Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 novembre 2017 par laquelle l'inspecteur du travail de la section n° 04-01-03 de l'unité de contrôle n° 1 des Alpes de Haute-Provence a autorisé l'association la Maison de retraite Lou Seren à la licencier et celle du 16 juillet 2018 de la ministre du travail ayant rejeté son recours hiérarchique.
Par un jugement n° 1803915 du 2 octobre 2020, le tribunal administratif de Marseille a annulé ces deux décisions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 novembre 2020 et le 14 juin 2021, l'association la Maison de retraite Lou Seren, représentée par Me Sappa, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 2 octobre 2020 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Marseille ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le délai de saisine de l'inspecteur du travail de la demande d'autorisation de licenciement a été, en l'espèce, aussi court que possible et n'a donc pas entaché d'irrégularité la procédure antérieure à sa saisine ;
- l'annulation rétroactive de l'autorisation de licenciement de Mme A... entraîne des conséquences manifestement excessives ;
- les autres moyens soulevés par Mme A... en première instance et en appel ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2021, Mme A..., représentée par Me Chapuis, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'association la Maison de retraite Lou Seren au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande de première instance est recevable ;
- le moyen soulevé par l'association la Maison de retraite Lou Seren à l'encontre du jugement attaqué n'est pas fondé ;
- c'est irrégulièrement qu'elle n'a pas été informée de la possibilité de se faire assister par un conseiller du salarié ;
- les griefs invoqués à son encontre ne sont pas matériellement établis et ne sont pas en outre d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
- il existe un lien entre la décision de la licencier et son mandat de délégué du personnel, que l'inspection du travail n'a pas vérifié.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guidal,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 6 novembre 2017, l'inspecteur du travail de la section n° 04-01-03 de l'unité de contrôle n° 1 des Alpes de Haute-Provence a autorisé l'association la Maison de retraite Lou Seren à licencier Mme A..., ancienne déléguée du personnel, déléguée syndicale et candidate aux fonctions de conseiller prud'homme, pour motif disciplinaire. Par une décision du 16 juillet 2018, la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique formé par Mme A... contre cette décision. L'association la Maison de retraite Lou Seren relève appel du jugement du 2 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé pour excès de pouvoir ces deux décisions.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. / La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. / L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 2421-6 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. Lorsque le délégué syndical bénéficie de la protection prévue à l'article L. 2421-3, la consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. La demande d'autorisation de licenciement est présentée au plus tard dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise. S'il n'y a pas de comité d'entreprise, cette demande est présentée dans un délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied (...) ". Les délais, fixés par ces dispositions, dans lesquels la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié mis à pied doit être présentée, ne sont pas prescrits à peine de nullité de la procédure de licenciement. Toutefois, eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied, l'employeur est tenu de respecter un délai aussi court que possible pour la présenter. Par suite, il appartient à l'administration, saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé auquel s'appliquent ces dispositions, de s'assurer que ce délai a été, en l'espèce, aussi court que possible pour ne pas entacher d'irrégularité la procédure antérieure à sa saisine.
4. Enfin, aux termes de l'article L. 112-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute personne tenue de respecter une date limite ou un délai pour présenter une demande, déposer une déclaration, exécuter un paiement ou produire un document auprès d'une administration peut satisfaire à cette obligation au plus tard à la date prescrite au moyen d'un envoi de correspondance, le cachet apposé par les prestataires de services postaux autorisés au titre de l'article L. 3 du code des postes et des communications électroniques faisant foi. (...)". Une demande tendant à solliciter l'autorisation de licencier un salarié protégé est au nombre des demandes présentées à une autorité administrative auxquelles s'applique la règle posée par l'article L. 112-1 du code des relations entre le public et l'administration.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été mise à pied à titre conservatoire par une décision du 13 septembre 2017 qu'elle a réceptionnée le lendemain. La même lettre la convoquait à un entretien préalable à son licenciement fixé au 25 septembre 2017. Son employeur a sollicité l'autorisation de la licencier par un courrier adressé le 2 octobre 2017, qui a été reçu par les services de l'administration du travail le 3 octobre suivant. La demande a ainsi été présentée vingt jours après la date à laquelle l'intéressée a été mise à pied. L'association la Maison de retraite Lou Seren n'ayant pas de comité d'entreprise, la durée de ce délai a ainsi dépassé celui de huit jours prévu par les dispositions de l'article R. 2421-6 du code du travail citées au point 3. Si l'association soutient que cette durée s'explique par son obligation de respecter le délai minimal de cinq jours entre la convocation à l'entretien préalable de licenciement et la tenue de cet entretien et, par suite, par la nécessité de repousser la date de cet entretien pour tenir compte des délais postaux d'acheminement de la convocation et de l'incertitude qui s'attache à la date du retrait du pli recommandé par le salarié, il ressort des pièces du dossier qu'aucune circonstance de droit ne justifiait un tel report dès lors que la convocation à cet entretien pouvait être effectuée non seulement par lettre recommandée mais aussi par lettre remise en main propre contre décharge ainsi que le prévoit l'article L. 1232-2 du code du travail ou encore par remise par voie d'huissier de justice ou tout autre système permettant de justifier des dates d'expédition et de réception de la lettre, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation. A cet égard, la circonstance invoquée tenant à ce que Mme A... était en congés au cours de la période du 2 au 14 septembre 2017 ne faisait nullement obstacle à sa convocation à l'entretien préalable dans les conditions susmentionnées. De même l'association ne saurait utilement se prévaloir de ses règles internes de fonctionnement, ni du délai légal de réflexion de deux jours après l'entretien préalable pour prendre la décision de licenciement, pour justifier de son retard à saisir l'inspecteur du travail après la tenue de cet entretien. Alors même que la rémunération de Mme A... a été maintenue pendant la période de mise à pied conservatoire, le délai de saisine de l'inspecteur du travail a revêtu, en l'espèce, une durée excessive entachant d'irrégularité la procédure au terme de laquelle l'administration a autorisé le licenciement de Mme A....
6. S'il est soutenu que l'annulation rétroactive de l'autorisation de licenciement de Mme A... entraîne des conséquences manifestement excessives, un tel moyen est sans incidence sur la régularité ou le bien-fondé du jugement dont la requérante relève appel.
7. Il résulte de ce qui précède que l'association la Maison de retraite Lou Seren n'est, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a, pour ce motif, annulé la décision du 6 novembre 2017 de l'inspecteur du travail ainsi que la décision du 16 juillet 2018 de la ministre du travail rejetant le recours hiérarchique formé par Mme A... contre cette décision.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de Mme A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association la Maison de retraite Lou Seren la somme de 2 000 euros à verser à Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'association la Maison de retraite Lou Seren est rejetée.
Article 2 : L'association la Maison de retraite Lou Seren versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association la Maison de retraite Lou Seren et à Mme B... A....
Copie en sera adressée à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2021, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Prieto, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 octobre 2021.
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N° 20MA04428
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