Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Fari Alimentation a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 19 juin 2019 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge une somme totale de 19 974 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que la décision du 9 septembre 2019 de rejet de son recours gracieux et, à défaut, de limiter le montant de la contribution à la somme de 7 140 euros.
Par un jugement n° 1909505 du 26 janvier 2021 le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 mars et 7 septembre 2021, sous le n° 21MA01192, la Société Fari alimentation, représentée par Me Didierlaurent, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 janvier 2021 ;
2°) à titre principal, d'annuler les décisions des 19 juin et 9 septembre 2019 ainsi que les sanctions et pénalités ;
3°) à titre subsidiaire, de minorer la contribution spéciale à la somme de 7 140 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'OFII la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le contradictoire et les droits de la défense ont été méconnus faute pour l'OFII de lui avoir communiqué spontanément le procès-verbal d'infraction et pour s'être abstenu de l'informer de son droit d'accès au dossier la concernant ;
- le procès-verbal est entaché d'irrégularité dans la mesure où les faits qui lui sont reprochés n'ont pas été constatés par les rédacteurs du procès-verbal ;
- la décision en litige repose sur des faits dont la matérialité n'est pas établie ;
- eu égard aux circonstances, et en présence d'une seule infraction, il y a lieu pour la Cour de minorer la contribution spéciale à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti, en la fixant à 7 140 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2021, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la Société Fari Alimentation la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ciréfice,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Fari Alimentation relève appel du jugement du 26 janvier 2021 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 juin 2019 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme totale de 19 974 euros au titre de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et à la décharge du paiement de ces contributions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, s'agissant des mesures à caractère de sanction, le respect du principe général des droits de la défense suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande. D'ailleurs, l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016, précise désormais que les sanctions " n'interviennent qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ".
3. Si les dispositions législatives et réglementaires relatives à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail et à la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient pas expressément que le procès-verbal transmis au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à exercer une activité salariée en France, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait faire obstacle à cette communication, en particulier lorsque la personne visée en fait la demande, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de ces contributions, qui revêtent le caractère de sanctions administratives. Il appartient seulement à l'administration, le cas échéant, d'occulter ou de disjoindre, préalablement à la communication du procès-verbal, celles de ses mentions qui seraient étrangères à la constatation de l'infraction sanctionnée par la liquidation des contributions spéciale et forfaitaire et susceptibles de donner lieu à des poursuites pénales.
4. Il résulte de l'instruction que le directeur général de l'OFII a informé la société Fari Alimentation, par lettre recommandée du 30 novembre 2018 qu'un procès-verbal établissait qu'elle avait employé un travailleur démuni de titre de séjour et de titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France, qu'elle était ainsi passible de l'application de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle disposait d'un délai de quinze jours à compter de la réception de cette lettre pour faire valoir ses observations. La société appelante, qui a présenté des observations écrites le 12 décembre 2018, n'allègue pas avoir demandé la communication de ce procès-verbal d'infraction auprès de l'OFII alors qu'elle a ainsi été mise à même de le faire. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que, en ne communiquant pas ce procès-verbal, le directeur général de l'OFII aurait méconnu le principe des droits de la défense.
5. En deuxième lieu, la décision du 19 juin 2019 mentionne les dispositions applicables du code du travail, le relevé des infractions par référence au procès-verbal établi à la suite du contrôle du 18 septembre 2018, le montant de la somme due et précise en annexe le nom du salarié concerné et le motif de la sanction. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation ne peut être accueilli.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 802 du code de procédure pénale : " En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ".
7. Si la société Fari Alimentation soutient que le procès-verbal est entaché d'irrégularité dans la mesure où les faits qui lui sont reprochés n'ont pas été constatés par les rédacteurs du procès-verbal, il n'est pas allégué que la régularité de cet acte, qui est indissociable de la procédure pénale, aurait été contestée devant le juge judiciaire, seul compétent en la matière. Les dispositions de l'article 802 du code de procédure pénale n'ont ni pour objet, ni pour effet de permettre au juge administratif d'examiner la régularité d'une telle procédure.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale (...) ". Aux termes de l'article L. 8221-6 de ce code : " I. - Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription : / 1° Les personnes physiques immatriculées (...) au répertoire des métiers (...) ". Et selon l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. ".
9. D'une part, l'infraction aux dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail est constituée du seul fait de l'emploi de travailleurs étrangers démunis de titre les autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. D'autre part, la qualification de contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont entendu donner à la convention qui les lie mais des seules conditions de fait dans lesquelles le travailleur exerce son activité. A cet égard, la qualité de salarié suppose nécessairement l'existence d'un lien juridique de subordination du travailleur à la personne qui l'emploie, le contrat de travail ayant pour objet et pour effet de placer le travailleur sous la direction, la surveillance et l'autorité de son cocontractant, lequel dispose de la faculté de donner des ordres et des directives, de contrôler l'exécution dudit contrat et de sanctionner les manquements de son subordonné. Dès lors, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie.
10. Par ailleurs, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les contributions qu'ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement.
11. Enfin, en principe, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose à l'administration comme au juge administratif qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d'un jugement devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative d'apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application d'une sanction administrative.
12. Il résulte de l'instruction et notamment des énonciations du procès-verbal établi le 18 septembre 2018 par les services de police que, lors du contrôle effectué le même jour au commerce d'alimentation exploité par la société Fari Alimentation, un inspecteur de l'Union du recouvrement de la sécurité sociale et des allocations familiales (URSSAF) a constaté, à 9 h 50, la présence de M. A..., ressortissant algérien dépourvu de titre de séjour et de titre l'autorisant à travailler en France, occupé à balayer devant le pas de porte du magasin dans la zone de vente. A 9 h 55, le brigadier de police, requis pour assistance par l'agent de l'URSAF constate, à son tour, la présence, dans la zone de stockage au sous-sol du magasin du même ressortissant algérien. Lors de ce contrôle, l'intéressé a déclaré qu'il a " donné un coup de main " à la sœur de la gérante puis, après avoir reconnu qu'il balayait devant la porte du magasin, qu'il aidait parfois la vendeuse présente dans le commerce et les clients à porter leurs achats contre un pourboire. Les constatations visuelles des contrôleurs ne sont pas remises en cause par les déclarations de la gérante de la société, qui fait valoir qu'elle ne connait pas M. B., ami de sa sœur, et qu'elle n'avait pas l'intention de l'employer. Les éléments retenus suffisent en revanche à établir que M. B. exerçait une activité professionnelle dans des conditions traduisant l'existence, à l'égard de la société Fari Alimentation, d'un lien de subordination de nature à caractériser une relation de travail alors même qu'aucune rémunération ne lui aurait été versée et que la sœur de la gérante souffrirait d'un " trouble de la personnalité de type psychose dissociative ", les circonstances que M. B. vivrait à Marignane et que des voisins attesteraient que la gérante est une personne serviable, travaillant " sans déranger les gens " étant sans incidence. Par suite, l'OFII a pu légalement considérer que la société Fari Alimentation était l'employeur de cette personne et mettre à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-l du code du travail.
Sur les conclusions à fin de minoration de la contribution spéciale :
13. Les conclusions à fin de minoration de la contribution spéciale présentées par la Société Fari Alimentation doivent être rejetées par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la Société Fari Alimentation n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFII, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que la Société Fari Alimentation demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Fari Alimentation une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la Société Fari Alimentation est rejetée.
Article 2 : La société Fari Alimentation versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Fari Alimentation et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2021, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- Mme Ciréfice, présidente assesseure,
- M. Prieto, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 novembre 2021.
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