Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune du Muy, ou subsidiairement l'Etat, à lui verser la somme de 408 856,20 euros au titre des frais d'enlèvement et de gardiennage de véhicules dégradés lors des inondations de juin 2010.
Par un jugement n° 1601236 du 27 mars 2020, le tribunal administratif de Toulon a condamné la commune à verser la somme de 55 000 euros à M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 juin 2020, la commune du Muy, représentée par le cabinet Msellati-Barbaro, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 27 mars 2020 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) de rejeter les conclusions de M. B... dirigées à son encontre ;
3°) de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulon était tardive ;
- la circonstance que le tribunal administratif ait soulevé d'office un régime de responsabilité différent de celui invoqué par la demande préalable rend irrecevable la demande de M. B... ;
- il n'existe pas de service public municipal de la fourrière ;
- la police municipale a agi de sa propre initiative, en dehors de son autorité ;
- la commune et M. B... ne sont pas liés par une relation contractuelle ;
- elle n'a pas émis de bons de commande ;
- M. B... a commis une faute en s'abstenant de recouvrer les sommes réclamées auprès des propriétaires des véhicules ;
- il n'a pas sollicité la mainlevée des mises en fourrière ;
- il s'est abstenu de procéder à la destruction des véhicules enlevés ;
- il a tardé à envoyer sa facture ;
- le montant de l'indemnisation retenue par le tribunal est injustifié.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2021, M. B..., représenté par Me Cuervo, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par la commune du Muy ;
2°) par la voie de l'appel incident, de porter la condamnation prononcée par le tribunal administratif à la somme de 408 856,20 euros ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner l'Etat au versement de cette somme ;
4°) de mettre à la charge de la commune, ou subsidiairement à la charge de l'Etat, les dépens et la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande initiale est recevable ;
- il a la qualité de collaborateur occasionnel du service public ;
- la responsabilité contractuelle de la commune et de l'Etat est engagée ;
- les services de la commune ont commis une faute en lui demandant l'enlèvement de véhicules ;
- le coût des prestations s'élève à 393 856,20 euros ;
- l'absence de trésorerie a été à l'origine d'un préjudice économique et financier s'élevant à 15 000 euros ;
- il n'a pas commis de faute de nature à exonérer la commune et l'Etat de leur responsabilité.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la route ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Merenne,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me Cuervo, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. La commune du Muy fait appel du jugement du 27 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulon l'a condamnée à verser la somme de 55 000 euros à M. B... au titre de frais d'enlèvement et de gardiennage des véhicules dégradés lors des inondations de juin 2010. M. B... forme un appel incident sur le montant de l'indemnité.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. D'une part, la décision du 20 janvier 2014 par laquelle la maire du Muy a rejeté la demande indemnitaire préalable de M. B... ne comporte pas la mention des voies et délais de recours, et la date à laquelle elle a été notifiée ne ressort pas des pièces du dossier. En outre, et ainsi que l'ont retenu les premiers juges, la commune ne peut utilement invoquer la méconnaissance d'un délai raisonnable de recours à l'encontre de conclusions tendant au paiement d'une somme d'argent. Aucun délai de recours contentieux n'a pu courir. La demande de M. B..., enregistrée le 22 avril 2016 au greffe du tribunal administratif, n'est donc pas tardive.
3. D'autre part, le moyen d'ordre public soulevé par les premiers juges, relatif au fondement de la responsabilité de la commune, n'est pas de nature à rendre irrecevable la demande de M. B... devant le tribunal administratif, quand bien même ce fondement serait différent de ceux invoqués dans sa demande indemnitaire préalable.
Sur la responsabilité de la commune :
4. L'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales prévoit que : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'éclairage, l'enlèvement des encombrements (...) / 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours ". L'article L. 2212-4 du même code ajoute en outre que : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. "
5. Après les inondations survenues le 15 juin 2010 sur le territoire de la commune du Muy, la police municipale de cette commune a demandé à l'entreprise Greg Auto Services, exploitée personnellement par M. B..., de procéder à l'enlèvement de vingt-cinq véhicules sinistrés à proximité des HLM Saint-Andrieu. Les véhicules ont été stockés sur un terrain appartenant à M. B..., sans que ce terrain ait pour autant été institué en fourrière sur le fondement des articles L. 325-13, R. 325-20 et R. 325-21 du code de la route.
6. Les mesures ordonnées par la commune, portant sur des véhicules accidentés du fait d'une catastrophe naturelle, ne relèvent pas de l'article L. 325-1 du code de la route sur l'immobilisation et la mise en fourrière des véhicules, mais mettent en œuvre les pouvoirs de police administrative générale que le maire tient des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales cités au point 4. Le coût de ces mesures incombe donc à la commune, sauf recours contre un tiers responsable.
7. En outre, et ainsi que le fait valoir la commune elle-même, le service concerné a agi sans disposer de la compétence pour ce faire et en dehors de l'autorité de la maire, raison pour laquelle M. B... n'a pas été rémunéré. Cette faute n'est pas de nature à exonérer la commune de sa responsabilité, mais à engager cette dernière.
8. Il suit de là que M. B... est fondé à demander l'indemnisation du service rendu au titre de l'enrichissement sans cause, fondement devant être regardé comme invoqué en première instance, et de la faute commise par les services communaux. Ces fondements de responsabilité doivent être substitués à celui initialement retenu par le tribunal administratif, tiré de la responsabilité de la commune envers un collaborateur occasionnel du service public de la fourrière.
Sur les fautes exonératoires invoquées :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que les articles R. 325-23 et R. 325-29 du code de la route ne sont pas applicables aux véhicules en question. Il ne peut donc être reproché à M. B... de ne pas avoir recouvré ses frais sur les propriétaires des véhicules, d'autant plus qu'il avait déjà saisi la justice judiciaire à cette fin, ou de ne pas avoir demandé la mainlevée de leur mise en fourrière.
10. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que contrairement à ce que soutient la commune, M. B... a effectué de nombreuses diligences auprès de la commune du Muy et de la préfecture du Var, auxquelles aucune suite n'a été donnée.
11. En troisième lieu, par un courrier du 29 novembre 2012, la maire du Muy a indiqué à M. B... que : " concernant la destruction des véhicules, nous vous avons fourni la liste des propriétaires à qui vous avez dû par courrier en recommandé avec accusé de réception demander le retrait, vous êtes, dans le respect de la réglementation, en mesure de faire procéder à la destruction des épaves en votre possession. " Toutefois, il résulte de ce qui a été dit aux points 5, 6, et 9 que la réglementation relative aux véhicules mis en fourrière n'était pas applicable aux véhicules en question. Les informations données à M. B... par le courrier du 29 novembre 2012 étaient donc erronées. La commune aurait dû regarder le courrier que lui avait adressé M. B... le 19 novembre 2012 comme une demande tendant à l'enlèvement de véhicules laissés sans droit dans un lieu non ouvert à la circulation publique, en application de l'article R. 325-47 du code de la route. Il appartenait au maire d'y donner suite en faisant prescrire la mise en fourrière des véhicules concernés. M. B... n'a donc pas commis de faute en s'abstenant de procéder à leur destruction après le courrier du 29 novembre 2012.
12. Il suit de là que M. B... n'a pas commis de faute de nature à exonérer la commune de sa responsabilité.
Sur le montant de l'indemnité :
13. Le tribunal administratif a statué sur le montant de l'indemnité demandée par M. B... aux points 12 à 17 du jugement attaqué, dont les motifs ne sont pas contestés. Ni la commune du Muy, ni M. B... n'apportent d'éléments de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal. Il convient d'adopter ces motifs en appel.
14. Il résulte de ce qui précède que la commune du Muy n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon l'a condamnée à verser la somme de 55 000 euros à M. B..., et que l'appel incident de ce dernier doit également être rejeté.
Sur les frais liés au litige :
15. Aucuns dépens n'ont été exposés dans le cadre de la présente instance.
16. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune du Muy le versement de la somme de 2 000 euros à M. B... au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.
17. En revanche, M. B... n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Les dispositions de cet article font en conséquence obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la commune du Muy sur le même fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune du Muy est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. B... présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.
Article 3 : La commune du Muy versera à M. B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Muy et à M. A... B....
Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur et au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2021, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Merenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2021.
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No 20MA01947