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08/11/2021 | FRANCE | N°20MA00222

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 08 novembre 2021, 20MA00222


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du 3 mai 2017 par laquelle le conseil municipal d'Allauch a décidé de préempter un ensemble bâti au lieu-dit " la Verrerie ", ainsi que la décision du 31 juillet 2017 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1706714 du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions contestées.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée

le 20 janvier 2020, la commune d'Allauch, représentée par Me Xoual, demande à la cour :

1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la délibération du 3 mai 2017 par laquelle le conseil municipal d'Allauch a décidé de préempter un ensemble bâti au lieu-dit " la Verrerie ", ainsi que la décision du 31 juillet 2017 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1706714 du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions contestées.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2020, la commune d'Allauch, représentée par Me Xoual, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 novembre 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... et Mme A... en première instance ;

3°) de mettre à leur charge la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conseillers municipaux ont reçu une information suffisante ;

- la délibération du 3 mai 2017 est suffisamment motivée ;

- elle ne méconnaît pas l'article L. 215-1 du code de l'urbanisme ;

- elle pouvait porter sur des droits indivis ;

- elle n'est pas entachée de détournement de pouvoir.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 octobre et le 12 novembre 2020, M. D... et Mme A..., représentés par Me Hequet, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par la commune d'Allauch ;

2°) d'en supprimer un passage en application de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Allauch la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les moyens soulevés par la commune d'Allauch ne sont pas fondés ;

- le passage dont ils demandent la suppression présente un caractère diffamatoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi du 29 juillet 1881 :

- le code de justice administrative.

La présidente de la cour a désigné M. Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Merenne,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Garnier, représentant la commune d'Allauch, et de Me Guin, représentant M. D... et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Le 6 février 2017, M. D... et Mme A... ont déclaré leur intention d'aliéner leur propriété située, au lieudit " La Verrerie ", et constituée d'un ensemble bâti regroupant les parcelles cadastrées section AZ nos 11, 13, 58, 62 et 68, pour une superficie de 3 670 mètres carrés, et du tiers indivis en pleine propriété des parcelles AZ nos 61, 63 et 66, pour une superficie de 379 mètres carrés. Le département des Bouches-du-Rhône a déclaré renoncer à exercer son droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles par un courrier du 13 février 2017. Par une délibération du 3 mai 2017, le conseil municipal d'Allauch a décidé de préempter l'ensemble immobilier en question. Par une décision du 31 juillet 2017, le maire d'Allauch a rejeté le recours gracieux formé par M. D... et Mme A.... La commune d'Allauch fait appel du jugement du 21 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé la délibération du 3 mai 2017 et la décision du 31 juillet 2017.

Sur le fond :

2. En premier lieu, les documents que la commune d'Allauch présente comme un " dossier d'information " ayant été transmis aux membres du conseil municipal préalablement à la délibération du 3 mai 2017 sont constitués en réalité d'un extrait du registre des délibérations du conseil municipal et des pièces transmises au contrôle de légalité le 4 mai 2017. Le droit des membres du conseil municipal à être informé de l'affaire qui a fait l'objet de la délibération n'a donc pas été respecté, en méconnaissance des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales. Cette irrégularité a privé les intéressés d'une garantie et a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise. Le tribunal administratif a par suite retenu à juste titre que la délibération du 3 mai 2017 avait été adoptée à l'issue d'une procédure irrégulière.

3. En deuxième lieu, le tribunal administratif a retenu le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de préemption par des motifs appropriés, figurant aux points 3 à 5 du jugement attaqué, qu'il y a lieu d'adopter en appel.

4. En troisième lieu, l'article L. 113-8 du code de l'urbanisme, auquel renvoie l'article L. 215-1 du même code pour l'institution du droit de préemption dans les espaces naturels sensibles, dispose que : " Le département est compétent pour élaborer et mettre en œuvre une politique de protection, de gestion et d'ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non, destinée à préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et des champs naturels d'expansion des crues et d'assurer la sauvegarde des habitats naturels ". L'article L. 215-11 du même code dispose en outre que : " A titre exceptionnel, l'existence d'une construction ne fait pas obstacle à l'exercice du droit de préemption dès lors que le terrain est de dimension suffisante pour justifier son ouverture au public et qu'il est, par sa localisation, nécessaire à la mise en œuvre de la politique des espaces naturels sensibles des départements. Dans le cas où la construction acquise est conservée, elle est affectée à un usage permettant la fréquentation du public et la connaissance des milieux naturels. "

5. Il ressort des pièces du dossier que l'ensemble immobilier préempté par la commune, d'une superficie proche de 4 000 mètres carrés, est une propriété clôturée, comprise dans un hameau, comportant pour l'essentiel une maison individuelle et d'autres constructions particulières pour une surface au sol totale de 240 mètres carrés, une piscine avec des abords en béton, des voies d'accès pour les véhicules, des surfaces gazonnées et de la végétation d'agrément. Il ne présente donc pas le caractère d'un espace naturel sensible à protéger, quand bien même il serait au voisinage de tels espaces. Si la commune fait valoir qu'elle souhaite restaurer le site anthropisé pour lui restituer le caractère d'un espace naturel, cet objectif n'est pas au nombre de ceux pouvant justifier l'exercice du droit de préemption dans les espaces naturels sensibles en application de l'article L. 113-8 du code de l'urbanisme. En outre, ni le projet de transformation des constructions en " maison des randonneurs ", pour digne d'intérêt qu'il soit, ni l'aménagement d'un local destiné à servir de base aux patrouilles motorisées de la commune, ni la construction d'un parc de stationnement pour les visiteurs ne relèvent de l'objectif de protection des espaces naturels sensibles, d'autant plus que la commune n'établit pas que l'acquisition de l'ensemble immobilier en question serait nécessaire à de tels projets. Il suit de là que le tribunal administratif a retenu à juste titre le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 215-11 du code de l'urbanisme.

6. En quatrième lieu, l'article L. 215-9 prévoit que : " Le droit de préemption défini à l'article L. 215-4 est applicable sur tout terrain ou ensemble de droits sociaux donnant vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance de terrains qui font l'objet d'une aliénation, à titre onéreux, sous quelque forme que ce soit. "

7. Le tiers indivis de la pleine propriété des parcelles cadastrées section AZ nos 61, 63 et 66 ne forme pas, contrairement à ce que soutient la commune, un tout indivisible avec les parcelles cadastrées section AZ nos 11, 13, 58, 62 et 68, mais avec le reste des droits indivis portant sur les parcelles cadastrées section AZ nos 61, 63 et 66. Il résulte des dispositions précitées que la cession de ces droits, qui ne donnent pas vocation à l'attribution en propriété ou en jouissance des parcelles en question, n'entrait pas dans le champ d'application du droit de préemption dans les espaces naturels sensibles. La décision de préemption est donc illégale en tant qu'elle porte sur des droits indivis.

8. En cinquième lieu, Mme A... épouse D... était conseillère municipale d'Allauch. Il n'est pas contesté que l'ancien maire de la commune faisait preuve d'une animosité particulière à son égard. Ainsi qu'il a été dit, la décision a été prise pour des motifs étrangers à ceux pouvant justifier une décision de préemption dans un espace naturel sensible, d'autant plus qu'elle portait sur propriété bâtie. La commune fait valoir qu'elle a initié une procédure correctionnelle pour infraction au code de l'urbanisme à l'encontre des propriétaires. La faiblesse des éléments avancés à ce titre, qui a justifié la relaxe de M. et Mme D... par un jugement du 6 décembre 2019 du tribunal correctionnel de Marseille, n'était pas de nature à justifier objectivement la réduction du prix d'acquisition de 480 000 à 300 000 euros par la décision de préemption, à l'encontre de l'estimation effectuée par le service des domaines. Le tribunal administratif a donc également retenu à juste titre l'existence d'un détournement de pouvoir.

9. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Allauch n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions contestées.

Sur la suppression d'écrits diffamatoires :

10. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel peuvent, dans les causes dont ils sont saisis, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires.

11. Le paragraphe figurant en page 16 de la requête et commençant par " Enfin, il n'entre nullement dans les objectifs de la commune ... ", qui impute aux défendeurs des faits de nature à porter atteinte à l'honneur ou à leur considération, présente un paragraphe diffamatoire. Il y a lieu d'en prononcer la suppression.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune d'Allauch le versement de la somme de 2 400 euros à M. D... et Mme A... au titre des frais qu'ils ont exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la commune d'Allauch sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : Le passage de la requête de la commune d'Allauch mentionné au point 11 est supprimé.

Article 2 : La requête de la commune d'Allauch est rejetée.

Article 3 : La commune d'Allauch versera à M. D... et Mme A... la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Allauch, à M. B... D... et à Mme C... A....

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2021, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Merenne, premier conseiller,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2021.

5

No 20MA00222


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00222
Date de la décision : 08/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-03-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Procédures d'intervention foncière. - Préemption et réserves foncières. - Droits de préemption. - Espaces naturels sensibles. - Régime issu de la loi du 18 juillet 1985.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : HEQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-11-08;20ma00222 ?
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