Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 20 octobre 2020, 18 mars 2021 et 30 avril 2021, sous le numéro 20MA03904, la SAS Distribution Casino France, représentée par la SELARL Concorde avocats, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'arrêté n° PC 006 088 19 S0206 du 21 août 2020 par lequel le maire de Nice a délivré à la société JPM Alimentation un permis de construire valant autorisation commerciale d'un bâtiment à usage de bureau, d'entrepôt et d'équipement sportifs ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Nice la somme de 1 500 euros chacun au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ayant intérêt pour agir ;
- l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial est insuffisamment motivé ;
- le dossier présente des insuffisances et méconnait donc l'article R. 752-6 du code du commerce, en ce qui concerne les flux de circulation ;
- le projet méconnait les dispositions de l'article L. 752-6 du code du commerce en ce qui concerne les objectifs en matière d'animation de la vie urbaine, de flux de circulation, d'insertion dans l'environnement et de développement durable ;
- la décision attaquée viole les dispositions de l'article L. 142-4 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 décembre 2020, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable faute de respect de l'article R 600-1 du code de l'urbanisme ;
- les autres moyens soulevés par la SAS Distribution Casino France ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 décembre 2020 et 9 avril 2021, la SAS JPM Alimentation, représentée par Me Cazin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS Distribution Casino France une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen tiré du caractère incomplet du dossier présenté à la CNAC est irrecevable comme non présenté devant elle ;
- le moyen tiré de la violation de l'article L. 142-5 du code de l'urbanisme est irrecevable comme présenté en violation de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme ;
- les autres moyens soulevés par la SAS Distribution Casino France ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la commune de Nice et au ministre de l'économie, des finances et de la relance qui n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marcovici,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me Girard, représentant la SAS Distribution Casino France.
Considérant ce qui suit :
1. La SAS Distribution Casino France demande à la Cour d'annuler l'arrêté n° PC 006 088 19 S0206 du 21 août 2020 par lequel le maire de Nice a délivré à la société JPM Alimentation un permis de construire valant autorisation commerciale d'un bâtiment à usage de bureau, d'entrepôt et d'équipement sportifs comprenant un ensemble commercial de 2284 m2 de surface de vente composé d'un supermarché super U de 2204 m2 et d'une boulangerie-pâtisserie de 80 m2 et la création d'un point permanent de retrait par la clientèle d'achats commandés par voie télématique de 223 m2 et 4 pistes de ravitaillement.
2. Si eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la Commission nationale d'aménagement commercial les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la Commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect par le projet qui lui est soumis de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables. En décrivant la nature du nouveau quartier Beaulieu, en indiquant que le projet renforcera la micro-centralité du quartier Caucade, et ses conséquences, la reconversion du site de départ, l'étude d'étude économique et ses conclusions, le caractère compact du projet et la desserte du site par les transports en commun, ainsi que l'étude de flux et en se prononçant sur l'aspect du bâtiment, la Commission nationale a, en l'espèce, satisfait à l'exigence de motivation, alors même qu'elle n'aurait pas mentionné les critiques de la société requérante relatives à la " l'insuffisance des informations ... concernant les flux de circulation ", " dangerosité de la desserte " ou encore " la faiblesse de la qualité environnementale du projet ".
3. Aux termes de l'article R752-6 du code de commerce : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : / 1° Informations relatives au projet : / ... b) Pour les projets de création d'un ensemble commercial : .... - la surface de vente et le secteur d'activité de chacun des magasins de plus de 300 mètres carrés de surface de vente... 4° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants :../ c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes...5° Effets du projet en matière de développement durable...". Contrairement aux affirmations de la SAS Casino Distribution France qui n'apporte aucune précision quant au caractère " arbitraire " de l'étude de flux, la seule circonstance que ladite étude n'envisageait pas les flux de circulation durant la période estivale n'a pas empêché la Commission nationale d'émettre un avis éclairé sur le projet. La décision ne méconnait pas les dispositions précitées de l'article R. 752-6 du code du commerce.
4. Aux termes du I de l'article L. 752-6 du code de commerce : " L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale (...) / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone;(...) / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales (...) ". L'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
5. La société requérante n'apporte aucun élément de nature à faire douter de la volonté du pétitionnaire et de l'enseigne " Naturalia " d'exploiter le magasin que le projet a pour objet de déplacer en commerce alimentaire spécialisé en produits biologiques. Le dossier présente une étude économique selon laquelle les vacances commerciales de deux secteurs proches sont respectivement de 12 et 5,2 %. Au demeurant, aucune pièce versée aux débats ne permet d'établir que le projet remettrait en cause les équilibres commerciaux existants de la zone de chalandise en fragilisant les commerces traditionnels et ce alors même que la densité des surfaces soumises à autorisation commerciale ne figure plus au nombre des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. Contrairement aux affirmations de la SAS Distribution Casino France, l'étude de flux, dont la pertinence n'est pas utilement critiquée, conclut à un impact limité du projet sur la circulation. La seule circonstance qu'aucun arrêt d'autobus ne soit dédié au projet n'implique pas qu'il soit largement accessible aux modes doux de transport, comme l'établit le projet. Si le projet a pour effet de supprimer un nombre très limité d'arbres, il n'implique aucune artificialisation des sols et dispose d'une compacité réelle. Enfin, l'insertion architecturale du projet est satisfaisante. Au total, le projet ne méconnait pas les dispositions de l'article L. 752-6 du code du commerce.
6. La société requérante invoque enfin la méconnaissances des dispositions de l'article L. 142-4 du code de l'urbanisme aux termes duquel : " 4° A l'intérieur d'une zone ou d'un secteur rendu constructible après la date du 4 juillet 2003, il ne peut être délivré d'autorisation d'exploitation commerciale en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, ou d'autorisation en application des articles L. 212-7 et L. 212-8 du code du cinéma et de l'image animée. ". Contrairement aux affirmations de cette société, les dispositions de l'article R 600-5 du code de l'urbanisme sont applicables aux permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. Il dispose que les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Or, ce moyen, qui et en tout état de cause, ne peut pas être " rattaché " au moyen relatif au caractère incomplet du dossier de demande, a été invoqué par la requérante dans son mémoire du 18 mars 2021, soit plus de deux mois après la communication du mémoire en défense du 14 décembre 2020, et ne peut donc qu'être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que la requête de la SAS Distribution Casino France ne peut qu'être rejetée.
Sur les frais du litige :
8. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SAS Distribution Casino France, la commune de Nice et l'Etat n'ayant pas la qualité de partie perdante à l'instance. En revanche, il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions de mettre à la charge de la SAS Distribution Casino France, la somme de 3 000 euros, à verser à la société JPM Alimentation.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Distribution Casino France est rejetée.
Article 2 : Il est mis à la charge de la SAS Distribution Casino France une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à la société JPM Alimentation.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Distribution Casino France, la société JPM Alimentation, la commune de Nice, à la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2021, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président-assesseur,
- M. Merenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2021.
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N° 20MA03904