Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société RES a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 14 février 2017 par lequel le préfet de l'Aude a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter six éoliennes sur le territoire de la commune de Puilaurens-Lapradelle.
Par un jugement n° 1702898 du 16 avril 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 18 juin 2019, 24 avril 2020 et 27 mai 2021 sous le n° 19MA02731, la société RES représentée par Me Cambus, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 16 avril 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 février 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de lui délivrer l'autorisation sollicitée ou, à défaut, de statuer à nouveau sur la demande dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé concernant l'incompatibilité du projet avec le paysage ;
- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que le paysage est compatible avec l'implantation éolienne ;
- le projet ne porte pas atteinte au grand paysage.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête de la société RES.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société RES ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public ;
- et les observations de Me Bès de Berc, représentant la société RES.
Une note en délibéré présentée pour la société RES a été enregistrée le 27 octobre 2021.
Considérant ce qui suit :
1. La société RES relève appel du jugement du 16 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2017 par lequel le préfet de l'Aude a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter six éoliennes sur le territoire de la commune de Puilaurens-Lapradelle.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte du jugement attaqué que pour justifier l'incompatibilité du projet avec l'unité paysagère du Fenouillède, le tribunal ne s'est pas borné à constater l'absence de projet éolien dans le secteur mais a aussi relevé la qualité du massif forestier des Fanges, lieu d'implantation du projet comportant six éoliennes d'une hauteur de 135 mètres en bout de pale réparties sur une bande Ouest Est d'environ 1 600 mètres, sur une ligne de crête d'une altitude moyenne de 900 mètres laquelle est dépourvue de tout élément visible d'anthropisation, ainsi que le caractère exclusivement naturel des perspectives s'ouvrant depuis le Pech de Bugarach. Les premiers juges ont également estimé que le projet en cause constitue un point d'appel visuel émergeant de la forêt qui ne peut être regardé comme étant absorbé dans le grand paysage alors même que les éoliennes ne dépassent pas la ligne d'horizon formée par les reliefs en arrière- plan. Par suite, le jugement attaqué est suffisamment motivé sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients (...) soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, (...) ". Aux termes du I de l'article L. 181-3 du même code : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. (...) ".
4. Il appartient, dès lors, au juge du plein contentieux d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle l'autorité administrative statue sur cette demande et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.
5. Pour refuser d'accorder l'autorisation sollicitée, le préfet de l'Aude a estimé que le parc éolien de Fanges du fait de son exploitation présentait des dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement en raison de son impact significatif sur les enjeux paysagers et patrimoniaux locaux, incompatible avec les objectifs de préservation de ces enjeux. Il a également retenu l'impact significatif du projet sur l'avifaune.
6. En premier lieu, le tribunal n'a nullement jugé que le motif de l'arrêté relatif à l'atteinte à l'avifaune n'était pas fondé mais que si celui tenant à l'atteinte au patrimoine était infondé, l'atteinte au paysage suffisait à elle seule à justifier légalement le refus d'exploiter. Par ailleurs, si la société requérante conteste le motif tenant à un impact significatif sur le paysage, s'agissant des deux autres motifs, elle se borne à renvoyer à ses écritures de première instance sans produire celles-ci ni énoncer même sommairement les moyens correspondants. Dans ces conditions, les moyens contestant les atteintes à l'avifaune et au patrimoine local ne sont pas assortis en appel des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé.
7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le projet de parc éolien de la société RES doit s'implanter au cœur de la forêt domaniale des Fanges de la commune de Puilaurens-Lapradelle, située dans l'unité paysagère du Fenouillède audois, territoire encore vierge d'éoliennes, selon l'Atlas des paysages de l'Aude et l'avis de l'autorité environnementale du 23 mai 2016, cette unité faisant partie de l'ensemble des Pyrénées Audoises délimité par la vallée de l'Aude et la vallée de la Boulzanne, à l'articulation entre des ensembles paysagers de collines (Corbières et Contreforts) et des paysages de moyenne et haute montagne (Pyrénées audoises et Montagne). Cette forêt très ancienne remontant à Saint-Louis est incluse dans la zone Naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type I " Forêt des Fanges " reconnue pour son intérêt botanique, classée aussi zone d'inventaire au titre des Espaces Naturels Sensibles (ENS). Il s'agit ainsi d'un espace naturel sensible relevant d'enjeux naturalistes forts comme l'a relevé l'autorité environnementale dans son avis précité, alors même que la forêt ferait l'objet d'une exploitation.
8. En troisième lieu, si la société RES soutient que le choix du site a pris en compte les préconisations et enjeux identifiés par le plan de gestion des paysages audois réalisé en 2005, ce plan est dépourvu de toute valeur normative. En tout état de cause, il identifie ce secteur comme secteur à protéger, élément qui selon l'autorité environnementale aurait dû conduire le maître d'ouvrage à replacer son projet dans une analyse globale du développement éolien sur le département et à éviter d'investir dans un secteur de protection. De même, l'inspection des installations classées avait signalé au pétitionnaire l'incompatibilité du projet avec ces enjeux lors des cadrages préalables au dépôt du dossier.
9. En quatrième lieu, le projet de la société RES a pour objet d'implanter au sein de la forêt des Fanges six éoliennes d'une hauteur de 135 mètres en bout de pale réparties sur une bande Ouest Est d'environ 1 600 mètres. Les photomontages de l'étude du paysage et du patrimoine du dossier de demande d'autorisation réalisés depuis le sommet du Pech de Bugarach montrent une vaste zone naturelle de montagne, marquée en plaine par des paysages de prairies dénués d'urbanisation substantielle comme d'aménagements agricoles et d'anthropisation importants, alors même que le parc éolien El Singla serait visible à 11 km à l'est. Par ailleurs, il résulte de ces photomontages que ce projet n'est pas intégré par absorption du fait de la présence des massifs alentours, son site d'implantation étant lui-même situé sur une ligne de crêté culminant à 900 m d'altitude. En outre, la totalité des éoliennes reste nettement visible sur toute leur hauteur depuis le sommet du Pech de Bugarach situé à moins de 8 km, lequel est un site touristique classé par décret du 14 février 2017, présentant une très forte sensibilité patrimoniale selon l'étude paysagère précitée. Le projet de la société RES constitue ainsi un point d'appel visuel émergeant de la forêt de Fanges, laquelle est dénuée de toute anthropisation, même s'il n'occupe que 5 % du champ de visions du panorama à 60° visible depuis le sommet du Pech de Bugarach, de nature à altérer les perspectives naturelles remarquables de ces paysages sensibles. La circonstance que le Pech de Bugarach ne serait accessible qu'à des randonneurs expérimentés est sans incidence. Par suite, un tel projet est de nature à porter une atteinte significative aux paysages en méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'environnement.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société RES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 février 2017.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
11. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la société RES n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction de la société RES.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société RES demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société RES est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société RES et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2021, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 novembre 2021.
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N° 19MA02731
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