commune de Brignoles versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Brignoles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à M. A... et à la commune de Brignoles.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Toulon.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021, où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 novembre 2021.

2

N° 20MA03609

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03609
Date de la décision : 25/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03-02-05 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Légalité interne du permis de construire. - Légalité au regard de la réglementation locale. - Règlements de lotissements.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Marc-Antoine QUENETTE
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : CITEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-11-25;20ma03609 ?
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