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25/11/2021 | FRANCE | N°20MA02676

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 25 novembre 2021, 20MA02676


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis à lui verser la somme globale de 90 477,50 euros en réparation des préjudices résultant de sa prise en charge médicale dans cet établissement le 14 septembre 2016, assortie des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1806068 du 15 juin 2020, le tribunal administratif de Marseille a condamné le centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis à verser à M. A... la somme de 13 428,80 e

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Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis à lui verser la somme globale de 90 477,50 euros en réparation des préjudices résultant de sa prise en charge médicale dans cet établissement le 14 septembre 2016, assortie des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1806068 du 15 juin 2020, le tribunal administratif de Marseille a condamné le centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis à verser à M. A... la somme de 13 428,80 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2018 et a mis les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 125 euros, à la charge définitive et de cet établissement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 août 2020, 9 avril 2021 et 7 septembre 2021, M. A..., représenté par Me Consolin, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de désigner un nouvel expert ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement du 15 juin 2020 du tribunal administratif de Marseille pour porter à la somme globale de 787 313 euros le montant de l'indemnité allouée en réparation de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les insuffisances du rapport du docteur B... nécessitent de désigner un nouvel expert ;

- le centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis n'apporte pas la preuve d'une information claire et complète portant sur les risques associés à l'extraction des quatre dents de sagesse, en particulier la dysesthésie survenue au cours des suites opératoires ;

- le jugement attaqué sera confirmé en ce qu'il retient que la responsabilité de l'établissement est engagée en raison de la maladresse fautive commise au cours du geste chirurgical et en ce qu'il statue sur les frais d'assistance par des médecins-conseils ;

- il y a lieu de porter à la somme de 50 000 euros l'indemnité allouée par les premiers juges en réparation de son préjudice d'incidence professionnelle ;

- il subit des pertes de gains professionnelles résultant de la différence entre les revenus qu'il aurait pu tirer d'une activité de flutiste au sein d'un orchestre professionnel et les salaires qu'il perçoit en qualité de maraîcher, laquelle peut être évaluée à 13 110,12 euros par an soit, après capitalisation, un préjudice financier de 700 591,70 euros ;

- il sera fait une juste réparation de son déficit fonctionnel temporaire en lui allouant la somme de 1 048 euros ;

- les souffrances qu'il a endurées donneront lieu au versement d'une somme de 5 000 euros ;

- il conserve de sa prise en charge un déficit fonctionnel permanent évalué à 5%, qui sera justement réparé par le versement d'une somme de 8 900 euros ;

- il est fondé à demander le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de son préjudice d'agrément ;

- il a subi un préjudice spécifique d'impréparation exclusivement lié au défaut d'information, dont il sera fait une juste réparation à lui allouant la somme de 8 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 26 juillet et 21 septembre 2021, le centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- en l'absence d'aggravation du dommage depuis le jugement attaqué, M. A... n'est pas recevable à majorer le montant de ses conclusions indemnitaires en ce qu'elles excèdent le montant total des indemnités demandées en première instance, soit 90 477,50 euros ;

- une nouvelle mesure d'expertise ne présenterait, compte-tenu des avis médicaux versés à l'instruction, aucun caractère utile ;

- une information complète a été délivrée à M. A... préalablement à l'extraction des dents de sagesse subie ;

- les frais de santé en lien avec l'échec thérapeutique de l'ostéotomie ne sauraient être mis à sa charge ;

- le tribunal a fait une juste évaluation de ses préjudices ;

- en l'absence d'activité professionnelle pérenne et régulière antérieurement à l'apparition de ses séquelles, les pertes de gains professionnels invoquées ne revêtent pas un caractère certain, M. A... n'apportant en tout état de cause aucune preuve de l'impossibilité de faire carrière dans le domaine de la musique ;

- en l'absence de manquement au devoir d'information, M. A... n'est pas fondé à demander l'indemnisation du préjudice d'impréparation invoqué.

Par un courrier enregistré le 14 septembre 2020, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Hautes-Alpes, indique ne pas souhaiter intervenir à l'instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sanson,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Seghboyan, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 5 juin 1993, demande la réformation du jugement du 15 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a limité à la somme de 13 428,80 euros le montant total des indemnités qu'il a condamné le centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis à lui verser en réparation des préjudices qu'il estime avoir subi du fait de l'extraction des quatre dents de sagesse qu'il a subie le 14 septembre 2016 au centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne l'existence d'une faute médicale :

2. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que c'est à bon droit que le tribunal a jugé que les lésions nerveuses à l'origine des troubles et gênes que conserve M. A... de l'extraction des dents de sagesse subie résultent d'une compression sur le canal dentaire et le nerf alvéolaire inférieur gauche, imputable à une maladresse au cours de ce geste chirurgical.

En ce qui concerne le manquement au devoir d'information :

3. L'article L. 1111-2 du code de la santé publique dispose : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus / (...) Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) /En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. " Il résulte de ces dispositions que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence.

4. Il résulte de l'instruction que le 1er septembre 2016, M. A... a été reçu en entretien par la chirurgienne qui a réalisé l'extraction de ses dents de sagesse, au cours duquel il a signé, après l'avoir intégralement lu, ainsi qu'il l'a reconnu devant l'expert, un document listant les risques associés à ce type d'intervention chirurgicale, en particulier des troubles permanents de sensibilité de la lèvre, lesquels comprennent, contrairement à ce qu'il soutient, les dysesthésies qu'il conserve de ce geste chirurgical. Il résulte par ailleurs des extraits de correspondance médicale entre la chirurgienne et le médecin traitant de l'intéressé, que l'attention de M. A... a été attirée sur le risque particulier de lésion des nerfs lingual et alvéolaire inférieur. Il a de nouveau été alerté sur le risque particulier de lésion au cours d'un second entretien le 13 septembre 2016, pendant lequel lui ont été présentés les résultats du scanner dentaire subi ce même jour et révélant qu'il était particulièrement exposé à ce risque compte-tenu de la position de sa dent 38. Dans ces conditions, le centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis doit être regardé comme établissant s'être conformé à l'obligation de délivrer à l'intéressé une information complète sur les risques associés à l'intervention chirurgicale qu'il a subie. Les conclusions du requérant tendant à obtenir une indemnité en réparation du préjudice d'impréparation qu'il estime avoir subi ne peuvent donc être accueillies.

En ce qui concerne les préjudices :

5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. A... reste apte à l'exercice d'une activité professionnelle, y compris dans le domaine de la musique, susceptible de lui procurer des revenus comparables à ceux qu'il allègue pouvoir tirer d'une activité de flutiste au sein d'un orchestre, qu'il n'a en tout état de cause jamais exercée. Il n'est donc fondé à demander aucune somme au titre des pertes de gains professionnels.

6. En revanche, il résulte de l'instruction que M. A... a été contraint, du fait des dysesthésies de la lèvre qu'il conserve de son intervention chirurgicale, de renoncer à une carrière de flutiste professionnel dans laquelle il pouvait sérieusement se projeter, étant titulaire d'un diplôme d'études musicales délivré par le conservatoire à rayonnement intercommunal d'Aix-Pertuis et admissible au concours d'entrée en classe de jazz du conservatoire national supérieur de musique de Paris. Ainsi, en dépit des perspectives de carrière qui lui restent ouvertes dans le milieu musical, en particulier en qualité de pianiste et d'enseignant, M. A... subit un préjudice d'incidence professionnelle dont il sera fait une juste réparation en rehaussant le montant de l'indemnité allouée par les premiers juges à ce titre à la somme de 10 000 euros.

7. Il résulte de l'instruction que M. A... a subi un déficit fonctionnel temporaire évalué à 25%, au cours des deux mois ayant suivi son intervention chirurgicale, puis à 10% jusqu'à la consolidation de son état de santé, acquise le 25 avril 2018. Les premiers juges ont fait une juste réparation de ce préjudice en lui allouant la somme de 906 euros.

8. Il résulte de l'instruction que M. A... demeure atteint, depuis la consolidation de son état de santé, acquise alors qu'il était âgé de 23 ans, d'une incapacité permanente partielle évaluée par l'expert à 5 %. Les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice en résultant en le fixant à la somme de 5 900 euros.

9. Les souffrances endurées par M. A... ont été évaluées par l'expert à 2 sur une échelle de 0 à 7. Les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de l'indemnité due en réparation de ce préjudice en la fixant à 1 850 euros.

10. M. A..., qui a pratiqué la flûte traversière depuis l'enfance, subit, au-delà de l'incidence professionnelle indemnisée au point 7, un préjudice d'agrément résultant de ce qu'il n'est plus en mesure de jouer de cet instrument au niveau que lui ont permis d'atteindre plusieurs années de pratique régulière. Il y a lieu de rehausser le montant de l'indemnité allouée par le tribunal en réparation de ce préjudice à la somme de 3 000 euros.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de désigner un nouvel expert ni de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis, que M. A... est fondé à demander que le montant de l'indemnité allouée par les premiers juges en réparation de ses préjudices extrapatrimoniaux soit rehaussé à la somme de 22 428,80 euros, tenant compte des frais de consultation de médecin conseil, alloués en première instance et non discutés en appel, pour un montant global de 772,80 euros.

Sur les intérêts :

12. La somme de 22 428,80 euros mentionnée au point précédent portera intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2018, date d'enregistrement de la demande présentée par M. A... au tribunal administratif de Marseille.

Sur les frais liés au litige :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : L'indemnité de 13 428,80 euros au versement de laquelle le centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis a été condamné par l'article 1er du jugement n° 1806068 du tribunal administratif de Marseille du 15 juin 2020 est portée à la somme de 22 428,80 euros. Ladite somme portera intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2018.

Article 2 : Le jugement n° 1806068 du tribunal administratif de Marseille du 15 juin 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis versera à M. A... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au centre hospitalier intercommunal d'Aix-Pertuis, à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes et à la mutuelle étudiante de proximité.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2021, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président,

- Mme Massé-Degois, présidente-assesseure,

- M. Sanson, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 novembre 2021.

2

N° 20MA02676


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02676
Date de la décision : 25/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01-04 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation. - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. - Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. - Exécution du traitement ou de l'opération.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Pierre SANSON
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-11-25;20ma02676 ?
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