La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/11/2021 | FRANCE | N°20MA03077

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 10 novembre 2021, 20MA03077


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération du 21 décembre 2018 par laquelle le conseil municipal de Ramatuelle a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune.

Par un jugement n° 1900649 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 août 2020 et le 27 avril 2021, l'association

" Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez ", représentée par Me Soleilhac, demande à la Cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la délibération du 21 décembre 2018 par laquelle le conseil municipal de Ramatuelle a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune.

Par un jugement n° 1900649 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 août 2020 et le 27 avril 2021, l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez ", représentée par Me Soleilhac, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette délibération ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Ramatuelle la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'extrait du procès-verbal du conseil d'administration produit, dont les mentions sont suffisamment précises, atteste que son président a qualité pour relever appel du jugement en son nom ;

- il n'est pas établi que la réunion publique prévue au titre de la concertation préalable ait été organisée ;

- le rapport de présentation est incomplet au regard des exigences fixées, d'une part, à l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme, en ce qu'il omet de justifier les objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain compris dans le projet d'aménagement et de développement durables au regard des dynamiques économiques et démographiques, d'autre part, à l'article R. 123-2 du même code et à l'article L. 153-27 nouveau de ce code, en ce qu'il ne précise pas les indicateurs à élaborer au regard de l'objectif mentionné au 8° de l'article L. 101-2 ;

- les membres du conseil municipal n'ont pas été mis à même de discuter utilement des orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables, en ce qui concerne le déclassement d'espaces boisés classés dès lors qu'ils en ont débattu avant que la commission départementale de la nature, des paysages et des sites n'émette son avis ;

- le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité en omettant de répondre à ce moyen ;

- le projet d'aménagement et de développement durables, qui ne définit aucune orientation générale concernant les réseaux d'énergies, ne satisfait pas aux prescriptions de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme et rend le plan local d'urbanisme incohérent avec le contenu de ce projet ;

- le projet d'aménagement et de développement durables ne respecte pas les dispositions des articles L. 151-4 et L. 151-5 du code de l'urbanisme en ce qui concerne l'appréciation du caractère modéré de la consommation d'espace ;

- le rapport et les conclusions du commissaire enquêteur, qui ont été irrégulièrement modifiés, ont été mis à disposition du public au-delà du délai fixé à l'article R. 123-15 du code de l'environnement ;

- la délibération attaquée est viciée par la participation de deux conseillers intéressés.

Par des mémoires en défense enregistrés le 30 mars 2021 et le 16 juin 2021, la commune de Ramatuelle, représentée par Me Porta, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 200 euros soit mise à la charge de l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que la qualité du président de l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " pour relever, en son nom, appel du jugement n'est pas établie ;

- les moyens soulevés par l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 juillet 2021, prise en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée avec effet immédiat.

Un mémoire, présenté pour la commune de Ramatuelle, a été enregistré le 17 septembre 2021.

Par une lettre du 21 septembre 2021, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de mettre en œuvre la procédure prévue par l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme et invitées à présenter leurs observations sur ce point.

Des observations présentées pour l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " ont été enregistrées le 29 septembre 2021.

Des observations présentées pour la commune de Ramatuelle ont été enregistrées le 29 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;

- l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 ;

- le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Porta, représentant la commune de Ramatuelle.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 21 décembre 2018, le conseil municipal de Ramatuelle a approuvé la révision du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune. L'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " fait appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Ramatuelle :

2. Selon l'article 13 des statuts de l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez ", relatif aux pouvoirs du conseil d'administration, ce dernier est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de l'association et faire ou autoriser tous actes et opérations permis à l'association et qui ne sont pas réservés à l'assemblée générale des sociétaires et peut notamment agir en justice au nom de l'association tant en demande qu'en défense. L'article 14, intitulé " délégation de pouvoirs ", stipule néanmoins que le président est chargé d'exécuter les décisions du conseil et d'assurer le bon fonctionnement de l'association, qu'il représente en justice et dans tous les actes de la vie civile. Cet article précise que " A ce titre, le président, le vice-président ou toute autre personne dûment mandatée par le président ou le conseil d'administration de l'association, disposent de la capacité d'ester en justice devant toutes les juridictions tant nationales qu'internationales ". Il résulte de ces dernières stipulations que le président de l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " dispose du pouvoir d'agir en justice au nom de celle-ci sans nécessairement être mandaté par le conseil d'administration. Par suite, si la commune de Ramatuelle conteste la validité du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration de l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " mandatant son président pour relever, en son nom, appel du jugement, la fin de non-recevoir qu'elle soulève, tirée du défaut de qualité du président pour relever appel ne peut être accueillie.

Sur la régularité du jugement :

3. L'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " soutient que le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité en omettant de répondre au moyen qu'elle soulève en appel tiré de ce que les membres du conseil municipal n'ont pas été mis à même de discuter utilement des orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables, en ce qui concerne le déclassement d'espaces boisés classés dès lors qu'ils en ont débattu avant que la commission départementale de la nature, des paysages et des sites n'émette son avis. Si elle a effectivement soulevé ce moyen devant les premiers juges, ce moyen était contenu dans un mémoire d'observations, enregistré le 2 mars 2020, en réponse à l'application envisagée par le tribunal de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme. Elle n'a soulevé en revanche ce même moyen ni dans sa demande de première instance, ni dans l'un de ses mémoires enregistrés avant la clôture de l'instruction fixée au 29 octobre 2019 par ordonnance du 9 octobre 2019. Le courrier du 25 février 2020 par lequel le président de la 1ère chambre du tribunal administratif a invité les parties à présenter des observations sur l'application éventuelle des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme n'a pas eu pour effet de rouvrir l'instruction. Le tribunal administratif n'étant ainsi pas tenu de répondre au moyen précité, l'irrégularité alléguée n'est pas constituée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la concertation :

4. Aux termes de l'article L. 103-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Font l'objet d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées : / 1° (...) la révision (...) du plan local d'urbanisme (...) ". Aux termes de l'article L. 103-4 du même code : " Les modalités de la concertation permettent, pendant une durée suffisante et selon des moyens adaptés au regard de l'importance et des caractéristiques du projet, au public d'accéder aux informations relatives au projet et aux avis requis par les dispositions législatives ou réglementaires applicables et de formuler des observations et propositions qui sont enregistrées et conservées par l'autorité compétente ". Aux termes de l'article L. 600-11 du même code : " Les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux articles L. 103-2 et L. 300-2 ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies aux articles L. 103-1 à L. 103-6 et par la décision ou la délibération prévue à l'article L. 103-3 ont été respectées (...) ". Il résulte de ces dispositions que les irrégularités ayant affecté le déroulement de la concertation au regard des modalités définies par la délibération prescrivant l'adoption ou la révision du plan local d'urbanisme sont invocables à l'occasion d'un recours contre la délibération approuvant ce plan.

5. La délibération du 17 mars 2015 par laquelle le conseil municipal de Ramatuelle a prescrit la révision du plan local d'urbanisme a défini les modalités de la concertation, à savoir l'ouverture d'un registre en mairie destiné à recueillir les observations et suggestions du public, la mise à disposition des habitants, des associations locales et des autres personnes concernées, dont les représentants de la profession agricole, des éléments principaux du plan local d'urbanisme révisé au fil de leur élaboration, en mairie et sur internet et l'organisation d'une réunion publique sur le projet de règlement du plan local d'urbanisme révisé. L'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " ne conteste plus en appel que les deux premières modalités de concertation ont été régulièrement organisées. La délibération du 30 janvier 2018 tirant le bilan de la concertation indique que la réunion publique prévue s'est tenue le 20 mai 2016 et qu'une trentaine de personnes y ont participé. La copie de l'article paru dans un journal local relatant cette réunion, produit en défense, confirme que cette réunion a bien eu lieu, sur le thème prévu. Dans ces conditions, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que les modalités de concertation définies par la délibération du 17 mars 2015 n'ont pas été intégralement respectées.

En ce qui concerne le rapport de présentation :

6. Aux termes du premier alinéa du VI de l'article 12 du décret du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l'urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d'urbanisme : " Les dispositions des articles R. 123-1 à R. 123-14 du code de l'urbanisme dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015 restent applicables aux plans locaux d'urbanisme dont l'élaboration, la révision, la modification ou la mise en compatibilité a été engagée avant le 1er janvier 2016. (...) ". La révision du plan d'occupation des sols de la commune de Ramatuelle a été décidée par une délibération de son conseil municipal du 17 mars 2015. Dès lors, en application de ces dispositions, les dispositions des articles R. 123-1 à R. 123-14 du code de l'urbanisme, dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015, sont restées applicables au plan local d'urbanisme adopté par la délibération attaquée du 21 décembre 2018.

7. En premier lieu néanmoins, aux termes de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme, en vigueur à compter du 1er janvier 2016, en application de l'article 15 de l'ordonnance du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du code de l'urbanisme, le rapport de présentation " justifie les objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain compris dans le projet d'aménagement et de développement durables au regard des objectifs de consommation de l'espace fixés, le cas échéant, par le schéma de cohérence territoriale et au regard des dynamiques économiques et démographiques ".

8. Les objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain fixés par le projet d'aménagement et de développement durables limitent cette consommation à 9,6 hectares d'espaces agricoles, naturels et forestiers ouverts à l'urbanisation par le PLU révisé, localisés sur trois secteurs identifiés, sur une échéance de quinze ans. Le rapport de présentation rappelle les objectifs fixés en la matière par le schéma de cohérence territoriale (SCOT) des cantons de Grimaud et de Saint-Tropez, approuvé le 12 juillet 2006, notamment l'objectif de réguler la pression démographique, en maîtrisant la production de logements et en favorisant la création de résidences principales. Il justifie au regard de ces objectifs les objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain fixés par le PADD. S'il ne présente pas une justification distincte au regard des dynamiques économiques et démographiques, il insiste notamment sur la nécessité de maintenir les exploitations agricoles et de privilégier la création de logements destinés aux résidents permanents et aux travailleurs saisonniers, comme il était déjà constaté dans l'analyse de la situation socio-économique comprise dans le diagnostic territorial proposé par ce document. Par suite, le rapport de présentation doit être regardé comme satisfaisant aux dispositions de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme.

9. En second lieu, aux termes de l'article R. 123-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2015 : " Le rapport de présentation : / (...) 5° Précise les indicateurs qui devront être élaborés pour l'évaluation des résultats de l'application du plan prévue à l'article L. 123-12-1 (...) ". Aux termes de l'article R. 123-2-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque le plan local d'urbanisme doit faire l'objet d'une évaluation environnementale conformément aux articles L. 121-10 et suivants, le rapport de présentation : (...) 6° Définit les critères, indicateurs et modalités retenus pour l'analyse des résultats de l'application du plan prévue par l'article L. 123-12-2. Ils doivent permettre notamment de suivre les effets du plan sur l'environnement afin d'identifier, le cas échéant, à un stade précoce, les impacts négatifs imprévus et envisager, si nécessaire, les mesures appropriées ; (...) ".

10. En vertu de l'article L. 153-27 du code de l'urbanisme, en vigueur à compter du 1er janvier 2016, en application de l'article 15 de l'ordonnance du 23 septembre 2015, il appartient au conseil municipal de procéder, neuf ans au plus tard après la délibération portant approbation ou révision du plan local d'urbanisme, à une analyse des résultats de l'application de ce plan au regard des objectifs prévus à l'article L. 101-2 du même code. Si le 6° de l'article R. 123-2-1 du code de l'urbanisme se réfère à une procédure spécifique d'analyse de l'application des plans locaux d'urbanisme devant faire l'objet d'une évaluation environnementale prévue à L. 123-12-2 du même code de l'urbanisme, cependant abrogé par la loi du 24 mars 2014, le rapport de présentation du plan local d'urbanisme révisé de Ramatuelle identifie, au sein de l'évaluation environnementale, des critères permettant de suivre les effets du plan local d'urbanisme sur l'environnement. L'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " ne conteste pas l'appréciation faite par le tribunal administratif, dans les motifs du jugement attaqué énoncés au point 21, qui a considéré que le rapport de présentation devait être regardé comme précisant les indicateurs permettant d'évaluer les résultats du PLU au regard des objectifs de nature non environnementale prévus aux 1° à 5° de l'article L. 101-2. Cependant, alors que la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique a ajouté un 8° à ce dernier article définissant un nouvel objectif relatif à " la promotion du principe de conception universelle pour une société inclusive vis-à-vis des personnes en situation de handicap ou en perte d'autonomie dans les zones urbaines et rurales ", le rapport de présentation n'évoque pas cet objectif. Ces dispositions, qui ne sont assorties d'aucune mesure transitoire et sont entrées en vigueur à la suite de leur publication, dans les conditions prévues par l'article 2 du décret du 5 novembre 1870, étaient applicables aux plans en cours d'élaboration ou de révision. Eu égard au caractère législatif de cette norme, la commune de Ramatuelle ne peut utilement se prévaloir du principe selon lequel il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elle, d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, une réglementation nouvelle. Il ne découle ni du principe de sécurité juridique, ni des nécessités inhérentes à la continuité du service public que les modifications apportées aux règles relatives au contenu du rapport de présentation ne seraient pas applicables aux procédures de modification ou de révision des plans locaux d'urbanisme en cours. Dès lors, le moyen tiré de ce que le rapport de présentation ne précise pas les indicateurs permettant d'évaluer les résultats du PLU au regard de l'objectif mentionné au 8° de l'article L. 101-2 est fondé.

En ce qui concerne le projet d'aménagement et de développement durable :

11. Aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les plans locaux d'urbanisme (...) comportent un projet d'aménagement et de développement durable qui définit les orientations générales d'aménagement et d'urbanisme retenues pour l'ensemble de la commune. (...) ". Aux termes de l'article L. 123-9 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Un débat a lieu au sein du conseil municipal sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement mentionné à l'article L. 123-1, au plus tard deux mois avant l'examen du projet de plan local d'urbanisme. (...) ". Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article L. 121-27 du code de l'urbanisme que le classement ou le déclassement au plan local d'urbanisme d'espaces boisés ne peuvent intervenir qu'après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.

12. Il ressort des pièces du dossier que la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS), consultée au titre de l'article L. 121-27 du code de l'urbanisme sur le projet de révision du PLU qui prévoyait le classement et le déclassement d'espaces boisés, a rendu son avis le 7 juillet 2016, soit avant que le projet ne soit arrêté le 30 janvier 2018 puis approuvé le 21 décembre 2018. Le conseil municipal de Ramatuelle s'était réuni le 29 avril 2015 pour débattre sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement. Dans le cadre de l'orientation tendant à renforcer la place de l'agriculture, il a été prévu de reconquérir les espaces agricoles de qualité AOC couverts par les espaces boisés classés ou les friches, une carte repérant globalement les espaces concernés. Eu égard à la nature et aux effets du PADD, la circonstance à elle seule que l'avis de la CDNPS n'ait pas été rendu à ce stade de la procédure ne permet pas de regarder les membres du conseil municipal comme n'ayant pas été mis à même de discuter utilement, à cette occasion, de ces orientations générales. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 123-9 du code de l'urbanisme doit être écarté.

13. Aux termes de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme, en vigueur depuis le 1er janvier 2016 : " Le projet d'aménagement et de développement durables définit : 1° Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ; 2° Les orientations générales concernant l'habitat, les transports et les déplacements, les réseaux d'énergie, le développement des communications numériques, l'équipement commercial, le développement économique et les loisirs, retenues pour l'ensemble de l'établissement public de coopération intercommunale ou de la commune. Il fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain. Il peut prendre en compte les spécificités des anciennes communes, notamment paysagères, architecturales, patrimoniales et environnementales, lorsqu'il existe une ou plusieurs communes nouvelles. ".

14. Le projet d'aménagement et de développement durables définit des orientations générales relevant des politiques mentionnées au 1° de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme ou concernant l'habitat et le développement économique, comme le prévoit le 2°. La circonstance qu'il ne prévoit aucune orientation générale concernant les réseaux d'énergies ne le rend pas insuffisant dans la mesure où ces dispositions ne sauraient être regardées comme imposant aux communes de définir des projets et des orientations précises dans tous les domaines ainsi énumérés. A cet égard, l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 229-16 du code de l'environnement qui imposent aux établissements publics de coopération intercommunale soumis à l'obligation d'élaborer un plan climat-air-énergie de prendre en compte les orientations de cette nature figurant au PADD. Elle n'apporte aucun élément de nature à justifier l'inclusion au PADD d'une orientation en ce sens au vu notamment, en dépit de la taille de la commune de Ramatuelle, de ses caractéristiques et de l'existence d'enjeux locaux. Enfin, si l'absence d'une telle orientation au PADD implique pour les auteurs du PLU de justifier autrement, notamment dans le rapport de présentation, les choix faits dans le domaine des réseaux d'énergies, elle ne rend pas automatiquement le plan local d'urbanisme incohérent avec le contenu du PADD. Dès lors, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le PADD ne satisfait pas aux prescriptions de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme.

15. Il résulte des dispositions de l'article L. 123-1-2 du code de l'urbanisme en vigueur jusqu'au 31 décembre 2015, reprises à l'article L. 151-4, dans sa rédaction applicable au litige, en vigueur depuis le 1er janvier 2016, que le rapport de présentation comporte une analyse de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix années précédant l'approbation du plan ou, comme en l'espèce, depuis la dernière révision du document d'urbanisme. Sur le fondement de cette analyse, le PADD fixe les objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain en application de l'article L. 151-5.

16. La délibération attaquée approuve la révision du plan local d'urbanisme, lequel avait été approuvé par délibération du 18 mai 2006 après révision générale du plan d'occupation des sols valant transformation en plan local d'urbanisme. Ainsi, en application des dispositions citées au point précédent, la période de référence pour fixer les objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace est la période courant du 18 mai 2006 à la date d'approbation de la révision contestée. Le rapport de présentation chiffre à 52 ha la consommation d'espace prise en compte. L'analyse de cette consommation est détaillée au diagnostic territorial qui indique que cette valeur correspond à la consommation des espaces agricoles, naturels et forestiers constatée entre 1998 et 2011, par comparaison entre les orthophotos du territoire communal effectuées à ces deux dates, l'orthophoto de 2011 étant la plus récente disponible à la date de l'étude. L'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " soutient que les objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace fixés par le PADD sont erronés pour avoir été établis à partir d'une période de référence elle-même erronée, notamment en ce que la consommation d'espaces constatée depuis 2011 n'a pas été prise en compte et du fait que la révision du plan décidée en 2006 a eu pour effet de limiter de façon importante l'ouverture à l'urbanisation. Elle ne démontre cependant pas que les objectifs de modération fixés à 9,6 ha ainsi que les choix d'aménagement faits par les auteurs du plan en auraient été substantiellement affectés. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme doit être écarté.

En ce qui concerne l'enquête publique :

17. Aux termes de l'article L. 123-15 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " Le commissaire enquêteur (...) rend son rapport et ses conclusions motivées dans un délai de trente jours à compter de la fin de l'enquête. Si ce délai ne peut être respecté, un délai supplémentaire peut être accordé à la demande du commissaire enquêteur (...) par l'autorité compétente pour organiser l'enquête, après avis du responsable du projet. (...) ". Aux termes de l'article R. 123-21 du même code : " L'autorité compétente pour organiser l'enquête adresse, dès leur réception, copie du rapport et des conclusions au responsable du projet, plan ou programme. / Copie du rapport et des conclusions est également adressée à la mairie de chacune des communes où s'est déroulée l'enquête et à la préfecture de chaque département concerné pour y être sans délai tenue à la disposition du public pendant un an à compter de la date de clôture de l'enquête. / L'autorité compétente pour organiser l'enquête publie le rapport et les conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête sur le site internet où a été publié l'avis mentionné au I de l'article R. 123-11 et le tient à la disposition du public pendant un an. ".

18. Conformément à l'arrêté du maire de Ramatuelle du 15 mai 2018 portant organisation de l'enquête publique conjointe, celle-ci s'est tenue du 1er juin 2018 au 3 juillet 2018. Il ressort des mentions du rapport et des conclusions du commissaire-enquêteur que celui-ci les a rendus le 3 août 2018 mais qu'il a complété les conclusions le 2 septembre 2018, soit après l'expiration du délai de trente jours prévu à l'article L. 123-15 du code de l'environnement. Alors même que la commune de Ramatuelle n'établit pas que ce complément a été effectué à la demande du président du tribunal administratif, comme le permet l'article R. 123-20 du code de l'environnement, et que ce complément a retardé d'un mois la mise à disposition du public du document définitif, cette circonstance n'a pu nuire à l'information du public, l'enquête publique étant close, ou exercer une influence sur la délibération attaquée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 123-15 précité doit être écarté.

En ce qui concerne la régularité de la délibération du 21 décembre 2018 :

19. Aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ".

20. Il résulte de ces dispositions que la participation au vote permettant l'adoption d'une délibération d'un conseiller municipal intéressé à l'affaire qui fait l'objet de cette délibération, c'est-à-dire y ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune, est de nature à en entraîner l'illégalité. De même, sa participation aux travaux préparatoires et aux débats précédant l'adoption d'une telle délibération est susceptible de vicier sa légalité, alors même que cette participation préalable ne serait pas suivie d'une participation à son vote, si le conseiller municipal intéressé a été en mesure d'exercer une influence sur la délibération. Cependant, s'agissant d'une délibération déterminant des prévisions et règles d'urbanisme applicables dans l'ensemble d'une commune, la circonstance qu'un conseiller municipal intéressé au classement d'une parcelle ait participé aux travaux préparatoires et aux débats précédant son adoption ou à son vote n'est de nature à entraîner son illégalité que s'il ressort des pièces du dossier que, du fait de l'influence que ce conseiller a exercée, la délibération prend en compte son intérêt personnel.

21. Il est constant que Mme F... A..., première adjointe au maire de Ramatuelle, est propriétaire des parcelles cultivées n° 146 à 149 à Val-de-Tournel, que la délibération attaquée a maintenues en zone A. La circonstance invoquée par l'association requérante que cette délibération a néanmoins modifié le zonage en classant désormais les parcelles 150, 151,153, 154 et 248, situées à l'est de ce tènement, en secteur Nh et non plus en zone A ne permet pas de regarder Mme A... comme ayant un intérêt qui ne se confond pas avec ceux de la généralité des habitants de la commune. Ainsi, la participation de celle-ci à la délibération approuvant le plan local d'urbanisme n'a pas entaché cette délibération d'illégalité. Si l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " soutient que M. C... B..., cinquième adjoint au maire, était intéressé à l'affaire en raison du reclassement en secteur UP de la parcelle n° 81, celle-ci ne lui appartient pas. L'association ne démontre pas plus qu'en première instance que M. D... B..., propriétaire avec son épouse de cette parcelle, serait le fils de M. C... B..., lequel ne peut donc être considéré comme un conseiller intéressé à l'affaire qui a fait l'objet de la délibération approuvant le plan local d'urbanisme. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales doit être écarté.

22. Il résulte de tout ce qui précède que l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " est seulement fondée à soutenir que la délibération en litige est entachée d'un vice de forme pour les motifs exposés au point 10.

Sur la mise en œuvre de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme :

23. Aux termes de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre (...) un plan local d'urbanisme (...), estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d'urbanisme reste applicable, sous les réserves suivantes : (...) / 2° En cas d'illégalité pour vice de forme ou de procédure, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l'illégalité a eu lieu, pour (...) les plans locaux d'urbanisme, après le débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables. / Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ".

24. Le vice de forme, retenu au point 10, tiré de l'insuffisance du rapport de présentation est susceptible d'être régularisé par une nouvelle délibération complétant ce document. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt afin que le conseil municipal de Ramatuelle approuve une telle délibération.

D É C I D E :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, imparti à la commune de Ramatuelle pour notifier à la cour une délibération de son conseil municipal confirmant l'approbation du plan local d'urbanisme révisé.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " et à la commune de Ramatuelle.

Délibéré après l'audience du 28 octobre 2021, où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2021.

N° 20MA03077 3

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03077
Date de la décision : 10/11/2021
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Plans d'aménagement et d'urbanisme - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU) - Légalité des plans - Modification et révision des plans - Procédures de révision.

Urbanisme et aménagement du territoire - Plans d'aménagement et d'urbanisme - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU) - Légalité des plans - Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : HELIOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-11-10;20ma03077 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award